La propriété immobilière est-elle en danger ?

Par Mathias Thépot  |   |  703  mots
Les pays du sud de la zone euro ont les taux de propriétaires les plus élevés. (Crédits : <i>Photos Wikipedia / LaTribune)
L'État français trop interventionniste nuit à la liberté d'accéder à la propriété immobilière, selon l'Union nationale de la propriété immobilière... Mais le sujet s'avère bien plus complexe.

La propriété immobilière est-elle vraiment en danger ? C'est en tout cas ce qu'assure l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi). Quels arguments avance-t-elle ? La présence très encombrante depuis plusieurs décennies d'un État trop interventionniste qui prône la propriété collective au détriment des libertés individuelles.
Un État qui téléguide la crise de la construction par l'assistanat et qui déresponsabilise les agents économiques français. Ce qui nuit à l'esprit d'initiative et à l'innovation. "A force d'encadrer, on rend les gens asservis", assure Jean Perrin, président de l'Unpi. "Une société qui ne respecte pas la propriété ne respecte pas la responsabilité et prive de liberté", ajoute-t-il.

Les plus hauts taux de propriétaires se trouvent dans les pays du sud de l'Europe

Le président de l'Unpi milite pour une France avec 100% de propriétaires, facteur de prospérité économique, car selon lui "plus il y a de propriétaires, plus il y a d'activité".
Certes... mais les faits montrent qu'un taux de propriétaires immobiliers élevé n'assure en rien la bonne santé économique d'un pays.
C'est même plutôt l'inverse en Europe, où la Roumaine, la Bulgarie, la Hongrie ou encore l'Espagne font partie des pays où les taux de propriétaires sont les plus élevés (entre 75% et 97%), d'après les données d'Eurostat. Alors que la France (63%), l'Allemagne (53,4%), l'Autriche (57,5%) et les Pays-Bas (67%) sont les pays avec les plus bas taux de propriétaires.

Les conditions économiques difficiles

Du surcroît, si "l'accès à la propriété n'est pas au mieux aujourd'hui, c'est davantage pour des raisons liées à la crise économique", juge Jean-Claude Driant, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris.
En effet, si les primo-accédants, les plus affectés en 2013, sont moins enclins à acheter, c'est avant tout à cause de la contraction de leurs revenus et du niveau de prix élevés dans les grandes villes. Et malheureusement "le faible niveau des taux d'intérêt de crédits n'arrive pas à compenser ce double effet crise/prix élevés", ajoute Jean-Claude Driant.
Les pouvoirs publics ont certes réduit le périmètre du prêt à taux zéro dans le neuf, après l'avoir supprimé dans l'ancien, mais qualifier ces actions d'atteinte à la propriété paraît excessif.

Les investisseurs locatifs dans le dur

Il faut en outre distinguer le propriétaire occupant du propriétaire-bailleur. Ce dernier peut en effet se plaindre de la disparition progressive d'incitations fiscales très avantageuses, et de la perspective de l'encadrement des loyers. Résultat, les investisseurs particuliers se retirent du marché : il n'y a eu que 30.000 investissements locatifs dans le neuf en 2013.

Mais il faut dire que les dispositifs fiscaux ultra-avantageux des années précédentes ont phagocyté une bonne part des moyens financiers des ménages pouvant investir. Il est donc logique qu'après une période faste (plus de 70.000 logements Scellier mis en chantier en 2010), un effet de rattrapage se fasse sentir. 

Les propriétaires-bailleurs ont des devoirs

Reste que si le propriétaire-bailleur a des droits, il a aussi des devoirs, notamment celui de répondre aux besoins en logements de la population. Et tout besoin humain implique une dimension sociale. Le propriétaire se doit alors de mettre en location dans des conditions décentes en matière de confort, de surface, d'équipements sanitaires et de qualité d'isolation thermique. "Ce sont ces caractéristiques particulières qui justifient l'intervention publique sur le marché du logement", estime Jean-Claude Driant.

Que la société fonctionne de manière harmonieuse

Nier cette réalité sociale, c'est tout simplement nier la réalité de la société française qui possède tout de même près de 40% de locataires. "Il est nécessaire que tout le monde soit logé et bien logé pour que la société fonctionne de manière harmonieuse. C'est pourquoi la notion de besoin en logements existe", explique Jean-Claude Driant.

La difficulté pour l'État est alors de trouver le juste équilibre pour satisfaire les besoins en logements, sans agir de façon néfaste sur l'offre. D'où la menace des propriétaires tenant des positions les plus libérales.