Ecotaxe : le contrat de la collecte devient un enjeu politique

Par Adeline Raynal  |   |  1022  mots
Le principe de cette fiscalité écologique censée financer de grands projets d'infrastructures avait été adopté largement par la classe politique lors du Grenelle de l'environnement, sous le gouvernement Fillon.
Ce mardi matin, Pierre Mocovici a jugé qu'il fallait "revoir toute la logique du contrat", Jean-François Copé a fustigé le coût élevé de la collecte de cette taxe tandis que Nathalie Kosciusko-Morizet assumait le contrat avec Ecomouv' et que Bruno Le Roux accusait la droite d'une "mauvais coup". En début d'après-midi, on apprenait que les sénateurs socialistes venaient d'approuver la création d'une commission parlementaire qui enquêtera sur le contrat signé entre la précédente majorité et Ecomouv'.

La polémique sur l'écotaxe vire à l'affrontement entre personnalités politiques. Alors que onze bornes et quatre portiques destinés au contrôle de la collecte de cette taxe ont été détruits en France depuis le début de la contestation, la division sur le contrat qui lié l'État à la société Ecomouv' est généralisée entre actuels et anciens membres du gouvernement, élus de droite comme de gauche. Revue de détail.

  • Moscovici annonce une négociation pour "revoir toute la logique du contrat"

Le ministre de l'Économie a affirmé que le gouvernement souhaite mener "une négociation très serrée" avec la société en charge de la collecte de la taxe. Il a déclaré ce matin lors d'un entretien sur BFMTV/RMC :

"Cette société ne s'est pas acquittée de ses responsabilités" et "nous serions fondés à la mettre en cause compte tenu de la non exécution d'un certain nombre d'obligations".

Il a jugé qu'il fallait "revoir toute la logique du contrat", soulignant : "On peut s'étonner du fait qu'on ait délégué la collecte d'une taxe nationale à un fournisseur d'origine étrangère". Ecomouv' est détenu à 70% par la société italienne de gestion des autoroutes "Autostrade per Italia".

  • Copé juge "aberrant" le coût de collecte de l'Ecotaxe :

"Ce qui est surtout critiquable, c'est le montage. De tels coûts de gestion sont aberrants. (...) On ne peut pas imaginer dans un pays moderne un tel coût de collecte d'impôt quel qu'il soit", a déclaré le député-maire de Meaux Jean-François Copé sur i>TELE ce mardi matin.

Interrogé sur la responsabilité de la précédente majorité, il a répondu: "Je rappelle que l'écotaxe, que nous avions décidée dans son principe en 2008-2009, nous l'avions reportée pour des raisons qui tenaient à la crise financière. En 2012, rien n'empêchait François Hollande s'il n'y croyait pas - c'est l'époque où il défaisait tout ce que nous avions fait - de la supprimer", a souligné l'ancien ministre délégué au Budget.

>> Le système de collecte de l'écotaxe coûte-t-il trop cher ?

  • NKM assume et défend le contrat signé le 6 mai 2012 :

Ce mardi sur France Inter, l'ex-ministre de l'Écologie et candidate à la mairie de la capitale, a pris la défense de ce contrat décidé sous la mandature Sarkozy : "Je ne l'ai pas initié, ça a été lancé avant et signé après", a fait valoir la députée. Mais "puisque personne ne veut l'assumer, moi je suis prête à le faire". D'ailleurs c'est elle qui a "signé le classement des appels d'offres".

"Je n'ai pas changé d'avis, je reste convaincue, comme on l'était tous autour de la table du Grenelle" de l'environnement que "l'éco-redevance sur les poids lourds est une bonne idée, une taxe juste. Aujourd'hui, des camions qui traversent la France ne payent rien, pas même l'entretien de nos routes", a argumenté NKM.

Quand au partenariat public-privé avec Ecomouv', consortium dominé par une société italienne, "c'est un contrat qui a été passé dans les règles, en toute transparence, à la suite d'un dialogue compétitif, c'est-à-dire d'une négociation, qui a duré plus d'un an".

Elle réagissait alors que lundi, Anne Hidalgo, sa rivale pour la mairie de Paris, avait fustigé un "marché ruineux" sur lequel Nathalie Kosciusko-Morizet, ex-ministre de l'Écologie devait "rendre des comptes".

  • Le Roux accuse la droite d'un "mauvais coup" :

Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, était l'invité de la radio Europe 1 ce mardi matin. Il a rejeté les torts sur le gouvernement Fillon en place au printemps 2012 :

"La taxe a été votée en décembre 2008", "le décret d'application qui s'applique aux transporteurs est paru le 6 mai 2012, jour du second tour", s'est insurgé le député de Seine-Saint-Denis sur Europe 1.

"C'est bien les mauvais coups faits par la majorité précédente !" s'est-il écrié.

  • Joly demande une enquête sur le contrat Ecomouv'

Ardents défenseurs de la philosophie du "pollueur-payeur", les écologistes avaient tiré à boulets rouges lundi contre les modalités de mise en œuvre de l'Écotaxe. Eva Joly estime qu'il "faut dénoncer ce contrat et il faut faire une enquête".

De son côté, le député Europe Ecologie Les Verts (EELV) des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert, n'a pas hésité à décrire les germes d'un "scandale d'État" derrière le partenariat public-privé (PPP) avec Ecomouv', société montée spécifiquement pour mettre en œuvre et collecter l'écotaxe.

  • Dati et Bertrand se désolidarisent de NKM

Rachida Dati et Xavier Bertrand, anciens membres du gouvernement Fillon, se sont étonnés "qu'une entreprise privée et étrangère soit en charge de collecter l'impôt en France" lundi.

"Il y a une différence fondamentale en matière de fiscalité entre un impôt et une taxe", corrige Dominique Bussereau, joint par l'AFP.

L'ancien ministre des Transports, qui a vécu le début la procédure, souligne que de nombreux organismes privés comme les chambres d'agriculture ou de commerce assurent aujourd'hui la perception de certaines taxes.

Pour rappel, le principe de cette fiscalité écologique censée financer de grands projets d'infrastructures avait été adopté largement par la classe politique lors du Grenelle de l'environnement, sous le gouvernement Fillon.

Le dispositif doit rapporter 1,15 milliard d'euros par an, dont 20% pour Ecomouv', soit 250 millions d'euros, un montant autour duquel la polémique enfle. La taxation a pour l'instant été suspendue par le gouvernement. Pour l'État, son abandon signifierait tirer un trait sur une manne financière d'un milliard d'euros.

Ce mardi, les sénateurs socialistes ont approuvé la création d'une commission parlementaire qui enquêtera sur le contrat signé entre la précédente majorité et Ecomouv'. Les clauses financières du contrat vont être épluchées.

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