Fibre dans les campagnes : le Sénat demande plus d’argent à l’exécutif

Par Pierre Manière  |   |  668  mots
Selon Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain, l'arrivée de la fibre dans les campagnes pourrait prendre du retard si le gouvernement ne met pas la main au portefeuille pour soutenir les réseaux des collectivités. (Crédits : DR)
Ce lundi, les parlementaires ont interpellé le gouvernement, estimant que le compte n’y était toujours pas pour tenir les engagements de déploiement de la fibre dans les territoires les moins peuplés du pays. D’après eux, il manque encore 322 millions d’euros.

Les échanges ont été tendus ! Ce lundi, lors de l'examen du projet de loi de finances 2020, le Sénat a voté un amendement concernant une rallonge financière de 322 millions d'euros pour permettre aux campagnes et territoires ruraux de poursuivre leurs projets de déploiement de la fibre. Selon les sénateurs, une première enveloppe de 140 millions d'euros, dévoilée en octobre dernier par le gouvernement, n'est pas du tout suffisante. Sans crédits supplémentaires, « on bloque tout le système », a insisté Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain et bon connaisseur des questions liées au numérique. A l'en croire, ces fonds supplémentaires sont indispensable, au risque de faire capoter le plan France très haut débit, qui ambitionne d'apporter un Internet fixe ultra-rapide à tous les Français à l'horizon 2022. Le risque, selon lui, c'est qu'une part importante de la population rurale s'en retrouve dépourvue.

Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, a estimé que le Sénat faisait fausse route :

« Nous n'avons pas besoin dès 2020 d'autorisations d'engagement que vous mentionnez [les 322 millions d'euros, Ndlr], parce que compte tenu des délais entre autorisations d'engagement et délais de paiement, et compte tenu du montant d'autorisations d'engagement dont nous disposons aujourd'hui, nous sommes en réalité très large. »

« Ce que vous venez de dire est totalement faux »

Ces explications n'ont guère convaincu les sénateurs. A commencer par Patrick Chaize. Lequel a sorti l'artillerie lourde :

« Excusez-moi, madame la ministre, mais ce que vous venez de dire est totalement faux. Je vais vous citer un exemple très précis. (...) Le dossier (de la couverture en fibre) de la Bretagne à lui seul nécessite 200 millions d'euros d'engagement. Avec les 140 millions d'euros que vous avez retrouvés, bah, déjà, on n'y arrive pas. (...) C'est dommage. »

Dans son sillage et celui d'autres parlementaires très remontés contre l'exécutif, la ministre a élevé la voix. « Aujourd'hui nous tenons nos engagements, a-t-elle insisté. Nous avons suffisamment d'argent, et je trouve un peu détestable de laisser penser que ce n'est pas exact. »

Pas de quoi convaincre les sénateurs, qui en ont remis une couche.

« Madame la ministre je crois qu'on a l'illustration, une fois de plus, du "en même temps", a dézingué Dominique de Legge, le sénateur LR d'Ille-et-Vilaine. On affirme une priorité. On fait un joli discours. Et quand il faut passer aux actes, on a des états d'âme. Moi je n'en ai strictement aucun. (...) Les collectivités territoriales sont dans les starting-blocks (pour déployer la fibre, Ndlr). Aujourd'hui elles hésitent à y aller parce qu'il y a une incertitude sur la position du gouvernement. En votant cet amendement, nous envoyons un message clair. »

« Tout a été dépensé aujourd'hui »

Présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, qui a proposé l'amendement, Sophie Primas, la sénatrice LR des Yvelines, a voulu jouer la carte de l'apaisement:

« Madame la ministre, ne vous énervez pas. On est avec vous et on connait le travail qui a été mené sur le déploiement du haut débit et de la fibre. (...) Tout a été dépensé aujourd'hui. (...) Je vous suggère autre chose: si vous ne pouvez pas mettre (ces crédits supplémentaires) au budget, changez la comptabilité publique. Permettez que les collectivités s'engagent sans que les budgets soient inscrits. Voilà. Et dans ce cas-là, on y arrivera. »

La ministre, elle, a campé sur ses positions : « Je le redis une dernière fois : il y a assez d'autorisations d'engagements. Aujourd'hui elles ne sont pas saturées. » Avec son amendement, le Sénat a surtout voulu envoyer un message d'alerte. Le gouvernement aura tout le loisir de le balayer lorsque le projet de loi de finances 2020 reviendra à l'Assemblée nationale, où il est en position de force.