Mobilisation sans précédent des magistrats

Les magistrats étaient nombreux à avoir manifesté leur colère ce jeudi dans plusieurs villes françaises, notamment à Nantes et Paris. Accusés de laxisme par le chef de l'Etat, ils ont été rejoints dans la rue par les autres professionnels de la justice. Fait inédit, le président de la cour de Cassation, s'est également joint au mouvement.
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En accusant de laxisme la semaine dernière les magistrats nantais en charge de l'affaire du meurtre de la jeune Laëtitia, Nicolas Sarkozy a mis le feu au poudre dans une profession déjà en colère. Appelés par les syndicats à une grève nationale des audiences, ils ont massivement manifesté ce jeudi, rejoints dans leur mouvement par d'autres professionnels de la justice.

Outre les propos du président de la République, c'est également contre le manque de moyens que les magistrats ont décidé de protester. Ils ont fait part de leur lassitude de travailler dans un système judiciaire classé pour son budget au 37e rang sur 43 en Europe. "On nous demande de faire du chiffre et on a courbé l'échine. Je n'ai pas de bureau, des ordinateurs de la génération des mammouths. On n'a plus de légitimité, de reconnaissance, les Français n'ont plus confiance en leur justice", a dénoncé à Reuters Agnès Deletang, magistrate du tribunal de Paris.

2.000 manifestants à Nantes

A Nantes, où tout a commencé, ils étaient ainsi environ 2.000 à manifester entre le palais de justice et la préfecture, avec des banderoles où on pouvait lire: "Hier ignorés, aujourd'hui méprisés, demain sanctionnés". A Paris, un millier de magistrats, agents de probation, fonctionnaires pénitentiaires, greffiers et policiers se sont réunis sur les marches des palais de justice. Des marches "pleines à craquer" ont souligné plusieurs participants. "Non les juges ne sont pas des criminels, nous ne sommes pas des cartomanciens, des marabouts qui devinons qui est dangereux et qui ne l'est pas, surtout si on ne nous donne pas les moyens", a lancé le président de l'Association française des magistrat s instructeurs (AFMI), Marc Trévidic.

Même le plus haut magistrat français, Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, s'est rendu au rassemblement parisien. Réunis en assemblée générale, les magistrats de la haute instance ont exprimé  "leur très vive préoccupation" face aux déclarations de Nicolas Sarkozy.

Les syndicats de police soutiennent le mouvement

L'autre élément inédit de ce mouvement est le soutien des syndicats de police. Dominique Achispon, patron du Syndicat national des officiers de police (SNOP, majoritaire), s'est rendu au palais de justice de Paris.

Nantes et Paris n'étaient pas les seules villes mobilisées. A Toulouse, ils étaient, selon l'Agence France Presse, quelques 500 magistrats, policiers ou avocats devant le palais de justice. Sans participer à la manifestation, le procureur de la République de la ville, Michel Valet, a toutefois indiqué à l'AFP qu'il ne fallait surtout pas "réduire ce mouvement à un mouvement corporatiste ou d'humeur" expliquant que les juges, les magistrats , leurs collaborateurs des greffes, "ne cherchent pas du tout à fuir" leurs responsabilités, a-t-il dit, "simplement, ils demandent d'en avoir les moyens"

Indécent, juge une association de victimes

Toutefois, une association de défense des victimes, "l'Institut pour la justice" a qualifié ce mouvement d'"indécent". L'Association des victimes de l'amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés de la vie (FNATH) avaient en revanche fait savoir qu'ils se disaient "à leurs côtés (jeudi) pour défendre une justice indépendante, responsable et respectée, dotée des moyens nécessaires à son exercice".

"Je veux que les magistrats soient considérés", a déclaré de son côté le ministre de la Justice Michel Mercier après une réunion avec des représentants d'organisations syndicales de la profession . "Ce sont des magistrat s républicains qui font leur travail", a-t-il ajouté, estimant "qu'ils ne sont pas laxistes". "Je suis conscient qu'il y a des interrogations, un fossé s'est creusé", a-t-il encore remarqué.

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