"Les ménages exclus de l'accession à la propriété ne profitent pas des taux bas"

Par Mathias Thépot  |   |  630  mots
Sébastien de Lafond, président co-fondateur de MeilleursAgents.com
A 2,70% en moyenne, les taux d'intérêts de crédits immobiliers ont encore reculé en juillet. Une aubaine pour tous les emprunteurs? Non, car en réalité seuls les ménages aisés peuvent profiter de cet environnement exceptionnel, explique Sébastien de Lafond, président du site immobilier MeilleursAgents.com.

La Tribune - Était-il prévisible que les taux d'intérêt nominaux de crédits immobiliers atteignent en France des niveaux moyens (2,70% en juillet selon l'Observatoire Crédit Logement) aussi bas?

Sébastien de Lafond - Non, c'est un scénario surprise que personne n'avait envisagé. En début d'année, sur fond de reprise économique aux Etats-Unis, on s'attendait à ce que les taux d'intérêt remontent en Europe. Mais la situation macroéconomique de la zone euro a été très mauvaise au premier semestre, même en Allemagne. Résultat, la Banque centrale européenne (BCE) maintient ses taux directeurs à des niveaux extrêmement bas pour soutenir l'économie du Vieux Contient.

La répercussion sur les taux de crédits immobiliers n'est qu'un effet non désiré de cette politique. D'autre part, le taux de l'OAT à 10 ans [qui sert en quelque sorte de référence pour le refinancement des crédits ndlr] reste très bas car les investisseurs internationaux continuent d'avoir confiance en notre capacité de demain à rembourser les emprunts d'aujourd'hui.

Pensez-vous que les taux bas alimentent une nouvelle bulle immobilière en France ?

Non, ce risque n'existe pas aujourd'hui. Une bulle se forme d'abord par la spéculation, c'est-à-dire lorsqu'on achète pour revendre plus cher à court terme, en étant sûr que les prix vont monter.

Si bulle il y a aujourd'hui, c'est davantage une "bulle anxieuse" où le marché des transactions dans l'ancien reste paradoxalement soutenu par les faibles perspectives économiques. Ce qui incite les ménages français à s'assurer en priorité d'un toit pour leur vieux jours, même s'ils n'ont aucun espoir de plus-values.

Quel a été l'impact concret de la baisse des taux lors du premier semestre sur le marché immobilier français?

Cela a fortement ralenti la baisse des prix de l'immobilier, car la diminution des taux redonne du pouvoir d'achat aux particuliers et soutien la demande. Concrètement, une baisse de 0,4% permet une hausse de 3,2% du pouvoir d'achat immobilier.

Mais il faut bien comprendre que la baisse des taux n'a pas eu pour conséquence positive de réintégrer sur le marché les ménages qui étaient exclus de l'accession à la propriété. Les banques restent en effet toujours aussi prudentes et hyper sélectives lorsqu'elles octroient des prêts immobiliers. En fait, elles ne prêtent qu'aux ménages les plus aisés, avec des conditions de crédits qui s'améliorent pour eux.

Les banques sont-elles fautives de se mener une concurrence trop acharnée sur les taux de crédits immobiliers, quitte à trop réduire leurs marges ? Le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer semble s'en être inquiété récemment...

Non, les banques mènent les politiques commerciales qu'elles souhaitent. Il n'y a pas de faute à ce niveau. Elles seraient fautives si elles accordaient des prêts à des ménages qui ne sont pas solvables. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Mais que Christian Noyer appelle les banques à la prudence pour qu'elles conservent leur marge est par ailleurs compréhensible.

Si les banques commercialisaient davantage de crédits à taux variables, elles feraient surement peser moins de risques sur leur bilan au cas où les taux remonteraient...

Je ne pense pas que ce soit intéressant aujourd'hui pour les banques de revenir vers des prêts à taux variables. En tout cas, ça ne le serait certainement pas pour les particuliers. Sur le marché immobilier français, le prêt à taux fixe est un élément sécurisant pour les banques et les particuliers. Du reste, au regard de la situation économique actuelle de la zone euro, les taux d'intérêt des crédits immobiliers ne remonteront pas à court terme...

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