Pourquoi les fonctionnaires descendent dans la rue le 15 mai

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  965  mots
Ce 15 mai, les fonctionaires seront dans la rue pour manifester contre le gel du point d'indice
Ce jeudi 15 mai, l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique seront dans la rue pour protester contre le gel du point d'indice jusqu'en 2017 confirmé par Manuel Valls.

Demain mercredi 15 mai, les fonctionnaires sont dans la rue pour exprimer leur mécontentement devant le refus du gouvernement de négocier leurs conditions salariales. Surtout, c'est la confirmation par Manuel Valls, mercredi 16 avril, du gel de la valeur du point jusqu'en 2017 qui a mis le feu aux poudres… Alors que ce point est déjà gelé depuis 2010. Une décision qui était très tentante pour un gouvernement à la recherche de plus de 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans.

Perte de pouvoir d'achat avec le gel du point d'indice depuis 2010

De fait, pour rappel, une hausse du point de 1 % coûte environ 1,8 milliard d'euros  (750 millions d'euros pour la fonction publique d'État, 600 millions pour la territoriale et 400 millions pour l'hospitalière). Cette annonce a fait l'unanimité contre elle dans les rangs syndicaux. La mobilisation s'annonce donc forte. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, y voit même « un baromètre » qui permettra de mesurer l'état d'esprit revendicatif. Résultat, plus de 110 manifestations sont attendues dans toute la France dont un grand défilé unitaire à Paris qui réunira les organisations CGT ,CFTC, CFDT, FSU, Solidaires, Unsa, FA-FP (autonomes). FO sera aussi présente dans le cortège mais pour des raisons de discordances syndicales, l'organisation de Jean-Claude Mailly défilera sous ses propres couleurs.

«Si nous partageons des revendications communes, explique Jean-Claude Mailly, il y a tout de même des divergences. Certaines organisations ont approuvé le Pacte de Responsabilité [la CFTC et la CFDT], ils avalisent donc les 50 milliards d'euros d'économies car tout est lié ».  

Pour sa part, Laurent Berger, secrétaire générale de la CFDT justifie sa participation par le gel du point d'indice, auquel il s'oppose:  "C'est une perte de salaire, une perte de pouvoir d'achat conséquente" que le maintien de l'avancement "ne compense pas du tout", a-t-il déclaré sur France Info, regrettant que "l'on continue le rabot [...] sans s'interroger sur les vraies questions concernant la fonction publique".

De son coté, l'Unsa Fonction publique a fait ses calculs et estime que depuis l'instauration du gel du point d'indice en 2010, "les agents de la fonction publique ont perdu 5 % de pouvoir d'achat. En 2017, soit après 7 ans de gel, la baisse atteindra 10%.

De fait, par exemple, une étude de l'OCDE montre que la rémunération des nouveaux enseignants est en baisse, en valeur réelle, par rapport à leurs homologues recrutés à il y aune quinzaine d'années.

Si, en effet, le pouvoir d'achat est garanti, individuellement, pour chaque fonctionnaire en place, grâce au mécanisme mis en place sous Sarkozy (la Garantie individuelle de pouvoir d'achat, Gipa), qui permet de rattraper après coup une éventuelle perte de revenu en valeur réelle, ce mécanisme n'empêche pas absolument pas la baisse des salaires pour les nouveaux entrants: de fait, un professeur des écoles en début de carrière est moins bien payé aujourd'hui que son prédécesseur il y a quinze ans. D'où, d'ailleurs une baisse dramatique du niveau des candidats au concours de professeur des écoles: dans l'académie de Créteil, l'un d'entre eux a été recruté avec une moyenne de 4,17/20 !

Crainte de la réforme territoriale

Pour Force Ouvrière, la journée de mobilisation du 15 mai doit toutefois dépasser le strict cadre de la question de la rémunération des fonctionnaires.

« C'est le projet de réforme territoriale portée par le Président de la République qui nous inquiète aussi, précise Jean-Claude Mailly. Si, en plus, dans le cadre du plan de Manuel Valls, les collectivités locales sont mises à la diète à hauteur de11 milliards d'euros, Il y a un risque réel de disparation de missions de service public et, à la clé, de licenciements de contractuels notamment ceux qui travaillaient dans les conseils généraux s'ils disparaissent. Nous demandons un vrai débat sur l'avenir des services publics »

Une négociation mort-née?

Hasard du calendrier, c'est le 19 mai que doit s'ouvrir la négociation, sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, promise par la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu. L'Unsa estime que, dans le contexte actuel, "les portes de la négociation se ferment ainsi avant même l'ouverture de la négociation ". Pour la FSU, à l'inverse, le maintien du gel du point "est une raison de plus pour aller discuter".

En guise de geste, jeudi 17 avril, intervenant le matin sur RTL, Marylise Lebranchu, a réitéré son idée, déjà formulée en mars dernier dans une interview au "Parisien", d'"appeler les plus hauts salaires" de la fonction publique à "un geste de solidarité", lors de ces négociations. Les hauts fonctionnaires, directeurs d'administrations et d'opérateurs et autres ambassadeurs "gagnant plus que les ministres" seraient mis à contribution, leur effort pouvant alors profiter aux agents les moins bien lotis, à savoir ceux de catégories C. Ces derniers vont, de fait, tout même bénéficier des mesures de revalorisation décidées en 2013. Concrètement, chaque échelon de la catégorie C se verra ajouter cinq points d'indices au 1er janvier 2015, soit environ un gain annuel de 440 euros. Une opération à... un milliard d'euros environ

Dans sa lettre envoyée il y a dix jours aux députés, à la veille du vote sur le programme de stabilité, le Premier ministre Manuel Valls avait bien pris soin de souligner ce point pour tenter de calmer les esprits. Mais il n'est pas certain que cela suffise.

Après deux ans de relative tranquillité, la majorité socialiste pourrait bien se retrouver face à un mécontentement syndical qui s'exprime dans la rue. "Avec le socialisme de l'offre, on en arrive là !", ironise un leader syndical.