Les "petites" économies qu'entrainerait le non-cumul des mandats

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  946  mots
La loi sur le non-cumul des mandats pourrait être définitivement adoptée mercredi 22 janvier. Le texte devrait permettre de mettre fin à la pratique - encadrée - du cumul des indemnités de fonction. Il va également de pair avec la prochaine réorganisation territoriale locale.

Le non-cumul des mandats, c'est maintenant… ou presque. Mercredi 22 janvier, l'Assemblée nationale devrait, enfin, adopter en dernière lecture le projet de loi organique limitant le cumul des mandats entre les fonctions de parlementaires et celles d'élus locaux. Mais ces dispositions ne seraient pas applicables avant les élections législatives de 2017 pour les députés, 2019 pour les députés européens et 2020 pour les sénateurs. Il reste aussi  au texte à franchir l'examen du Conseil Constitutionnel.

Le non-cumul une question qui divise le PS

De quoi s'agit-il ? François Hollande alors en campagne pour l'élection présidentielle de 2012, en avait fait la 48e de ses 60 propositions "pour le changement", promettant une loi sur le non-cumul durant son quinquennat mais sans fixer de date. Mais c'est surtout Martine Aubry, alors première secrétaire du PS puis candidate à la Primaire socialiste, qui en avait fait un cheval de bataille : l'interdiction de tous les cumuls et le plus rapidement possible.

Mais au sein même du PS, plusieurs figures locales ne voulaient pas en entendre parler. Il en va ainsi des Sénateurs-Maires de Dijon, François Rebsamen, par ailleurs influent président du groupe des sénateurs socialistes, et Gérard Colomb à Lyon. De fait, tout au long de la procédure parlementaire, le Sénat a tenté de s'affranchir de la règle du non-cumul avec toujours le même argument : on ne peut pas à la fois prétendre représenter les territoires (rôle du Sénat) et ne pas posséder un mandat local qui permet, justement, de rester ancré dans les réalités locales.

Pourtant, le texte présenté à l'Assemblée nationale - qui aura le dernier mot - prévoit d'interdire aux députés et aux sénateurs d'exercer également les fonctions de maire ou d'adjoint, de président ou vice-président d'une intercommunalité, d'un syndicat mixte, d'un conseil général (département) ou régional, d'une société d'économie mixte ou de " toute autre collectivité territoriale créée par la loi", on songe aux Métropoles.

Le cumul: une exception française

Une telle mesure, selon François Hollande, conduirait à rajeunir et à renouveler le personnel politique français. De fait, la situation française constitue une exception. Dans l'Hexagone : 468 députés sur 577 et 264 sénateurs sur 348 détiennent un autre mandat. En Allemagne, ils sont moins du quart (24%) et le cumul est tout simplement prohibé au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Cependant, si la règle du non-cumul va permettre de "moraliser" quelque peu la vie politique, il ne faut pas en en espérer non plus de singulières économies… Contrairement à certaines idées reçues.

Actuellement, le cumul des indemnités de fonction est  plafonné...

Actuellement, par exemple, un député perçoit une indemnité de base de 5.514,68 euros bruts mensuels. Or, comme le prévoit le règlement de l'Assemblée nationale, "le député titulaire de mandats ou fonctions électorales locales ne peut cumuler les indemnités afférentes à ces mandats ou fonction avec son indemnité parlementaire de base que dans la limite d'une fois et demie cette dernière ", soit 2.757,34 euros par mois. Au total donc, l'indemnité globale des députés "cumulards" est plafonnée à 8.231 euros brut par mois (pour les sénateurs, ce plafond atteint 8.272).

... Mais pas complètement

Certes, si l'on va un peu plus loin, on se rend compte qu'il y a tout de même quelques avantages financiers à cumuler. En effet, seule l'indemnité de base des députés et sénateurs est concernée par ce plafond. Ce qui signifie que l'indemnité de résidence (3% de l'indemnité de base), l'indemnité de fonction (25%) et l'indemnité représentative de mandat (5.770 euros!) n'entrent pas dans ce calcul. Elles peuvent donc continuer d'être perçues, tout comme d'autres indemnités exceptionnelles également perçues au titre du mandat local. Il en va ainsi, par exemple, des revenus versés aux élus par les communautés territoriales et les syndicats intercommunaux.

Si la loi sur le non-cumul des mandats est adoptée, elle permettra de mettre fin à l'addition de ces diverses indemnités exceptionnelles. C'est déjà pas mal, à l'heure où le personnel politique connait un grand désaveu dans l'opinion publique. Le non cumul doit contribuer "à lever les malentendus entre les citoyens et les élus", écrivait la commission Jospin en novembre 2012 dans son rapport sur la « rénovation de la vie publique ».

Le non-cumul des mandats va de pair avec la réforme territoriale

Enfin, la règle du non cumul semble s'inscrire dans l'avenir, avec la réflexion engagée sur la simplification du millefeuille administratif français. Il sera en effet encore moins possible d'être "cumulard" dans de nombreux cas si, comme le souhaite François Hollande, un certain nombre des départements situés dans les métropoles urbaines sont supprimés. C'est notamment déjà le cas dans l'agglomération lyonnaise et ça le sera peut-être bientôt pour la petite couronne francilienne. De même, le chef de l'Etat s'est prononcé également pour une "clarification des compétences au niveau local " de manière à ce que les citoyens sachent vraiment "qui fait quoi". Dans ces conditions, il paraît en effet difficile qu'un parlementaire au niveau national soit aussi un chef (ou adjoint du chef) de l'exécutif local. Sinon, il devient en effet difficile de voir "qui fait quoi "et de distinguer les diverses responsabilités. A ce titre, l'actuel projet de loi sur le non cumul prépare l'avenir.

 Pour aller plus loin: "le cumul des mandats est une assurance tous risques pour exister politiquement"