Conférence sociale... un petit tour et puis s'en vont

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1044  mots
La troisème grande conférence sociale des 7 et 8 juillet tient davantage du rendez-vous imposé que d'un vrai rendez-vous de travail
La troisième conférence sociale, réunissant Etat/patronat/syndicats, s'ouvre lundi 7 juillet à Paris dans un désenchantement général. A l’exception de l'ouverture de négociations sur l'emploi des jeunes et les seuils sociaux, il n'y a pas grand chose à en attendre.

Quel entrain, quel enthousiasme !!! C'est peu dire que la Conférence sociale, troisième du nom, organisée à Paris les 7 et 8 juillet au Conseil économique, social et environnemental, ne déchaine pas les passions ! Côté gouvernement, on sent bien que ce rendez-vous annuel institué par François Hollande à son arrivée à l'Elysée en 2012, fait maintenant office de figure imposée dont on pourrait se passer. L'heure étant à la mobilisation pour le pacte de responsabilité et les mesures chocs.

C'est peu dire également que le Premier ministre Manuel Valls ne goute guère ce genre d'exercice qui tient davantage de la grand-messe que de la vraie réunion de travail.

Un petit tour du Président de la République

Côté syndical, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière avait déjà donné son avis - définitif- l'année dernière en déclarant « on s'emmerde, il ne se passe rien » (sic)... Résumé lapidaire. Et le même Jean-Claude Mailly n'a pas changé d'avis cette année. Il a même averti que si le Président de la République s'étendait trop sur le Pacte de responsabilité, son organisation - farouchement opposée à ce pacte - quitterait la réunion. De fait, François Hollande, comme les deux premières années, viendra inaugurer la conférence le lundi 7 juillet. Il rencontrera toutes les organisations patronales et syndicales avant de prononcer un discours... Certainement sur les mérites du dialogue social.

La bouderie de la CFDT

Pour sa part, le syndicat Solidaires a déjà décidé de boycotter la Conférence. Quant à la CFTC et la CFDT, les organisations réformistes les plus enclines au dialogue tripartite syndicats-patronat-Etat, elles arrivent en maugréant. Elle sont furieuses que Manuel Valls ait décidé unilatéralement, sans coup férir, de reporter en 2016 la quasi totalité de l'application du compte personnel pénibilité, un sujet cher à la CFDT qui s'était battue en faveur de ce dispositif. Après cette décision du Premier ministre, Laurent Berger a même considéré que Manuel Valls avait « tué » le dialogue social. Ambiance !
Quant à la CGT, elle ne sait même pas encore si elle se rendra à cette conférence. Son secrétaire général Thierry Lepaon a déclaré que sa centrale se déciderait lundi, à la dernière minute...

Le patronat retrouve le sourire

Du côté du patronat, après avoir menacé de ne pas s'y rendre, les trois organisations Medef, CGPME et UPA seront finalement présentes. Manuel Valls les ayant écoutées sur le compte pénibilité, voire sur l'autre sujet épineux :  l'instauration d'une durée minimale pour les contrats à temps partiel. De fait, le patronat n'a aucune raison de bouder son plaisir. Le Premier ministre, tout dévoué à la réussite de son pacte de responsabilité, ne lui refuse plus grand-chose, il souhaite seulement que les organisations patronales ne tombent pas dans la surenchère. Mieux, ces mêmes organisations patronales  devraient sortir de la conférence encore plus rassérénées. Avec une feuille de route pour de futures négociations qui devraient leur plaire.

De fait, au menu de la conférence, à laquelle participera une kyrielle de ministres, figureront sept tables rondes: "amplification des actions en faveur de l'emploi", "école et insertion professionnelle des jeunes", "pouvoir d'achat, rémunérations et épargne salariale", "rénovation de la politique de santé", "accompagnement des réformes territoriales par le dialogue social", "croissance et emploi en Europe" et "accélérer le retour à la croissance par l'investissement".

Une future négociation sur les seuils sociaux...

Or, il est déjà acté que seules deux de ces tables rondes donneront réellement lieu à des mesures concrètes qui devraient satisfaire Medef, CGPME et UPA. On sait, en effet, que pour « amplifier des actions en faveur de l'emploi », Manuel Valls va demander aux partenaires sociaux d'engager une négociation sur la modernisation du dialogue social où sera abordée la symbolique question des seuils sociaux dans l'entreprisse, qui seraient un frein à la création d'emploi. Vieille antienne patronale. Les syndicats sont extrêmement réticents, La CGT parle même de « bêtise ».

Le problème est que si les syndicats refusent cette négociation, alors le gouvernement pourra légiférer. Le ministre du Travail, François Rebsamen a même déjà lancé l'idée de « geler » pendant trois ans les conséquences du franchissement des seuils sociaux. Les syndicats sont donc coincés.


On sait aussi que Manuel Valls voudrait que les partenaires sociaux aillent plus loin en examinant les possibilités d'alléger le code du travail... Le patronat applaudit mais l'ensemble des syndicats dit « niet », y compris la CFDT. Et même certains membres du gouvernement se demandent s'il ne s'agit pas là d'une fausse piste. Ainsi, le ministre des Finances, Michel Sapin, a ironisé le 26 juin sur RTL en déclarant a propos du Code du travail  : « Il suffit d'écrire plus petit pour qu'il soit moins gros ».

... et une autre sur l'apprentissage

L'emploi des jeunes et leur insertion professionnelle est l'autre table ronde qui devrait déboucher sur une négociation... Une de plus tant ce sujet a déjà donné lieu, sans réels succès, à de multiples accords. La question fondamentale est de parvenir à amplifier les formations en alternance et l'apprentissage. On sait que le gouvernement veut atteindre le cap des 500.000 apprentis ou contrats en alternance à l'horizon 2017, contre un peu moins de 400.000 aujourd'hui. Pis, en 2013, les effectifs en apprentissage ont diminué de 8%. Pour remédier à ce fait, le Medef est parti à l'offensive et réclame un dispositif « zéro charge » durant un an pour les embauches d'apprentis. Dans un entretien au quotidien Les Echos daté des 4 et 5 juillet, François Rebsamen ne s'est pas montré totalement fermé à cette idée...


Une feuille de route pour les partenaires sociaux, des déclarations solennelles la main sur le cœur pour vanter les vertus du dialogue social, un engagement réitéré à mener le combat pour l'emploi... Cela justifie-t-il vraiment le maintien de la « grande conférence sociale » annuelle qui a tout de la grand-messe médiatique ? Pas évident. Les (bonnes) formulent s'épuisent vite.