Comment Arnaud Montebourg veut dessiner le CAC 40 du futur

Par Fabien Piliu  |   |  779  mots
La promotion 2014 du CAC 40 du futur sera bientôt dévoilée
Le ministre de l'Economie a annoncé la composition du jury du « programme CAC 40 pour le futur ». Ses membres devront sélectionner 120 PME à fort potentiel. Il souhaite encourager la fusion des PME offrant de fortes synergies de revenus.

La croissance ne se décrète pas. Bien qu'elle soit régulièrement convoquée, invoquée, espérée, promise et même annoncée par l'exécutif alors que les statistiques prouvent le contraire, le gouvernement se casse les dents. La reprise, forte et durable, de l'économie française se fait toujours attendre, en témoignent les dernières publications de l'Insee.

La loi du marché ?

Ne parvenant pas à favoriser le retournement de la conjoncture, Arnaud Montebourg a décidé de voir plus loin. Faisant fi de la loi du marché, et de sa capacité à sanctionner la qualité des projets des chefs d'entreprises, le ministre de l'Economie a décidé de dessiner le CAC 40 du futur. Après avoir annoncé le mois dernier la création d'un programme d'accélérateur de croissance pour les PME, à l'occasion de la remise du rapport ETI réalisé par la Direction Générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services (DGCIS) et Bpifrance, Arnaud Montebourg a présenté les membres du jury chargé de sélectionner les PME qui ont le potentiel de devenir des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et qui constitueront la promotion 2014 du " CAC 40 du futur ".

Muscler la croissance

" Votre mission sera de sélectionner 120 PME, championnes dans chacun de leur métier, tous à fort potentiel. Ces PME auront accès à un panel de services pour muscler leur croissance pendant les deux prochaines années. Je souhaite que de cette équipe de 120 PME puisse émerger le " CAC 40 du futur ". Nous ferons évoluer chaque année cette équipe, afin de faire vivre de manière dynamique le programme. J'attends avec impatience votre sélection de la promotion 2014 », a-t-il déclaré jeudi aux membres de ce jury, parmi lesquels des représentants de la puissance publique, dont Bertrand Finet, le directeur exécutif " Fonds Propres PME " à Bpifrance et Sandrine Duchesne, la directrice générale adjointe de la Direction Générale du Trésor (DGT) et des acteurs du secteur privé dont Michel Chabanel, le président de l'Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) et Elizabet Ducottet, la co-présidente d'ASMEP ETI et PDG de Thuasne.

Peu d'originalité

Quels leviers seront actionnés ? Les recettes sont d'ores et déjà connues. Pour accélérer leur croissance, le gouvernement compte mettre en place "une stratégie d'export notamment en collaboration avec d'autres acteurs de leur filière, la mise en place d'innovations stratégiques et marketing et une amélioration de leur organisation de production pour mieux rechercher l'excellence opérationnelle ", précise le communiqué de Bercy.

Fusionner les PME aux fortes synergies de revenus

Plus original et plus osé, le ministre de l'Economie souhaite « le déploiement d'une stratégie de consolidation de leur secteur en fusionnant avec d'autres PME offrant de fortes synergies de revenus ». Le pari est loin d'être gagné. Il faudra convaincre les entrepreneurs de la méthode. Or dans une économie de marché, que l'exécutif demande aux entrepreneurs que leur entreprise soit fusionnée avec son partenaire, son concurrent ou son donneur, est plutôt baroque.

Les Gazelles de Renaud Dutreil

Ce n'est pas la première fois que l'exécutif tente de créer les champions de demain. En 2007, Renaud Dutreil, alors ministre des PME du gouvernement Villepin, avait lancé le dispositif « Gazelles » qui, via des allègements fiscaux, devait permettre à 2.000 entreprises de croissance de passer un cap et de crever ce plafond de verre qui entravait leur développement. Pour obtenir le statut de gazelles, il fallait que la masse salariale de l'entreprise ait progressé à un rythme supérieur à 15 % pendant deux exercices consécutifs. Depuis, ce programme a été abandonné.

Plus récemment, en septembre 2013, Nicole Bricq alors ministre du Commerce extérieur avait demandé à Bpifrance et Ubifrance, l'agence pour le développement international des entreprises, de s'allier pour constituer d'ici 2015 un groupe de 1.000 PME et ETI performantes à l'export.

Des proies pour les prédateurs étrangers ?

Reste une question. Alors que le ministre de l'Economie s'est récemment doté d'un droit de véto pour écarter les investisseurs étrangers qu'il jugerait mal intentionné, ou qui s'intéresseraient de trop près à des entreprises appartenant à des secteurs sensibles, cette sélection institutionnelle des champions de demain ne serait-elle pas dangereuse ? D'autre part, à moins que le gouvernement n'agisse dans la plus grande discrétion en privilégiant l'anonymat de ces pépites - ce qui serait étonnant compte tenu du goût du ministre de l'Economie pour le spectaculaire -, ne risque-t-il pas d'aiguiser les appétits des prédateurs français et surtout étrangers dont Arnaud Montebourg se méfie tant ?