Khadafi ne lâche pas la troisième ville libyenne Misrata

La ville portuaire, dans l'ouest de la Libye, où la veille encore les rebelles célébraient le retrait des forces gouvernementales, était soumise à nouveau dimanche à d'intenses bombardements des forces kadhafistes, selon les insurgés.
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Chaque jour, la situation à Misrata, la troisième ville libyenne, reste très évolutive. Les soldats gouvernementaux capturés par les rebelles affirmaient samedi qu'ils avaient reçu l'ordre de se replier de la cité portuaire au terme d'un siège de près de deux mois, et les insurgés, réclamant le départ du colonel Mouammar Kadhafi, avaient crié victoire. Trop tôt semble-t-il. "La situation est très dangereuse", a dit Abdelsalam, porte-parole des insurgés, joint au téléphone par l'agence "Reuters" dans la ville. "Les brigades de Kadhafi ont commencé à bombarder aux premières heures de la matinée. Le pilonnage se poursuit. Ils visent le centre de la ville, principalement la rue de Tripoli et trois quartiers résidentiels", a-t-il ajouté. Depuis samedi, 36 personnes au moins ont été tuées dans les bombardements et l'on dénombre une centaine de blessés, a déclaré Safieddine, un autre porte-parole des insurgés. Il a précisé que huit personnes avaient été tuées dimanche et 28 samedi.

Les combats pour le contrôle de Misrata, seule grande ville de Tripolitaine aux mains des insurgés, ont déjà fait des centaines de morts. A Benghazi, bastion des rebelles situé dans l'Est, un porte-parole militaire des insurgés s'est dit sceptique quant au retrait de Misrata des forces kadhafistes. "Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un véritable retrait", a déclaré à Reuters le porte-parole, Ahmed Bani. Selon lui, les forces gouvernementales pourraient tenter de susciter des tensions entre Misrata et les localités avoisinantes, et les forces kadhafistes pourraient revenir ultérieurement à Misrata sous prétexte de protéger des tribus locales contre les rebelles. "Kadhafi veut faire croire que ce n'est pas un problème entre la population et lui, mais un problème entre la population et les tribus", a-t-il dit. Le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaim, avait déclaré vendredi que l'armée laisserait "les tribus et la population autour de Misrata régler la situation, que ce soit par la force ou par les négociations".

APPEL RUSSE AU CESSEZ-LE-FEU

Le secrétaire au Foreign Office, William Hague, a lui aussi émis des doutes quant au retrait des forces kadhafistes, estimant qu'il pourrait s'agir d'une "couverture" pour poursuivre la bataille "sans uniforme et sans char". La France et la Grande-Bretagne mènent des raids aériens contre les forces kadhafistes dans le cadre d'une opération mandatée le 17 mars par le Conseil de sécurité pour protéger les civils libyens.

Réagissant à l'annonce, vendredi par l'Elysée, d'une possible visite à Benghazi de Nicolas Sarkozy, peut-être avec le Premier ministre britannique David Cameron, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin a mis en garde le président français contre un tel déplacement. Il a estimé que Nicolas Sarkozy ne devait pas faire du conflit libyen "une affaire personnelle" au risque de s'engager dans une guerre longue, un enlisement à l'irakienne ou à l'afghane.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a exhorté le Premier ministre libyen al Baghdadi al Mahmoudi à appliquer les résolutions des Nations unies et à mettre fin aux attaques contre les civils, rapporte dimanche le site du ministère à propos d'un entretien téléphonique qui s'est déroulé la veille. La Russie s'est aussi dit prête à coopérer avec l'Union africaine et l'Onu pour faire évoluer la situation par les canaux politiques et diplomatiques. L'agence libyenne Jana a rapporté que Sergueï Lavrov avait proposé l'envoi d'observateurs pour superviser un cessez-le-feu, mais le communiqué russe n'y fait pas allusion.

ENLISEMENT

Les Etats-Unis ont de leur côté déployé des drones "Predator" qu'ils ont utilisés pour la première fois samedi afin de détruire des lance-roquettes multiples près de Misrata. Mais les rebelles n'ont pas réussi à enregistrer de progrès décisifs dans leur marche vers l'ouest, alternant avancées et reculs sur la route côtière reliant les villes d'Ajdabiah et de Brega. Bani, leur porte-parole, affirme que les insurgés de l'Est souffrent toujours d'une puissance de feu inférieure à celle des forces kadhafistes. "Si nous recevions des armes, je pense que nous serions capables de régler ce problème en un mois tout au plus", dit-il.

Les pays occidentaux, réticents à se laisser entraîner dans un nouveau conflit s'ajoutant aux guerres en Irak et en Afghanistan, n'ont pas voulu armer les rebelles. Mais la Grande-Bretagne, la France et l'Italie ont dit qu'elles enverraient des conseillers militaires. Les puissances occidentales bombardent des positions kadhafistes depuis plus d'un mois. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont assuré qu'ils ne mettraient fin à ces raids aériens que lorsque Mouammar Kadhafi aura quitté le pouvoir.

Le vice-ministre des Affaires étrangères Kaim a déclaré samedi que les raids aériens de l'Otan avaient touché Syrte, Gharyan, Al Aziziyah, Tripoli et Hira et il a démenti que l'armée se soit retirée de Misrata.

"Les forces armées ne se sont pas retirées de Misrata. Elles ont arrêté les opérations à Misrata parce que les chefs tribaux de Misrata ont décidé d'agir", a-t-il dit, affirmant que 60.000 civils étaient prêts à combattre pour la ville.

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