100 jours pour réussir : la finance

François Hollande avait fait de son combat contre la « finance sans visage » un axe fort de sa campagne. Les réformes vont donc fuser tous azimuts. Seront-elles aussi sévères que prévu ?
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La finance reste en ligne de mire de François Hollande. Comme candidat, il avait déclaré la guerre au secteur financier, le traitant « d'adversaire » lors de son discours du Bourget, fin janvier. Comme président, sera-t-il aussi « agressif » qu'il le promettait en début d'année ? La réponse ne va pas tarder, puisque les dossiers financiers vont se succéder à un rythme rapide. La France devra poursuivre dans les semaines qui viennent les négociations de textes européens (directive Mifid II), qui visent à encadrer les marchés de dérivés sur les matières premières ou le trading à haute fréquence, notamment. Mais surtout, le grand chantier en cours est celui des banques, avec la transposition en droit européen des règles de solvabilité et de liquidité, dites Bâle III, et celui de la séparation des activités entre banques de détail et banques d'investissement. D'autres projets les concernent également, comme la taxation sur les transactions financières ou le doublement du plafond du Livret A.

La séparation des activités bancaires

Dans le cadre de son combat contre « la finance sans visage », François Hollande a décidé d'empêcher les banques de spéculer avec les dépôts des particuliers en séparant les activités de marché des banques d'investissement des activités de crédit des banques de détail, précieuses pour le financement des entreprises et des ménages, autrement dit, de l'économie réelle. Un véritable bouleversement pour une industrie bancaire française fondée sur le modèle de la banque universelle. Cette nouvelle réglementation s'inscrit dans le sillage de réformes récentes engagées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis après la crise financière de 2008, respectivement connues sous les noms de réforme Vickers et de « Volcker rule ». La « règle Hollande » ne sera cependant ni du Vickers ni du Volcker, selon l'économiste Karine Berger, qui conseille François Hollande. Il n'est en effet pas question d'importer en France la règle Vickers. Prévue pour s'appliquer en 2019, elle prône le cloisonnement étanche de la banque de détail et de la banque d'investissement, et fait de la première une filiale de la seconde. Un choix incompatible avec la structure des banques mutualistes françaises (crédit agricole, caisse d'épargne, Banques populaires, crédit mutuel) qui représentent 60 % des dépôts. Dans ces établissements, la banque de détail détient les activités de marchés et non le contraire.si la réforme française sera dans l'esprit de la « Volcker rule », qui interdit aux banques de spéculer pour leur propre compte, elle sera cependant plus large car elle concernera également certaines activités spéculatives pour compte de tiers. La profession bancaire veut faire preuve de bonne volonté, pour sauver ce qui peut l'être du modèle de banque universelle à la française, qui n'a pas démérité pendant la crise. « Les banques françaises sont prêtes à ce qu'une réglementation européenne s'inspire de la règle Volcker. L'enjeu est de continuer à avoir une banque de détail solide, mais aussi des activités de banque de financement et d'investissement performantes car, paradoxalement, la nouvelle réglementation bâloise va imposer le développement du financement des économies européennes par le marché », expliquait Frédéric Oudéa, PDG de la société générale et président de la Fédération bancaire française (FBF) au Figaro, le 3 avril dernier.sur le plan du calendrier, un projet de loi devrait être présenté au parlement français, dès la session extraordinaire de cet été, entre le 3 juillet et le 2 août, sans attendre que le groupe de travail européen « Liikanen », lancé en début d'année à l'initiative du commissaire Michel Barnier sur ce sujet de la séparation des activités, rende son rapport.

Stock-options supprimées et bonus encadrés

La limitation de la rémunération des banquiers continue de faire recette auprès de l'opinion publique et désormais aussi auprès des actionnaires des établissements financiers, comme l'ont montré les assemblées générales de Citigroup aux Etats-Unis ou de Barclays et d'Aviva ces derniers jours au Royaume-Uni, qui ont forcé les dirigeants à réduire leurs salaires. Dans ce contexte, la suppression des stock-options sauf pour « les entreprises qui se lancent », annoncée par François Hollande, n'a pas de quoi surprendre. Elle était d'ailleurs aussi préconisée par Nicolas Sarkozy. En ce qui concerne les bonus, rien de bien concret n'a été avancé par François Hollande. Depuis la crise de 2008, des mesures ont déjà été adoptées. Des banques comme BNP Paribas et société générale ont divisé par deux l'enveloppe des bonus versés pour l'année 2011. et la directive européenne CRD 3 oblige désormais les banques à répartir sur plusieurs années le versement des primes qui doivent être payées pour 40 à 60 % sous forme d'actions.

La hausse de l'imposition des banques

En plus du passage de 33 % à 35 % du taux d'impôt sur les sociétés pour les grands groupes, le président nouvellement élu est favorable à une taxe de 15 % sur les bénéfices des banques.les analystes de Crédit suisse estiment que ce relèvement de l'imposition réduirait de 729 millions d'euros le bénéfice annuel de BNP Paribas en France, sur la base des résultats 2011. Le bénéfice de la Société générale dans l'Hexagone serait élagué de 398 millions d'euros, et ceux du Crédit agricole et de Natixis seraient respectivement entaillés de 436 millions et de 155 millions. Cette mesure aurait donc un impact négatif de 10 % à 16 % sur les comptes des banques françaises, en fonction de leur exposition au marché hexagonal.

Taxer les transactions financières

François Hollande souhaite aussi appliquer une taxe sur les transactions financières. une taxe similaire a déjà été votée à la mi-février par l'assemblée nationale, et doit entrer en application en août prochain. Elle prévoit entre autres la création d'une taxe de 0,1 % sur les échanges d'actions des sociétés dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d'euros et dont le siège social est en France. Mais, pour François Hollande, la taxe instaurée par Nicolas Sarkozy n'a fait que remettre au goût du jour « l'impôt de Bourse » introduit en 1893, puis abrogé dans la loi de finances pour 2008. Bref, elle manque d'ambition. Le président élu souhaiterait notamment l'élargir à l'ensemble des transactions financières ainsi qu'à d'autres pays européens qui y seraient favorables. Dans une lettre publiée par le quotidien Libération, le nouveau président annonçait qu'il affecterait les recettes de cette taxe à « la lutte contre le surendettement des États », au « financement de grands projets », ou encore au « financement international du développement et de la lutte contre le changement climatique ».

Réduire les avantages fiscaux des LBO

Afin de décourager les investissements purement financiers, François Hollande prône la suppression - ou tout au moins la réduction - de la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par une entreprise pour en acquérir une autre. Or le métier d'un fonds de LBO (leverage buy-out : acquisition par endettement) consiste, dans les grandes lignes, à acheter et à revendre des sociétés. et la déductibilité des intérêts des emprunts, souscrits pour financer les acquisitions, constitue un pilier de la rentabilité des LBO en France.

Doubler le plafond du livret A et du LDD

François Hollande compte accroître le financement du logement, de l'industrie et de la dette en mobilisant l'épargne des Français, qui s'élève à 16,8 % de leurs revenus, dont 7,4 % pour la seule épargne financière. Pour cela, il prévoit le doublement du plafond du livret a à 30 600 euros, ce qui pourrait représenter une manne de « 15 à 20 milliards d'euros », selon lui, pour financer plus de logements sociaux. Le nouveau président souhaite également allouer plus de fonds à l'industrie, via notamment le doublement du plafond du livret de développement durable (LDD), qui s'élève aujourd'hui à 6 000 euros. Ces deux mesures devraient faire l'objet d'un décret dans les prochaines semaines. Enfin, François Hollande réfléchit à un emprunt d'État auprès des particuliers, mais avec un taux « qui ne [serait] pas supérieur à celui du marché ».

Commentaire 1
à écrit le 22/05/2012 à 16:00
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Voila bien des soi-disantes reformes qui n'en sont pas! Taxer les banques???? pourquoi elles? en quoi cela est juste ou necessaire?? FH veut juste financer le déficit qu'il s'apprete a faire en tappant sur les banques qui ont mauvaise presse en ce m...

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