Selon l'Arcep, Orange "attaque le modèle français de régulation"

Par Pierre Manière  |   |  613  mots
Sébastien Soriano, le président de l'Arcep. (Crédits : Sipa)
Ce lundi, le collège de l’Arcep a estimé qu’en contestant le pouvoir de sanction du gendarme des télécoms, l’opérateur historique s’en prend plus largement au mode de régulation du secteur en France. Très remonté envers la démarche d’Orange, Sébastien Soriano, le président de l’institution, rappelle que d’autres pays ont fait des choix différents. À l’instar du Royaume-Uni, qui a décidé de scinder les activités de réseaux et de services de son opérateur historique.

La démarche d'Orange l'a fortement irrité. Ce lundi, le collège de l'Arcep s'est fendu d'un édito, via la newsletter de l'institution, pour faire le point sur les implications d'une récente pique de l'opérateur historique. À la fin de l'été, Orange a déposé au Conseil d'État une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), pour contester le pouvoir de sanction du régulateur des télécoms. Or, aux dires du collège, Orange, à travers cette initiative, "[défie] l'esprit pragmatique de la régulation à la française". Ici, l'opérateur historique "n'agresse pas tellement l'Arcep", précise Sébastien Soriano, le président du régulateur, à La Tribune, "mais attaque plus largement le modèle français de régulation".

Dans son édito, le collège souligne que le pouvoir de sanction de l'Arcep est vital pour le bon fonctionnement de la régulation actuelle. Sans lui, il ne serait notamment pas possible, argumente-t-il, de bénéficier "des engagements que peuvent prendre les opérateurs sur des enjeux concurrentiels ou de couverture du territoire". "Sans contrôle ni sanction, ces engagements ne seraient que de papier", insiste le collège. À titre d'exemple, l'État a fait le choix, l'an dernier, de proposer aux opérateurs un accord singulier : les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés à couvrir les "zones blanches", ces campagnes le mobile ne passe pas, en contrepartie d'absence d'enchères financières pour le renouvellement de certaines fréquences. "Or ces obligations, il faut bien quelqu'un pour les contrôler, souligne Sébastien Soriano. S'il n'y a pas de pouvoir de sanction, alors ces engagements n'ont plus aucune valeur."

"Je ne suis pas certain qu'Orange a mesuré toutes les conséquences"

Sébastien Soriano se montre très remonté par l'initiative de l'opérateur historique. "Je ne suis pas certain qu'Orange a mesuré toutes les conséquences", dit-il. Le président de l'Arcep affirme que si son pouvoir de sanction disparaissait, alors la France devrait choisir un autre modèle de régulation. Pas sûr, dans ce cas, qu'Orange y gagne. Loin de là. Sébastien Soriano fait notamment référence "aux Anglais [qui] ont décidé de couper leur opérateur historique en deux". Concrètement, le Royaume-Uni a obligé BT à loger ses activités de réseaux dans une société juridiquement distincte, Openreach, afin qu'elle serve équitablement tous les opérateurs du pays.

La France, rappelle Sébastien Soriano, a fait un choix différent. Souhaitant tirer avantage de la "synergie entre les infrastructures et les services", elle a décidé de laisser l'opérateur historique maître de son réseau de ses déploiements.

"Nous avons jugé qu'Orange, du fait de son besoin de regagner des clients dans l'Internet fixe [avec l'essor d'une forte concurrence dans l'ADSL, Ndlr] était incité à investir dans la fibre", explique-t-il, y voyant une "dynamique de marché positive". "Mais la contrepartie de ce choix, c'est qu'il faut que le régulateur vérifie au quotidien qu'Orange ne profite pas de cette situation en se donnant un avantage [vis-à-vis des autres opérateurs, Ndlr] sur le marché de détail. C'est ce qu'on appelle la non-discrimination. Pour y veiller, il faut un contrôle régulier et des procédures de sanction. Sans elles, nous serions potentiellement poussés à choisir des approches de régulation beaucoup plus radicales..."

Interrogé par La Tribune sur cette menace d'un sort à la BT pour Orange si l'Arcep perdait son sifflet, Sébastien Soriano corrige : "Ce n'est pas une menace, c'est factuel", cingle-t-il.