Que faire pour rapprocher locataires et propriétaires ?

Par Mathias Thépot  |   |  590  mots
En France, 57,8% des ménages sont propriétaires.
Pour sortir de la culture du "tous propriétaires" en France, il faut paradoxalement renforcer le rôle économique du bailleur, estime l’avocat Philippe Pelletier.

S'attaquer à l'opposition constante entre propriétaires et locataires pourrait permettre selon certains de résoudre la crise du logement. Aujourd'hui en France, il y a en effet d'un côté des locataires qui se sentent en situation d'insécurité vis-à-vis de leur chez-soi ; et de l'autre des propriétaires crispés à l'idée de ne pas percevoir de loyer sans pour autant pouvoir récupérer rapidement leur bien.
Cette tension souvent dissimulée est étroitement liée à la culture de la propriété en France, qui induit une dévalorisation sociale du statut de locataire. "Il y a un véritable problème avec le secteur locatif en France", s'inquiétait ce mardi soir l'avocat Philippe Pelletier lors d'une conférence à la fondation Concorde.

Les allemands voient l'achat immobilier comme une contrainte à la mobilité

Pourtant, il ne semble pas y avoir de corrélation entre prospérité économique et  taux de propriétaires élevé. Dans d'autres pays réputés mieux portants, comme l'Allemagne ou la Suisse, les propriétaires ne sont pas majoritaires...car on y est locataire par choix. Outre-Rhin, la propriété est même parfois perçue comme un poids.

"Beaucoup d'Allemands voient l'achat immobilier comme un obstacle à la mobilité", constate François Gagnon, président du réseau d'agences immobilières Era Europe. Résultat, seuls 44% des ménages sont propriétaires en Allemagne, contre 57,8% en France. De surcroît, les prix de l'immobilier étant historiquement très maitrisés en Allemagne : "les plus-values n'étant pas énormes, les ménages allemands voient donc moins l'intérêt d'acheter", ajoute François Gagnon.

En France, on est locataire par défaut

A l'inverse, en France, "on a l'impression d'être locataire par défaut", explique  Philippe Pelletier. Il faudrait donc selon lui "reconsidérer la vision de la mise en location".
La solution ne résiderait pas, comme beaucoup d'experts de l'immobilier le disent, dans la simplification des expulsions des mauvais locataires. Il faudrait davantage s'atteler à "consolider la situation économique des bailleurs", estime l'avocat. Il regrette en fait que, contrairement à l'Allemagne, "le choix n'a pas été fait en France de traiter la situation des bailleurs sur le seul terrain économique".

Considérer le bailleur comme un entrepreneur

"Il faut considérer le bailleur comme un entrepreneur", estime Philippe Pelletier. Ce qui lui permettrait statutairement "d'amortir fiscalement son investissement", avec un taux de déduction de quelques pourcents de "la valeur d'acquisition et de construction du bien dans le neuf ou de la valeur d'usage dans l'ancien", propose l'avocat.
Il faudrait même instaurer, selon lui, un abattement majoré pour un bailleur qui cèderait la gestion de son bien à la collectivité locale. Cette dernière pourrait constituer par ce biais un parc social pour les plus fragiles, favorisant ainsi "la diversité sociale dans l'occupation des logements", chère à Philippe Pelletier.

Faire de la France un pays de propriétaires...retraités

Mais l'avocat ne va pas jusqu'à militer pour une France de locataires. Car il sait les Français très attachés à la propriété immobilière pour leur vieux jours. Il faut donc selon lui la favoriser à la retraite. Ceci n'étant possible que si les loyers étaient assez faibles pour dégager du pouvoir d'achat et de l'épargne longue.
Dans ce cadre, la technique du démembrement de propriété, qui donne la possibilité d'acquérir un bien à environ 60% de sa valeur et d'en céder la nue-propriété pendant une quinzaine d'années, serait une solution appropriée.