Ces "plus hauts salaires" de la fonction publique appelés à "faire un geste"

Par Giulietta Gamberini  |   |  856  mots
La ministre de la Fonction publique a tenté d'apaiser la colère de ses agents, après l'annonce de Manuel Valls du maintien du gel de leurs salaires. (Photo : Reuters) (Crédits : AFP)
La ministre de la Fonction publique, Marilyse Lebranchu a promis d'appeler les plus hauts salaires à un geste de solidarité après l'annonce par le Premier ministre du maintien du gel des rémunérations des fonctionnaires. Elle n'a toutefois pas précisé qui seront ces fortunés mis à contribution.

"Je vais appeler à un geste de solidarité des plus hauts salaires, par exemple ceux qui gagnent plus qu'un ministre".

Par cette déclaration sur RMC jeudi, la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, a tenté d'apaiser la colère des fonctionnaires, auxquels Manuel Valls a annoncé mercredi le maintien du gel du point d'indice utilisé pour calculer leur rémunération, dans le cadre du plan d'économies de 50 milliards d'euros du gouvernement.

"Tout ça va être discuté au mois de mai, nonobstant ce qu'a dit le Premier ministre hier", a ajouté la ministre, évoquant les négociations prévues sur les traitements et les parcours professionnels et sans donner plus de précisions. Mais qui sont donc ces "hauts salaires" de la fonction publique sur lesquels compte la ministre ?

Une partie infime de la fonction publique

Moins de 5% des 5,2 millions des fonctionnaires français perçoivent un salaire brut supérieur à 3800 euros. Ce sont ceux qui relèvent non pas du mode généralisé de calcul de la rémunération, fondé sur la grille indiciaire, mais d'un système à part : celui dit "des échelles lettres", qui s'applique essentiellement à des cadres supérieurs, occupant le plus souvent des postes de direction, qui relèvent de la catégorie A+. Leur salaire brut, duquel il faut soustraire les cotisations sociales, peut s'élever jusqu'à 8000 euros mensuels.

Ce salaire ne tient toutefois pas compte des primes qui, si elles constituent une source importante d'inégalités dans toute la fonction publique, atteignent des taux particulièrement importants pour les très hauts fonctionnaires. Dans ce cadre, les primes servent en effet de formes de "compensation" par rapport à de salaires bruts forcément inférieurs à ceux auxquels les mêmes personnes pourraient prétendre en choisissant de travailler dans une grande entreprise du secteur privé.

Une centaine d'agents gagnent plus que des ministres

Parmi ces fortunés, "ceux qui gagnent plus qu'un ministre", évoqués par Marylise Lebranchu, ne sont qu'une grosse centaine, du moins depuis que François Hollande a décidé de baisser sa rémunération, ainsi que celle de tous les membres du gouvernement, de 30%. Ces "jobs en or" ont été passés en revue en mai 2012 par Challenges.

Le magazine citait notamment les ambassadeurs, dont le salaire brut mensuel peut aller de 3800 à 7000 euros, mais qui voient leur rémunération dopée par l'indemnité de résidence. En fonction du degré de risque, de l'éloignement, des conditions sanitaires etc. du pays où ils sont en mission, ces indemnités (s'ajoutant au salaire) peuvent aller de 6.500 euros (en Tunisie) à 25.000 (en Afghanistan). A Bercy également, les plus hauts fonctionnaires du ministère des Finances gagnent bien leur vie : entre 15.000 et 20.000 euros nets par mois.

Les rémunérations des deux secrétaires généraux de la Présidence et de la Questure du Sénat atteindraient les 20.000 euros nets par mois, alors que leurs homologues à l'Assemblée nationale devraient "se contenter" de 15.000 euros mensuels, selon Challenges. Les salaires des présidents des Autorités administratives indépendantes dépasseraient également les 15.000 euros mensuels, mais seulement en brut, pour atteindre 20.000 euros.

Un cinquième des fonctionnaires gagnent moins de 1400 euros bruts par mois

A l'autre bout de l'échelle, 95% des agents de la fonction publique gagnent, en brut, entre 1.350 et 3800 euros par mois, auxquels il faut soustraire les cotisations sociales. De source syndicale, ceux qui ne perçoivent pas plus de 1.400 euros sont d'ailleurs 20%.

Ces différences de salaires, dépendant de la grille indiciaire, reflètent sans doute la distinction entre les trois catégories des fonctionnaires (A, B, C), mais des chevauchements existent, permettant aux plus anciens des agents de la catégorie C de gagner mieux que les plus jeunes des agents de la catégorie A.

Au salaire brut s'ajoutent, certes, les primes (qui n'ont d'ailleurs pas été gelées). Celles-ci toutefois, après avoir été négociées collectivement par corps, sont très fortement modulées sur une base individuelle. Résultat : si leur taux moyen par rapport au salaire brut est de 20%, celui-ci peut varier de 5% à 70%, masquant ainsi des inégalités très marquées.

Une cotisation spécifique

Les bénéficiaires et le contenu du "geste de solidarité" évoqué par Marylise Lebranchu restent également non précisés. Certes, en faisant valoir que "depuis le mois de février, nous avons augmenté les catégories C", c'est-à-dire "ceux qui gagnent à peine plus que le Smic", et que ceci répondait "à un devoir de solidarité envers la fonction publique", Marylise Lebranchu semble avoir laissé entendre que le "geste" des plus riches pourrait profiter aux plus pauvres.

Rien ne paraît toutefois moins sûr, puisque le Premier ministre n'a été guère ambigü en annonçant que le gel du point d'indice concernera l'ensemble des 5,2 millions de fonctionnaires. Les syndicats s'attendend donc plutôt à une cotisation spécifique appliquée aux plus hauts salaires, qui exprimerait une "solidarité" symbolique vis-à-vis de l'objectif de réduction du déficit, à défaut de représenter une rentrée significative pour les caisses publiques.