Travail le dimanche et travail de nuit : ce qu'il faut savoir pour comprendre la polémique

Par Nicolas Richaud  |   |  1116  mots
Leroy Merlin et Castorama condamnés à fermer 15 magasins le dimanche, une centaine de salariés du Sephora des Champs Elysées qui attaquent en justice le syndicat qui a fait condamné leur employeur pour travail de nuit : débats et polémiques ont repris de plus belle cette semaine sur le travail dominical et le travail de nuit.
Les débats font rage concernant la justification économique du travail de nuit et du travail le dimanche après les décision judiciares concernant Sephora et Castorama... Mais combien de salariés sont vraiment concernés ? Et quelles sont les marges de manoeuvre réelle des entreprises ? Décryptage.

Leroy Merlin et Castorama condamnés à fermer 15 magasins le dimanche (les deux ont décidé de braver l'interdiction ce dimanche), une centaine de salariés du Sephora des Champs Elysées qui attaquent en justice le syndicat qui a fait condamner leur employeur pour travail de nuit : débats et polémiques ont repris de plus belle cette semaine concernant le travail dominical et le travail de nuit.

Mais à l'heure actuelle, quelles sont les marges réelles et légales des entreprises ? Ces dernières ont-elles toutes les mêmes obligations à respecter en la matière ? Combien de salariés cela concerne-t-il vraiment ? Etat des lieux.

Le travail dominical

  • Le repos du dimanche est-il obligatoire ?

Un salarié ne peut pas travailler plus de six jours par semaine. Chaque semaine, il a donc droit à un repos de 24 heures (ainsi que 11 heures de repos quotidien). Par ailleurs, comme le précise l'article L. 3132-3 du Code du travail : "Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche." Mais qui dit règle, dit également exceptions et dérogations.

  • Certains secteurs d'activité n'ont pas à demander d'autorisation préalable

Certaines entreprises, employant des salariés, sont en droit d'ouvrir le dimanche en raison de leurs secteurs d'activités, et notamment des "besoins du public" et/ou de leurs "contraintes de production."

La liste est longue : hôtels, cafés, restaurants et débits de tabac, distributeurs de carburant (stations-service), magasins de meubles, commerces de fleurs naturelles (fleuristes) et de marée (poissonneries), établissements de santé et sociaux, entreprises de transport et d'expédition, entreprises de presse et d'information...

Par ailleurs, les commerces alimentaires peuvent également ouvrir le dimanche, sans autorisation préalable. Mais seulement jusqu'à 13 heures.

  • Pourquoi les magasins des Champs-Elysées peuvent ouvrir le dimanche et pas ceux situés sur le boulevard Haussmann ?

Selon l'administration française, " les commerces de détail non alimentaires situés dans une commune touristique ou thermale, ou dans une zone touristique d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente", sont en droit d'ouvrir le dimanche. Il faut cependant que le caractère touristique de la zone soit validé par un arrêté préfectoral.

Ainsi à Paris, seules sept zones ont été définies : rue de Rivoli, place des Vosges, les Champs-Elysées, le viaduc des Arts, le boulevard Saint-Germain, rue d'Arcole, et Montmartre. D'autres secteurs de la capitale souhaiteraient être intégrés à cette liste, à l'image des grands magasins qui ont leurs quartiers boulevard Haussmann et qui réclament de pouvoir ouvrir le dimanche depuis plusieurs années.

Et les lignes pourraient bouger. Selon une enquête Ipsos publiée il y a quelques mois, 80% des Franciliens se seraient prononcés pour l'ouverture des magasins le dimanche.

Fin 2011, un rapport de Pierre Méhaignerie, Richard Mallié et Christian Eckert, recensait 575 communes dans la liste des zones d'intérêts touristiques, ainsi que 41 communes ayant une zone touristique d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente.

  • Des dérogations conventionnelles pour le travail en continu

Si des raisons économiques le justifient, une entreprise industrielle peut mettre en place les 3x8. "L'inspecteur du travail autorise la nouvelle organisation du travail (et du repos hebdomadaire) si elle améliore l'utilisation des équipements de production et maintient (ou augmente) le nombre d'emplois", précise l'administration française. 

  • Toutes les entreprises ont le droit d'ouvrir cinq dimanches par an 

"Les commerces de détail non alimentaires peuvent ouvrir, dans la limite de 5 dimanches par an, sur autorisation préalable du maire (ou du préfet de police à Paris)", précise l'administration française. Des ouvertures qui sont généralement demandées à proximité des fêtes de Noël ou durant les périodes de soldes. 

  •  PUCE : L'exemple de Plan de campagne

Les magasins de la plus grande zone commerciale de France, située entre Aix-en-Provence et Marseille, ont la possibilité d'être ouverts tous les dimanches. Une pratique possible pour ce type de zone depuis l'entrée en vigueur de la loi Maillé en 2009. Celle-ci a instauré des périmètres d'usage de consommation exceptionnel (Puce) dans les agglomérations de plus d'1 million d'habitants (Paris, Lille et Aix-Marseille, mais pas Lyon). "Ces périmètres se caractérisent par des habitudes de consommation dominicale, l'importance de la clientèle et/ou l'étendue de la zone de chalandise", précise l'administration française.

Fin 2011, un rapport de Pierre Méhaignerie, Richard Mallié et Christian Eckert recensait ainsi 31 Puce dans l'Hexagone.

  •  Combien de salariés sont concernés par le travail dominical ?

Selon l'Insee, 6,5 millions de salariés travaillaient le dimanche en 2011 (dont 3 millions de manière habituelle). Ce qui représente 29 % des personnes en emploi contre 20 % en 1990. Et l'Insee de préciser :

Travailler le dimanche va souvent de pair avec le travail du samedi et des horaires tardifs ou variables. Plus des deux tiers des salariés qui travaillent habituellement le dimanche exercent une profession dans les domaines de la sécurité des personnes et des biens, de la continuité de la vie sociale et de la permanence des soins. Une grande partie de ces activités relève du secteur public.

Le travail de nuit

  • Quelles circonstances justifient qu'une entreprise ait le droit d'ouvrir de nuit ?

"Le recours au travail de nuit est en principe exceptionnel. Il doit prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité social", note l'administration française.

  • Quels types d'entreprises ouvrent de nuit ?

Les restaurants, stations-services, pharmacies, discothèques entrent, de par leur nature, dans le champ de cette définition. Néanmoins, des dérogations peuvent également être accordées à certains commerces, à titre exceptionnel, comme par exemple la veille de Noël.

  • Combien de salariés sont concernés par le travail de nuit ?

En 2011, l'Insee soulignait  :

16 % des salariés, soit 3,6 millions de personnes, travaillent la nuit habituellement ou occasionnellement. La proportion de salariés travaillant la nuit a augmenté de façon modérée mais continue de 1990 à 2003, puis s'est stabilisée depuis.

Pour rappel, le travail est jugé de nuit lorsqu'il se situe entre 21 heures et 6 heures du matin. Dans certains secteurs d'activités, la période  s'étale de minuit à sept heures du matin. C'est le cas dans les discothèques, les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, la télévision, la radio, les spectacles vivants et la production et l'exploitation cinématographiques.

Pour aller plus loin :

>> Pourquoi Sephora doit baisser le rideau à 21h et d'autres non ?

>> Travail le dimanche : la réforme de 2009 a fait chou blanc