Nouvelle garde à vue : le coût pour les contribuables

Adaption des locaux des services de police et gendarmerie, augmentation des tarifs de l'aide juridictionnelle, progression du nombre des gardes à vue : les enveloppes budgétaires vont exploser. Mais rendre une justice juste et équitable a un prix. Les magistrats de la Cour de Cassation viennent de le rappeler.
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Alors que la Cour de cassation a décidé vendredi l'application immédiate de la réforme de la garde à vue, cinq semaines avant la date prévue par le gouvernement (le 1er juin), nombreux sont les professionnels mais aussi les hommes politiques à s'inquiéter du coût pour les finances publiques, alors que même que policiers et magistrats se plaignent du manque de moyens. Le député UMP Jean-Luc Warsmann évoque ainsi un "coût considérable".
Depuis vendredi dernier donc, les justiciables peuvent obtenir la présence d'un avocat tout au long de leur garde à vue (et non plus seulement trente minutes à son début), ou faire valoir le droit au silence, comme cela se pratique dans le droit britannique.
Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur, qui a demandé aux services de police d'appliquer immédiatement la réforme, a précisé que des logiciels de rédaction de procédure seront actualisés et des crédits débloqués. Du côté du ministère de l'Intérieur, il va ainsi falloir tout d'abord dégager des budgets pour moderniser, adapter et équiper les locaux dans les 3.600 commissariats et gendarmeries. Le coût est évalué à 21 millions d'euros.
Du côté du ministère de la Justice, la Chancellerie avait annoncé jeudi avoir fixé le niveau de rémunération des avocats qui assisteront les personnes gardées à vue bénéficiant de l'aide juridictionnelle. Il a été décidé de rémunérer 300 euros hors taxe la garde à vue pour 24 heures de présence maximum. Mais les représentants des barreaux tablent plutôt sur une durée moyenne d'intervention de l'avocat de trois à quatre heures. La prolongation de garde à vue sera rétribuée 150 euros hors taxe, tout comme l'avocat qui assistera une victime lors d'une confrontation. Les trente minutes d'entretien avec l'avocat au début de la mesure resteront au tarif actuel de 61 euros.
Il faut se souvenir que, selon les chiffres de l'Assemblée nationale, le nombre de gardes à vue en France est passé de 336.718 en 2001 à 792.293 en 2009 et sans doute à plus de 800.000 en 2010. Soit une moyenne de plus de 2.000 gardes à vue par jour.
Au total, le ministère de la Justice estime à 100 millions d'euros le nouveau besoin de financement de l'aide juridictionnelle en garde à vue, alors qu'il n'en coûtait que 15 millions jusqu'à présent. La Chancellerie compte accroître ses ressources en créant un timbre fiscal d'une trentaine d'euros dont s'acquitteront les justiciables qui entameront une procédure judiciaire.

Pour Pascale Taelman, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF), les tarifs annoncés "restent indigents" et il y aura effectivement des difficultés d'application. "Mais ça fait des années que c'était prévisible". "On ne peut que déplorer, écrit le SAF, que le gouvernement ait refusé, depuis deux ans, d'accompagner cette évolution inéluctable et nécessaire de notre procédure pénale et qu'il se soit acharné au contraire à entretenir un climat délétère au sein de l'institution judiciaire".
Au-delà de ces coûts relativement prévisibles, il va falloir compter sur la formidable pagaille que craignent les policiers et gendarmes au cours des prochaines semaine avec la mise en place plus ou moins cahotique de la nouvelle garde à vue. A chaque erreur, à chaque entorse faits, à chaque accroc faits aux nouveaux droits des personnes gardées à vue, c'est une procédure qui risque d'être frappée de nullité par les magistrats du siège. Et cela sans oublier que l'arrêt de la Cour de cassation rendu vendredi concerne également toutes les procédures en cours. Celles-ci sont donc également menacées d'annulation.

 

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