Les APL désormais calculées en fonction du patrimoine

Par Hugo Baudino  |   |  614  mots
Les résidences secondaires risquent d'être bientôt intégrées à la base de calcul des APL
Pour calculer le montant des APL, les seuls revenus ne suffiront bientôt plus. Les résidences secondaires, livrets d’épargne et autres produits financiers pourraient être inclus dans la base de calcul dès le 1er octobre 2016. Explication du nouveau mécanisme.

C'est un changement de paradigme qui se prépare. Alors que les aides personnalisées au logement sont, depuis leur création, calculées en fonction du revenu des ménages qui les demandent, le gouvernement s'apprête à chambouler le système en incluant le patrimoine dans l'équation. Une mesure de la loi de finance pour 2016 prévoit d'introduire les produits financiers et biens immobiliers dans la base de calcul servant à déterminer le montant des APL, dès lors que le montant du patrimoine dépasse 30.000 euros.

Ce qui fait le plus grincer des dents, c'est le fait que les différents livrets d'épargne réglementés soient considérés comme des produits financiers comme les autres. Le livret A, livret d'épargne populaire et livret de développement durable sont donc inclus dans le patrimoine pris en compte. Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL), y voit un moyen déguisé de fiscaliser des produits d'épargne qui ne l'étaient pas : "Si vous perdez de l'argent sur vos APL à cause de votre livret A, c'est comme si vous étiez imposés dessus." Il a ainsi demandé à la ministre du logement Emmanuelle Cosse de "retirer l'épargne populaire de la mesure". "Cela peut également entraîner un risque de décollecte pour le livret A, qui sert à financer le logement social", ajoute-t-il.

Un nouveau système qui se base sur les revenus et loyers fictifs

Le patrimoine du ménage allocataire sera inclut dans le calcul des APL dès lors qu'il dépasse 30.000 euros. Le mécanisme repose sur la notion de revenu fictif. Ainsi, on prend en compte un loyer fictif pour les résidences secondaires non louées et un revenu fictif de 3% pour les produits financiers. Ce pourcentage a de quoi faire rire (jaune) quand on le compare avec le taux de rémunération actuel du livret A, fixé à 0,75%.

Le président de la CNL rappelle que le Conseil national de l'Habitat, qui regroupe de nombreux acteurs de l'immobilier (propriétaires, bailleurs, locataires, associations, etc.) a "voté contre à la quasi-unanimité, même la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) y était opposée". Cette mesure, qui doit entrer en vigueur au 1er octobre, pourrait toucher 10% des bénéficiaires d'APL, soit environ 650.000 ménages, selon les chiffres fournis par le gouvernement.

C'est un nouveau coup dur pour les locataires, après le coup de rabot de l'été, qui a mis en place plusieurs seuils de montant de loyer à partir desquels les APL étaient réduites puis supprimées. Cette mesure a impacté, selon les chiffres de la Cnaf, un peu moins de 80.000 foyers : 16.000 d'entre eux ont vu leur APL totalement supprimées et le reste a perdu en moyenne 70 euros par mois.

Pour Eddie Jacquemart, ces actions de réduction des APL vont à l'encontre du bon sens, qui voudrait que celles-ci augmentent, "au vu de l'évolution du niveau des loyers". Egalement farouchement opposée à cette nouvelle mesure de réduction des APL, l'association Droit au Logement demande au gouvernement de "retirer ce nouveau projet de décret, d'abroger le précédent, de réévaluer les APLE, et de baisser immédiatement les loyers de 20% particulièrement dans le secteur privé".

En attendant de voir si le décret d'application arrivera à temps et sera bien signé par la ministre du logement et par le premier ministre Manuel Valls, cette mesure pourrait changer la façon de concevoir l'octroi des allocations sociales, en ne se basant plus uniquement sur le revenu mais aussi sur le patrimoine.

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