Banques et services immobiliers : je t'aime, moi non plus

Henry Buzy-Cazeaux, qui a notamment été directeur général chez Foncia connaît bien le milieu des services immobiliers. Il fait ici une analyse des rapports entre les banques et les groupes d'administration de biens. Des liens distendus avec le temps, les banques ayant presque toutes tiré un trait sur cette expérience dans le monde de l'immobilier.
Henry Buzy-Cazeaux / DR

On se rappelle que le mariage a fait couler beaucoup d'encre dans les années 1995-2005. La plupart des grands établissements financiers se sont portés vers l'administration de biens et la transaction immobilières, en acquérant des enseignes de premier plan et en les développant, parfois en les créant. Bien peu se sont soustraits à ce mouvement: pêle-mêle, la BNP, la Caisse des Dépôts et Consignations, le Crédit Mutuel, le Crédit Immobilier de France, le Crédit Foncier de France, la Caisse d'Epargne, la Banque Populaire, le Crédit Agricole sont devenus des acteurs significatifs des services immobiliers au logement.

La profession a diversement vécu l'arrivée de ces nouveaux entrants. On a tout entendu, que les banquiers ne sauraient pas faire ces métiers, qu'ils allaient les industrialiser sans nuance ni discernement, et que la logique du profit et de l'argent allait l'emporter sur les métiers et l'attachement aux savoir-faire. J'ai fait partie de ceux, car il y en avait, qui considéraient plutôt que les banquiers pouvaient d'abord apprendre ces métiers et renouveler les pratiques, avec une approche client plus moderne. D'ailleurs, lorsque j'ai contribué à l'introduction en Bourse du groupe FONCIA en 2001, j'ai dit et écrit que ces nouveaux entrants étaient les bienvenus, et qu'ils étaient porteurs de deux espoirs: ils institutionnalisaient des professions trop souvent regardées comme des activités mineures, et ils y arrivaient avec des moyens de les faire évoluer.

La plupart des établissements ont tiré un trait

Qu'en est-il dix ou quinze plus tard? La plupart des établissements financiers qui étaient entrés dans ce secteur en sont sortis, et ont cédé leur fond de commerce, soit à des acteurs professionnels de toujours ou à des fonds d'investissement. Pourquoi? Parce qu'ils se sont aperçus qu'ils étaient difficiles et que leur profitabilité n'était pas automatique. Qui reste-t-il? Essentiellement deux réseaux, le Crédit Immobilier de France, sous la marque "Immo de France", et le Crédit Agricole, sous la marque "Square Habitat". La BPCE, addition des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires, détient encore 17% du capital de FONCIA après la cession aux deux fonds Eurazéo et Bridgepoint, mais il ne s'agit pas d'une participation stratégique.

Les deux acteurs fondamentaux, la banque verte et le CIF, vont-ils, eux, persévérer dans la transaction et la gestion immobilières résidentielles? Vont-ils y réussir? Tout porte à le croire, pour plusieurs raisons sur lesquelles je veux m'attarder.

Je constate d'abord que les deux seules banques encore présentes ont une culture immobilière. Le réseau des SACI (Sociétés Anonymes de Crédit Immobilier), créé pour financer l'accession sociale et populaire à la propriété en 1908, s'est immédiatement engagé dans les activités immobilières de façon opérationnelle, en devenant très vite promoteur-constructeur puis constructeur de maisons individuelles. Quant aux caisses de Crédit Agricole, elles soutiennent la promotion depuis longtemps, et leur réseau est le premier financeur des ménages pour le logement (1/3 des parts de marché).

Importance de la proximité

Je note ensuite que les deux banques qui demeurent dans l'immobilier de service sont des établissements à réseau, c'est-à-dire dont l'organisation est fondée sur la proximité. Or, la logique de proximité est vitale lorsqu'on parle de services au logement, parce que la connaissance des marchés et des situations individuelles conditionne la justesse des réponses. Toutes les enquêtes révèlent que les Français demandent plus d'écoute de la part des agents immobiliers et des administrateurs de biens et un lien d'empathie plus fort.

Je note enfin, de façon un peu cynique, que ces deux banques ont les moyens de la patience et de la courbe d'apprentissage. Ce sont des banques saines, l'une spécialisée, l'autre généraliste, fortes de fonds propres abondants, ancrées sur des compétences établies, jouissant de la confiance des ménages. L'une et l'autre ont commis des erreurs tactiques, mais n'ont pas fait de faux pas stratégiques, et ont de vraies convictions de fond quant aux services immobiliers.

Les deux misent sur la formation, sur la qualité des recrutements. Les deux se sont gardées de vouloir transposer les solutions de la banque dans le domaine de la gestion et de la transaction. Pour être plus juste, certaines caisses de Crédit Agricole ou certaines sociétés de Crédit Immobilier ont pu s'égarer, par exemple en croyant que les personnels de la banque pouvaient faire par principe de bons dirigeants ou collaborateurs de l'immobilier. Par exemple en croyant que l'administration de biens n'était que de la gestion d'encours, et que ces métiers étaient faciles. Mais la force de ces réseaux tient au respect de l'exemplarité: le Crédit Agricole notamment est en train de favoriser les échanges entre caisses et filiales régionales pour que s'imposent les bonnes pratiques.

Ces deux opérateurs ont également à leur actif la clarté vis-à-vis du public à propos du lien capitalistique entre la banque et l'immobilier, et ce dès le début de leur diversification. Le législateur y a fait obligation en 2009, et désormais les mandats confiés à une agence propriété d'une banque doivent mentionner la dépendance capitalistique. Ces deux enseignes l'avaient précédé, et Square Habitat par exemple va jusqu'à indiquer dans son enseigne l'identité de son actionnaire de référence.

Quelle originalité ?

En clair, aucune imposture et de la légitimité. Il faut en revanche que ces acteurs aient conscience de leur responsabilité: doivent-ils seulement être des intervenants de plus sur le marché, ou doivent-ils prétendre à une originalité, du moins à un certain stade de la courbe d'apprentissage? C'est évidemment la seconde voie qu'il leur faut emprunter. Ils ont en particulier les moyens d'innover. Ils ont les moyens d'apporter des solutions composites de l'immobilier, du financement, de l'épargne, de l'assurance, et de devenir des ensembliers de service. Bien sûr, ils cheminent déjà dans ce sens. Ils devront aller plus loin...et le faire savoir au public pour se différencier.

Ils devront à cet égard ne pas confondre packaging et ventes liées: le client veut un guichet unique de services, sans obligation d'achat. il veut profiter de la synergie entre ces enseignes de la gestion et de la transaction, et leur maison-mère, mais dans la transparence et la liberté. Le législateur a d'ailleurs pris des dispositions limpides pour que le public n'ignore rien de l'origine des produits et des services offerts.

Ils ont aussi une familiarité des outils Internet, apprise dans la banque, qu'ils peuvent mettre à profit pour la commercialisation des services immobiliers et l'accès de leur clientèle à l'information. Sur ce terrain, la profession accuse un retard préjudiciable, notamment pour la consultation en ligne des comptes ou encore des comptes-rendus d'action commerciale.

Pourtant, l'essentiel n'est pas là. Il importe à ces opérateurs de ne pas oublier l'essentiel: bien faire son métier. Que reproche-t-on aux agents immobiliers et aux administrateurs de biens? De ne pas faire leur métier de façon orthodoxe, correcte, stricte, de ne pas rendre le service qu'on attend d'eux, de manquer d'efficacité. Dans ce contexte, la différenciation pourrait bien consister...à travailler dans les règles de l'art. A ces grandes maisons, le Crédit Agricole en tête, on ne pardonnerait pas de ne pas commencer par le commencement, et de ne pas prouver qu'ils respectent les savoir-faire, à la fois observance des obligations règlementaires et goût des beaux gestes professionnels. Leur marque est d'abord une promesse de compétence, et cette promesse doit être tenue. Comme le dit la Bible, "le reste leur sera donné par surcroît."

 

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Commentaire 1
à écrit le 27/04/2012 à 17:25
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Excellent article. Je travaille depuis plus de trois pour Square Habitat et je souscris pleinement au fond de ce "point de vue". "La route est encore longue mais nous sommes dans la bonne direction". Reste à ce que nous "passions enfin la deuxième ...

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