La solitude du salarié connecté

Depuis les années 1980, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) se sont répandues dans l'entreprise, modifiant profondément son organisation.

Augmentant les volumes d'information, intensifiant les rythmes d'échange, accélérant la spécialisation des tâches, elles ont permis des gains de productivité extraordinaires. Mais les NTIC n'ont-elles que des vertus ? Quel impact ont-elles eu sur les relations humaines dans l'entreprise ?C'est la question que se sont posée les chercheurs du groupe d'étude mis en place par le Club informatique des grandes entreprises françaises (Cigref) en collaboration avec l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des grandes entreprises (Orse). Les résultats sont édifiants.logiques de réseauLes NTIC ont accéléré la transformation des cultures du travail. À partir du début des années 1990, le contrôle hiérarchique vertical disparaît au profit de logiques de réseau. Les jeunes générations de salariés ayant grandi dans un environnement numérique, les « digital natives » sont de plus en plus autonomes. « La circulation de l'information n'est plus contrôlée par la direction, des équipes informelles se créent, il y a de plus en plus de travail officieux. L'affaire Kerviel constitue à cet égard le côté visible et l'aspect le plus négatif de cette prise d'autonomie », témoigne le sociologue Stéphane Huguon.Avec la généralisation des téléphones et ordinateurs portables, les cadres sont soumis à un contrôle permanent dans le temps et l'espace. Le travail hors bureau (chez soi, en week-end ou en vacances) se banalise. Les rythmes de travail s'intensifient, la frontière entre travail et vie privée s'estompe, et le surmenage guette. « On constate des maladies liées au stress, à l'overdose, au harcèlement ?faxuel?, téléphonique, ?mailique? [?] », s'insurge Jean-Paul Bouchet, secrétaire général adjoint CFDT Cadres.La mobilité accrue a également entraîné une fragmentation des relations sociales, le développement de la communication par technologies interposées provoquant paradoxalement un isolement croissant des salariés. En témoigne la création du groupe sur le site de réseautage social Facebook : « J'ai 300 contacts Facebook mais je mange seul à la cantine » ! « Dans les entreprises high-tech, les deux tiers des managers ne sont pas présents dans l'entreprise. Ce sont de vrais électrons libres ! » constate François Silva, professeur à l'École supérieure de commerce et de management (Escem) de Tours. La vie de bureau disparaît. Ses rites (réunions, événements festifs) meurent, avec, à la clé, une détérioration de l'échange et du sentiment d'appartenance à un ensemble.

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