Santé : des associations tirent à boulets rouges sur la 5G

Par Pierre Manière  |   |  960  mots
Une antenne de téléphonie mobile. (Crédits : Reuters)
Agir pour l’environnement et PRIARTEM appellent au gel du déploiement de la prochaine génération de communication mobile, jugeant qu’elle présente des risques pour la santé et l’environnement.

Si les industriels des télécoms louent la 5G et ses promesses d'un quotidien hyper-connecté, cette perspective ne fait pas rêver tout le monde. A commencer par les associations Agir pour l'environnement et PRIARTEM. Ce lundi, elles ont déposé plusieurs recours devant le Conseil d'Etat, visant à geler le déploiement de la 5G. A leurs yeux, la nouvelle génération de communication mobile présente des risques pour l'environnement et la santé. Sur ce dernier point, les associations estiment qu'il existe des incertitudes, et demandent l'application du principe de précaution.

« On sait que ces ondes ont un impact sur notre cerveau, que des personnes manifestent des troubles d'électro-sensibilité », a déclaré Sophie Pelletier, la présidente de PRIARTEM-Electro-sensible de France, lors d'une conférence de presse la semaine dernière. Sachant qu'il existe, selon elle, « des suspicions de plus en plus importantes en terme de cancérogénicité ». Délégué général d'Agir pour l'environnement, Stephen Kerckhove estime pour sa part qu'avec la 5G, « on aura une explosion de l'exposition des riverains ».

« Manque de données scientifiques »

Ces mêmes associations avaient, le mois dernier, lancé une pétition contre le déploiement de la 5G. Elles veulent mettre des bâtons dans les roues du processus d'attribution des fréquences 5G aux opérateurs. Celui-ci doit s'achever au printemps. Les premiers déploiements de la 5G, eux, devraient débuter courant juillet, mais ils seront limités à quelques grandes villes.

Fin janvier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), avait de son côté évoqué un manque de données scientifiques sur les effets sur la santé de certaines fréquences d'ondes électromagnétiques utilisées pour la 5G. C'est notamment le cas pour la bande de fréquences 3,5 GHz, qui doit bientôt être attribuée aux opérateurs. Ici, l'agence a mis en évidence « un manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels ». En parallèle, l'Anses a jugé que les que les données étaient « plus nombreuses » concernant les fréquences 26 GHz, dites « millimétriques », qui seront attribuées plus tard. Reste que ces dernières suscitent des inquiétudes, parce qu'elles n'ont encore jamais été utilisée par les opérateurs mobiles. L'Anses a indiqué qu'une analyse était en cours. Sa publication est prévue en début d'année prochaine.

« Nous sommes dans un environnement régulé »

Face à l'inquiétude des associations et d'élus, le gouvernement argue que la situation est sous contrôle. La semaine dernière, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Économie et des Finances, a rappelé au Sénat qu'il existait une réglementation visant à limiter les émissions d'ondes. « Elle s'applique aussi bien à la 2G, à la 3G, qu'à la 4G, et donc à la 5G, a insisté la ministre. Nous sommes dans un environnement qui est déjà régulé. »

Elle a indiqué que les expérimentations en cours de la 5G donnaient lieu de mesures d'exposition de l'Agence nationale des fréquences (ANFR). « Ces mesures sont partagées auprès d'un comité qui réunit les associations de consommateurs, les élus locaux et les opérateurs, a indiqué Agnès Pannier-Runacher. L'objectif est d'accompagner ces expérimentations, et d'en tirer des enseignements pour le déploiement de la 5G. » Si la ministre a admis qu'« il n'y a que peu de recul » sur la bande de fréquences 26 GHz, elle juge la situation différente pour celle des 3,5GHz, qui sera bientôt attribuée. « Nous avons du recul puisque ce sont des ondes dans lesquelles nous baignons pour d'autres usages depuis des années », a-t-elle argué.

Le régulateur des télécoms appelle à un débat

Consciente que les antennes mobiles font figure d'épouvantails aux yeux de certains, elle a rappelé que « plus on en est loin, plus il est difficile de s'y connecter, et plus vous avez d'émissions [venant du smartphone, Ndlr] ». C'est ce que soulignait en mars dernier Stefan Dongus, spécialiste santé à l'Institut tropical et de santé publique de Bâle, au quotidien suisse Le Temps : « Lorsqu'un téléphone mobile dispose d'une bonne connexion réseau (par exemple à proximité d'une station de base), il rayonne jusqu'à 100.000 fois moins qu'un téléphone mobile dont la connexion réseau est faible (par exemple dans une cave à 2-3 km d'une station de base). » Voilà pourquoi, selon lui, et contrairement à certaines idées reçues, « un réseau plus dense de stations de base dans les zones à forte utilisation de téléphones mobiles peut même contribuer à réduire l'exposition totale d'une personne au rayonnement ».

Interrogé ce lundi sur France Culture sur les risques de la 5G pour la santé, Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, le régulateur des télécoms, a lui aussi rappeler que les opérateurs doivent, quelle que soit la technologie, « respecter des niveaux de champs électromagnétiques ». « Ce n'est pas parce qu'on rajoute une antenne ou une fréquence que la règle change », a-t-il insisté. Concernant l'utilisation à venir des fréquences millimétriques, « des études sont nécessaires et en cours de réalisation », a-t-il indiqué. « Il faut toujours se demander si ces nouvelles fréquences peuvent avoir des effets différents sur le corps humain, a poursuivi le chef de file de l'Arcep. L'agence de sécurité sanitaire s'occupe de cette question. » Fin janvier, l'Arcep a plaidé pour un débat sur « les enjeux de société » liés à l'arrivée de la 5G. Il a annoncé des consultations avec toutes les parties prenantes, avant une journée d'échanges début juin. Pas de quoi, visiblement, rassurer Agir pour l'environnement et PRIARTEM.