Impôts, cotisations : la fronde des députés PS

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  858  mots
Les députés PS sont de plus en plus nombreux à souhaiter un infléchissement de la politique économique du gouvrenement
Les députés socialistes sont de plus en plus nombreux à remettre en cause certains allègements fiscaux ou sociaux accordés par le gouvernement aux entreprises. Ils souhaitent que l'on pense davantage aux bas revenus.

L'onde de choc des élections européennes ne s'est pas arrêtée à l'UMP. Loin de là. Au Parti Socialiste (PS), la claque des résultats obtenus (14% des suffrages) crée aussi des remous. De nombreux députés s'interrogent sur les chances de succès de la majorité actuelle lors des échéances législatives et présidentielle de 2017. Mais, sur le fond, ils sont aussi beaucoup à se demander si la politique de l'offre, chère à François Hollande et Manuel Valls, est la plus adaptée à la situation actuelle. En d'autres termes, ne faudrait-il pas mieux laisser aussi une place à une politique favorisant la demande, notamment pour les ménages les plus modestes ?

Le "groupe des 41" veut mieux  cibler les allègements de cotisations patronales

Déjà, lors du vote du programme de stabilité - incluant le pacte de responsabilité et le plan de 50 milliards d'euros d'économies - 41 députés socialistes avaient décidé de s'abstenir. Une « fronde » notamment menée par les députés « aubrystes », Christian Paul, Pouria Amirshahi et Jean-Marc Germain, même si des représentants d'autres tendances du parti avait agi de même. Après le vote du programme de stabilité, ce rassemblement avait décidé de perdurer en organisant des réunions régulières. Son objectif : présenter des contre-mesures au gouvernement. Leur secret espoir était aussi d'élargir leur assise. L'énorme contre performance de l'élection européenne leur en donne l'occasion.

L'idée de base de ces « fondeurs » réside dans la contestation de l'ampleur des allègements de cotisations patronale accordés aux entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité et des 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans. Pour eux, 35 milliards d'euros d'économies devraient suffire, pour ne pas trop couper dans les dépenses sociales. En contrepartie, ils préconisent d'annuler, ou du moins, d'abaisser, la somme de 10 milliards supplémentaires (le Crédit d'impôt compétitivité emploi permet déjà un allègement du coût du travail de 20 milliards d'euros) d'allègements de cotisations patronales. Ils estiment aussi que les aides aux entreprises devraient être mieux ciblées vers les secteurs à forte main d'œuvre et/ou exposés à la concurrence internationale. Comme le déclarait Jean-Marc Germain (député des Hauts-de Seine) à La Tribune : « je crains qu'une bonne partie des 30 milliards partent dans les dividendes, les banques, les assurances ».

Peser sur la nouvelle commission européenne

Le groupe des 41 aimerait aussi que la la France pèse de tout son poids pour que la nouvelle commission européenne - qui sera intégralement connue en octobre - accepte d'assouplir le calendrier de retour des pays membres dans les critères de Maastricht, afin de tenir compte de la conjoncture déprimée. Étant entendu qu'il n'est pas question que cet assouplissement concerne la seule France mais aussi tous les pays à l'endettement excessif.

En revanche, ils applaudissent des deux mains les dernières mesures de Manuel Valls tendant à exonérer d'impôt sur le revenu 1,8 million de ménages. Mais d'autres idées commencent à fleurir, n'émanant pas des seuls « 41 », preuve que les députés socialistes entendent bien infléchir la politique gouvernementale - sans la contester sur le fond - pour davantage répondre aux attentes des Français les plus modestes.

Retarder l'allègement de la fiscalité pesant sur les entreprises

Ainsi, le porte-parole des députés socialistes, Thierry Mandon, mais  aussi les députés économistes Karine Berger et Pierre-Alain Muet et même Valérie Rabault, rapporteur du budget à l'Assemblée, espéraient obtenir du gouvernement un décalage d'au moins un an de la mesure d'allègement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). La C3S est un impôt du par les entreprisses réalisant un chiffre d'affaires hors taxe d'au moins 760.000 euros qui rapporte environ 5 milliards d'euros par an. Dans le cadre des Assises de la fiscalité, le gouvernement s'était engagé devant le patronat à supprimer sur trois ans (au plus tard donc en 2017) cet impôt qui pèse sur la production. Un premier allègement d'environ un milliard d'euros devait intervenir en 2015. C'est cette tranche que les députés socialistes se proposaient de décaler, estimant que, eu égard à la conjoncture, ce n'était plus une priorité.

Mais c'est raté, à Bercy, on confirme à La Tribune qu'il « n'est pas question de bouger là-dessus, d'autant plus que la mesure concernera en 2015 les entreprises les moins grandes ». Fermez le ban.

En revanche, on sait le Premier ministre favorable à un nouvel abaissement de l'impôt sur le revenu qui pourrait, cette fois, concerner les classes moyennes. Reste à en trouver le financement.

En tout état de cause, après la victoire du Front National, ça va secouer au sein du PS qui, voyant les échéances approcher, ne veut plus se comporter en parti « godillot » et cherche à peser sur la politique du gouvernement. Mais ni François Hollande, ni Manuel Valls ne semblent vouloir réellement modifier leur objectif : ce sera tout le pacte de responsabilité, rien que le pacte de responsabilité.