Immobilier : des taux au plus bas, mais toujours moins de candidats à l'achat

Par Laura Fort  |   |  1059  mots
Copyright Reuters
Les taux de crédit immobilier ont beau atteindre un point bas, les emprunteurs ne passent toujours pas à l'acte. La faute à un attentisme post-électoral, mais aussi à des prix qui restent encore élevés, en particulier à Paris.

 Les professionnels sont unanimes : les conditions n'ont jamais été aussi bonnes pour investir dans l'immobilier. Et pourtant, le moins que l'on puisse dire, c'est que les emprunteurs ne se bousculent pas pour signer leur crédit immobilier et leurs compromis de vente.

Attirer les meilleurs dossiers

Alors que l'OAT 10 ans a atteint un "plus-bas" historique le 4 juin à 2.26% et reste encore sous la barre des 3%, les taux de crédit se sont appréciés à la baisse. Ainsi Meilleurtaux évalue le taux moyen sur 20 ans à 3.92% en juin, contre 4.31% en janvier.
"Les banques mènent actuellement des politiques de taux très offensives pour conquérir les meilleurs clients, notamment ceux qui peuvent emprunter sur des durées inférieures à 20 ans. Elles sont aujourd'hui 75 % à proposer des taux inférieurs à 4 % sur 20 ans, quand elles n'étaient que 5 % en janvier dernier", constate Hervé Hatt, directeur général du courtier Meilleurtaux.com. Les banques pourraient par là chercher à rattraper leur retard en terme de production de crédits, en berne depuis le début de l'année.
Mais finalement, "que les taux soient haut ou bas, ce n'est pas cela qui bloque aujourd'hui le marché", estime Hervé Hatt.

Attentisme des primo accédants

La baisse de la production de crédit "est principalement liée à l'attentisme des primo-accédants, une clientèle que l'on sait limitée dans sa capacité d'emprunt et qui ne pouvait, ces dernières années, acheter qu'avec des crédits sur 30 ans et un financement à 100%", explique Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi dans un communiqué.
Or les banques ont durci leurs conditions d'octroi : elles demandent davantage d'apport personnel (environ 10% du montant total du prêt) et prêtent sur des durées plus courtes, en moyenne sur 18 ans. Et qui voudrait cependant emprunter sans apport et sur 30 ans, se verrait opposer un taux de crédit prohibitif... "Souvent en mesure d'acheter cash et donc, sans condition suspensive d'obtention de financement, les acquéreurs "patrimoniaux" restent des profils recherchés pour les banques, qui continueront imperturbablement de financer les bons dossiers", lance Olivier Dacquin, directeur du développement commercial de Banque Patrimoine & Immobilier dans une tribune.

A Paris, rien ne va plus

Outre l'exigence des établissements bancaires, les prix restent relativement élevés. "Les particuliers demeurent attentistes dans l'espoir d'une baisse significative des prix, même si celle-ci est toute relative", affirme Joël Boumendil, PDG du courtier ACE dans un communiqué. La FNAIM attend une baisse de 5% des prix en France cette année.
A Paris, rien ne va plus. Les taux en Ile de France sont certes inférieurs à la moyenne nationale (voir tableau ci-dessous). Mais les prix, eux, font de la résistance. S'ils sont en baisse de 1.1% à fin mars par rapport à fin décembre, ils demeurent en hausse de 7% par rapport au premier trimestre 2011 selon les chiffres des Notaires de France. Et ont augmenté de 186% depuis 2000 !
Si bien qu'à Paris, le pouvoir d'achat immobilier, malgré la baisse des taux, reste en forte baisse. Ainsi, pour une mensualité de prêt équivalente à 33% à son revenu moyen, un parisien pouvait s'offrir 51 m2 en 2000, contre 29 m2 en 2011. Soit une baisse de 42.4% du pouvoir d'achat immobilier. A titre de comparaison, avec la même mensualité, un ménage peut acquérir un bien de 64 m2 à Strasbourg, de 55 m2 à Marseille ou de 38 m2 à Nice.

Dans l'attente du scénario idéal

Outre les prix, il existe un attentisme post-électoral lié aux différentes réformes attendues, notamment sur l'encadrement des loyers ou sur les mesures fiscales concernant le patrimoine des ménages en général.
La réforme annoncée sur l'encadrement des loyers pourrait freiner l'intérêt pour les investissements locatifs. Sachant que 21% des acquisitions des parisiens sont des investissements locatifs, et qu'elles représentent 15% des investissements dans l'immobilier en France selon Meilleurtaux.
La suppression des incitations pour les primo accédants avec la fin du PTZ + et pour les investisseurs locatifs avec la fin du Scellier, n'est pas non plus étrangère à la baisse de la demande.
Une étude réalisée en avril par Logic-Immo et TNS Sofres montre que les candidats à l'achat attendent le scénario idéal. "Interrogés pendant l'entre-deux tours des élections, les futurs acquéreurs étaient encore plus nombreux qu'en janvier 2012 à espérer de meilleures conditions d'acquisition à l'issue des élections. En effet, près d'un quart d'entre eux était tenté d'attendre l'issue des élections présidentielles. Cette mise en "standby" de leurs projets est susceptible de se prolonger avec l'échéance des législatives en juin", lit-on.

Les acheteurs reprennent le pouvoir

Meilleurtaux.com observe une hausse de dossiers déposés, toutes demandes confondues, mais une baisse des compromis signés. Plus d'intérêt donc, mais moins de passage à l'acte. Sandrine Allonier, responsable des études économiques chez Meilleurtaux, avance une explication à cette situation : "Il y a certainement un effet prudence. Les candidats à l'emprunt déposent aujourd'hui leurs dossiers très longtemps à l'avance, bien en amont de la concrétisation de leur achat. Cela peut expliquer cet écart entre un intérêt marqué et une faible transformation".
Paris reste le mouton noir : le nombre de dossiers déposés est en baisse, contrairement au reste de la France, et c'est dans la capitale que la baisse des concrétisations est la plus forte : -24% en avril-mai, le double de la moyenne nationale.
Au final, Hervé Hatt constate que les acheteurs ont repris le pouvoir sur les vendeurs : "Le sujet majeur est de retrouver un volume d'acheteurs. Mais il y a aussi des vendeurs qui ont du mal à s'ajuster à la baisse des prix."
Pour que la demande s'enclenche à nouveau, "la seule variable d'ajustement devient le prix des biens immobiliers, et compte tenu du contexte, on peut espérer un ajustement de 5 à 10% sur la quasi-totalité des biens qui concernent le public des primo-accédants. Ainsi, pour que les transactions sur ce type de biens reprennent, les vendeurs vont donc devoir consentir des efforts sur leurs prétentions...", affirme Jérôme Robin, président du courtier Vousfinancer.com.

 

Taux moyens sur 20 ans par régions (hors assurance)

Sud-Ouest 3.87%
Ouest 3.88%
Ile de France 3.89%
Méditerranée 3.92%
Rhône-Alpes 3.92%
Nord 3.94%
Est 4.04%
Moyenne nationale 3.92%

Source: Meilleurtaux, juin 2012

 

Pour en savoir plus

Découvrez le prix de l'immobilier jusque dans votre rue

Calculez votre taux de crédit