Sécurité sociale : cinq ans d'une gestion au coup par coup

L'absence de maîtrise des dépenses, notamment celles des affections longue durée, annule l'effet des mesures de déremboursement.
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Pour avoir une vision claire d'une politique publique, rien de tel que de mettre bout à bout toutes les micromesures adoptées année après année, comme le fait Agnès Bocognano, directrice de la santé à la Mutualité française. Qu'est-ce qui ressort de la gestion de la Sécurité sociale depuis cinq ans ?

Côté recettes, on a multiplié les petites taxes affectées à la Sécu, même si, in fine, elles n'ont fait que compenser la chute des recettes due à la crise.

C'est plutôt du côté des dépenses que l'évolution est la plus révélatrice de la politique de la santé sous Nicolas Sarkozy. D'abord, on a agi sur le poste des médicaments via la « maîtrise médicalisée » visant à limiter les prescriptions ou à les orienter vers les génériques, et par la baisse des prix moyens. Mais ces actions ont été en partie effacées par la prescription croissante de médicaments récents, donc chers.

Côté dépenses encore, on a transféré une part croissante du financement : d'abord sur les patients, par la création d'une franchise, d'un « ticket modérateur forfaitaire » en hôpital, par la hausse du forfait hospitalier journalier (de 14 euros en 2005 à 18 aujourd'hui), et par la baisse régulière du taux de remboursement de nombreux « biens médicaux ». Transfert ensuite sur les complémentaires santé (voir ci-contre), qui prennent en charge les dépassements.

Ces deux mesures de réduction des dépenses du régime général n'ont pas empêché ses dépenses globales d'augmenter toujours plus vite - sauf en 2010 - que l'objectif fixé lors du PLFSS - le fameux Ondam. La raison ? Le nombre de personnes prises en charge à 100 %, car relevant des affections longue durée (ALD), augmente chaque année, notamment parce qu'elles s'installent dans la maladie chronique. Aujourd'hui, les 15 % des patients qui sont en ALD absorbent à eux seuls 65 % des dépenses de l'assurance-maladie.

Il en ressort une sécurité sociale à deux vitesses, avec d'un côté des patients en ALD de plus en plus nombreux et pris en charge à 100 %, de l'autre, les petites maladies en passe de sortir de la solidarité : « Pour ceux qui ne sont ni en ALD, ni soignés à l'hôpital, le taux de remboursement des soins n'est plus que de 49 % », dit Agnès Bocognano. Qui conclut : « Cet écart croissant, qui a longtemps été le fruit d'un non-choix politique, nous entraîne vers une conception plus libérale de la santé. » Dont le pilier reste la liberté d'installation et de prescription des médecins, dans un régime où la dépense demeure majoritairement socialisée. Voilà pourquoi la France, contrairement à ses voisins, ne parvient pas à contrôler ses dépenses de santé.

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