Mobile  : Orange et Free veulent partager leurs pylônes dans les campagnes

Par Pierre Manière  |   |  640  mots
Xavier Niel, le propriétaire d'Iliad (Free), et Stéphane Richard, le PDG d'Orange. (Crédits : Reuters)
L’opérateur historique et celui de Xavier Niel ont signé un protocole d'accord visant à mutualiser une partie de leurs réseaux mobiles dans les territoires ruraux.

Dans les campagnes, Orange et Free pourraient bientôt travailler main dans la main. En mars dernier, les opérateurs ont signé un protocole d'accord concernant un partenariat (encore non conclu) d'une durée d'au moins cinq ans, visant à partager et à construire ensemble des pylônes de téléphonie mobile dans les territoires ruraux. Il s'agit d'un accord de « mutualisation passive », dit-on dans le jargon des télécoms. En clair, les opérateurs partageraient des pylônes et leurs coûts d'exploitation (liés à l'électricité, par exemple). Mais chacun y grefferait ses propres équipements radio. Les territoires concernés par ce deal se situent dans une zone dite « de déploiement prioritaire » (ou ZDP), c'est à dire les territoires ruraux où la couverture mobile est mauvaise ou insuffisante. Cette ZDP représente, selon l'Arcep, 63% du territoire et 18% de la population.

Ce type d'accord de mutualisation permet généralement aux opérateurs de baisser significativement leurs coûts pour couvrir des zones peu peuplées, et donc peu rentables. Mais dans le cas présent, l'enjeu est un peu différent pour Orange. Aujourd'hui, tout opérateur souhaitant déployer un nouveau pylône dans la ZDP est confronté à une « obligation de consultation préalable ». Il doit, en clair, prévenir ses rivaux pour savoir s'ils sont intéressés par une mutualisation du site. Cette obligation est apparue lors du New Deal, un accord signé en janvier 2018 entre les opérateurs et l'Etat visant à en finir avec les zones « blanches » et « grises », où le mobile ne passe toujours pas, ou très mal. A l'époque, lors des négociations avec le gouvernement et l'Arcep, Orange avait tiré à boulets rouges sur cette disposition. Pour l'opérateur historique, elle est était tout bonnement inacceptable. A ses yeux, elle ruinait tous ses efforts de différenciation en ZDP, nous expliquait à ce moment-là une source proche du dossier

La mutualisation, un sujet des plus stratégiques

Face à cette fronde, l'Arcep a revu sa copie. Lors des négociations du New Deal, le régulateur a alors proposé que si un opérateur faisait à un de ses rivaux une offre de mutualisation passive en ZDP jugée raisonnable, alors l'obligation de consultation préalable pourrait, pour sa part, sauter. Cette mesure visait, concrètement, à pousser Orange à s'entendre avec Free, comme La Tribune l'a expliqué à l'époque. C'est la raison pour laquelle l'opérateur historique a demandé à l'Arcep, dans la foulée de la signature du protocole d'accord de mutualisation avec son rival, de lever cette obligation. Free a fait la même demande, mais uniquement pour les sites qui seraient co-construits avec Orange. Le régulateur, lui, a lancé une consultation publique pour recueillir l'avis du secteur à ce sujet, mais aussi concernant une possible disparition, pour tous les acteurs, de cette obligation. D'après le régulateur, une décision pourrait intervenir d'ici peu.

De manière générale, avec l'arrivée de la 5G l'été prochain, la question de la mutualisation des infrastructures mobiles est devenue éminemment stratégique pour les opérateurs. Tous vont devoir investir des sommes considérables dans la prochaine génération de réseaux mobiles, alors qu'ils consacrent déjà beaucoup d'argent dans le déploiement de la fibre et la couverture des zones blanches. Pour économiser de précieux deniers, SFR et Bouygues Telecom partagent depuis longtemps une grande part de leurs infrastructures mobiles dans les zones moins denses. Aux yeux de nombreux observateurs, un accord similaire entre Orange et Free leur permettrait d'être plus compétitif. C'est particulièrement vrai pour l'opérateur de Xavier Niel. Lequel, en tant que dernier arrivé dans le mobile, est contraint de faire davantage d'efforts pour améliorer sa couverture nationale.