Tracking du Covid-19 : comment font les autres pays ?

Par Anaïs Cherif  |   |  1163  mots
(Crédits : Reuters)
Alors que la France planche sur l'application "StopCovid" pour "traquer" la propagation du coronavirus, de nombreux pays en Asie et en Europe ont déployé des solutions de "tracking" des individus via leur smartphone. GPS, Bluetooth ou encore reconnaissance faciale : les moyens techniques sont nombreux, pour des finalités différentes. Tour d'horizon.

Elles permettent de quantifier, de géolocaliser, de cartographier, de contrôler et parfois d'informer... Elles, ce sont les technologies de traçage numérique - le fameux "tracking" - utilisées depuis le début d'épidémie du coronavirus.

L'objectif affiché par les Etats qui y recourent : lutter contre la propagation du Covid-19. Plusieurs technologies, plus ou moins intrusives d'un point de vue du respect de la vie privée, peuvent permettre de surveiller à distance les individus.

  • Géolocaliser : antennes-relais et données GPS

Il s'agit de la technologie la plus évidente, et par conséquent, elle est très utilisée par les Etats depuis le début de la pandémie. Plusieurs dispositifs permettent d'y parvenir.

Pourquoi ? La géolocalisation permet de reconstituer à l'échelle d'une région ou d'une ville les déplacements de population ; identifier les zones à forte densité et à risque ; anticiper et adapter les capacités d'accueil dans les établissements de santé ; contrôler le respect des mesures de confinement de manière globale ou individualisée.

Comment ? Les opérateurs télécoms possèdent de nombreuses informations grâce aux données mobiles récoltées par le biais des antennes-relais. L'avantage : les données sont automatiquement générées dès lors qu'une personne utilise un mobile, et aucune activation de collecte n'est nécessaire par les utilisateurs. Par exemple, Orange fournit à l'Institut français de la recherche médicale (Inserm) des données agrégées, qui ne comportent pas d'information permettant d'identifier les personnes (âge, sexe...), selon l'opérateur. Ainsi, selon ses données de bornage, Orange a estimé qu'environ 1,2 millions de franciliens ont quitté le Grand Paris entre le 13 et le 20 mars.

La géolocalisation peut également être réalisée grâce aux réseaux sociaux (Facebook, Instagram...), aux plateformes et à la myriade d'applications mobiles (Google Maps notamment) qui disposent des données GPS de leurs utilisateurs. Par exemple, les géants américains Facebook et Google ont récemment ouvert aux chercheurs et aux autorités leurs données "agrégées et anonymisées". Celles-ci proviennent des utilisateurs ayant activé l'option "historique des positions" dans leurs applications, mais aussi sur leur système d'exploitation mobile, comme Android, géré par Google.

Certains pays, comme Taïwan et la Pologne, ont même imposé des dispositifs de géolocalisation aux personnes infectées, susceptibles de l'être ou revenant de l'étranger. Dans le cas précis de la Pologne, l'application envoie de manière aléatoire, plusieurs fois par jour, des SMS demandant aux utilisateurs de se géolocaliser grâce à un selfie. Sans réponse, la police polonaise se rend aux domiciles des personnes concernées.

Où ? Chine, Thaïlande, Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Israël, Russie, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Pologne...

  • Cartographier : montres et bracelets connectés

Dans une logique assez similaire à la géolocalisation, il est possible de cartographier la propagation du virus à partir d'objets connectés.

Pourquoi ? Cela peut aider les autorités sanitaires à dresser un aperçu géographique et en temps réel de la propagation de l'épidémie ; contrôler de façon individualisée les mesures de confinement et de quarantaine.

Comment ? En Europe, l'Allemagne est le seul cas d'école connu, avec l'application "Corona-Datenspende" lancée mardi. Celle-ci récolte anonymement et sur la base du volontariat les données de santé issues des montres et bracelets connectés grand public : genre, taille, poids, augmentation du pouls au repos, modifications des habitudes de sommeil et d'activité... mais aussi, le code postal des utilisateurs. Les données sont ensuite analysées et traitées par l'Institut Robert-Koch, qui pilote la lutte contre l'épidémie outre-Rhin.

A Hong Kong, les autorités ont doté toutes les personnes revenant de l'étranger d'un bracelet électronique, similaire à ceux utilisés en cas de peines judiciaires. Celui-ci était ensuite relié à une application devant être téléchargée sur un smartphone. Cette appli peut  envoyer un message d'alerte en cas de sortie du périmètre programmé.

Où ? L'Allemagne, Hong Kong.

  • Détecter : Bluetooth

La technologie sans fil Bluetooth est au cœur du projet d'application "StopCovid", sur lequel le gouvernement français planche actuellement. C'est également le dispositif qui a été retenu par le consortium de chercheurs européens, baptisé PEPP-PT.

Pourquoi ? Le principal usage est de détecter et d'informer des sujets "contacts". Il s'agit d'identifier les personnes ayant été potentiellement exposées au virus suite à la rencontre de malades (avérés ou asymptomatiques).

Comment ? Recourir au Bluetooth nécessite un pré-requis : l'installation d'une application de traçage numérique, qui fournit un identifiant unique à chaque utilisateur. Une fois installée, l'application détecte par Bluetooth jusqu'à plusieurs mètres les téléphones mobiles également équipés de l'application. Cela permet d'estimer la distance entre plusieurs personnes, ainsi que le temps de contact.

Si une personne dotée de l'application se révèle être porteuse du coronavirus, alors elle se fait connaître auprès des autorités en fournissant l'historique de son application. Cela permet ensuite d'envoyer une notification via l'appli à tous les individus qu'elle a rencontré.

Où ? Singapour. Les gouvernements français et allemand développent actuellement des applications qui recourent au Bluetooth.

  •  Repérer : cartes bancaires et de transports

Le recours à ce types de données - issues de cartes à puces - est pour l'instant marginal.

Pourquoi ? L'usage principal est d'identifier les chaînes de transmission du virus à travers les magasins et les stations de transports à risque ; prévenir les personnes ayant été potentiellement exposées au Covid-19.

Comment ? Côté banque, les données issues de chaque paiement et retrait peuvent permettre de reconstituer grossièrement des itinéraires. Idem avec les titres de transports numériques. Certains systèmes utilisés dans les métros demandent de badger à l'entrée et à la sortie.

Par exemple, à l'échelle d'un magasin, si un membre du personnel se révèle être positif au coronavirus, les autorités peuvent analyser les historiques des transactions bancaires pour identifier de potentiels cas de contaminations parmi la clientèle récente.

Où ? Corée du Sud et Singapour.

  • Surveiller : vidéosurveillance et reconnaissance faciale

Il s'agit des cas les plus extrêmes en terme de "tracking" car ils sont réalisés sans consentement des utilisateurs et par nature, ils sont massivement utilisés puisque les équipements de vidéosurveillance et de reconnaissance faciale dans les espaces publics sont logiquement placés dans des endroits très fréquentés.

Pourquoi ? Surveiller les personnes infectées ou pouvant l'être, mais aussi celle revenant de l'étranger afin de les soumettre strictement à un confinement ou une quarantaine.

Comment ? Cela suppose un maillage des espaces publics avec des dispositifs de vidéosurveillance, pouvant être couplés à de la reconnaissance faciale ou à un contrôle humain.

Où ? Chine, Corée du Sud, Singapour, Russie...