Manuel Valls redoute une rentrée « difficile »

Par Fabien Piliu  |   |  831  mots
La dégradation de la conjoncture inquiète le Premier ministre
A l’issue du séminaire de l'exécutif à l'Elysée, le Premier ministre a indiqué redouter une rentrée difficile en raison de la détérioration de la conjoncture. Il a également remis en cause les politiques économiques actuellement en vigueur en Europe.

A la sortie du séminaire de l'exécutif qui s'est tenu ce vendredi 1er août à l'Elysée, Manuel Valls n'a pas caché son angoisse. " Le volontarisme ne nous quittera pas, et cela plus encore pour les semaines et les mois à venir car la rentrée va être difficile en matière de conjoncture économique ", a déclaré le Premier ministre, pour qui " le risque de déflation est réel car au niveau européen, la croissance et l'inflation sont en retrait par rapport à ce que nous pouvions attendre ".

Précisant davantage sa pensée, Manuel Valls a indiqué que " les politiques économiques en zone euro n'étaient pas efficaces " pour accélérer la sortie de crise. Tout en constatant une " certaine prise de conscience quant aux attentes des peuples en matière de croissance et d'emploi " mais qui " se traduit malheureusement par une terrible lenteur dans les faits ", a indiqué le chef du gouvernement, déplorant en particulier " l'absence de politique de change " ou encore une Banque centrale européenne (BCE) " impuissante " face à la faible inflation.

Les indicateurs dans le rouge

Le Premier ministre a toutes les raisons de s'inquiéter. Tous les indicateurs, ou presque, sont dans le rouge. Seule la consommation des ménages reste un peu vaillante. La confiance des ménages et des chefs d'entreprises et en berne et l'investissement est en panne. Sans parler du chômage qui a progressé en juin pour le huitième mois consécutif. Quand au commerce extérieur, il continue de peser sur la croissance en dépit de la montée en puissance de la diplomatie économique mise en place par Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères. Quand le gouvernement vise une croissance de 1% cette année, l'Insee et le Fonds monétaire international (FMI) anticipent une hausse de 0,7% de l'activité... A Bercy, on redoute la publication le 14 août  des statistiques portant sur la croissance au deuxième trimestre. Le ministre des Finances, Michel Sapin, devrait s'exprimer sur le sujet  vers à la mi-août. Après une stagnation du PIB au premier trimestre, une nouvelle contre-performance de l'économie française serait très malvenue.

Un casse-tête pour Bercy

Dans ce contexte, boucler le projet de budget 2015, qui pourrait être présenté en Conseil des ministres le 17 septembre tourne au casse-tête. Comment réduire le déficit public à 3% du PIB comme Paris s'y est engagé auprès de Bruxelles si la croissance est en panne ? La France ayant déjà obtenu de Bruxelles le report de deux années de cet objectif, elle est désormais au pied du mur. C'est parce qu'il intègre toutes ces contraintes que le projet de loi de finances 2015 est si complexe à élaborer. Petit rappel, Bercy vise une croissance de 1,7% en 2015...

Quelles solutions s'offrent au gouvernement ? Certes, il ne peut décemment revenir sur ses promesses de baisses d'impôt faites aux ménages les plus modestes et à la classe moyenne. Mais il peut les décaler dans le temps en attendant un retour à meilleure fortune. Le Pacte de responsabilité venant à peine d'être voté par le Parlement, il s'avère difficile de le remettre en cause ou de le décaler. Le gouvernement a trop souvent martelé que ces allégements de cotisations accordés aux entreprises constituaient la seule voie pour accélérer la sortie de crise qu'il serait absurde de revenir dessus.

Plus d'économies ?

De fait, la seule marge de manœuvre budgétaire de l'exécutif se trouve dans le volet dépenses. Le gouvernement peut-il aller plus loin que les 50 milliards d'euros d'économies prévues d'ici 2017 ? Il peut. Au risque de mettre une partie des salariés de la fonction publique dans la rue. Mais une nouvelle dose d'austérité aurait-elle les effets escomptés. Plusieurs parlementaires et think tank ont déjà pointé les effets récessifs de cette cure d'austérité, qui en restaurant les finances publiques, saperait l'activité dans le secteur marchand et diminuerait les bénéfices attendus des allègements d'impôts consentis aux entreprises.

Le rôle de l'Europe

L'Europe peut-elle sauver la France et les économies de ses voisins, via par exemple l'émission de " project bond ", des instruments qui faisaient parti de l'arsenal pro-croissance du candidat François Hollande lors de la campagne présidentielle, intitulés " emprunts européens pour le futur " ? Il a fallu attendre le 22 juillet pour qu'un premier project bond soit lancé. Doté d'une enveloppe de 200 millions d'euros, il doit permettre de financer le très haut débit dans les campagnes. C'est utile et intéressant mais au regard des sommes déployées, l'effet de cet outil sur la croissance devrait être mince. Pour l'instant. Dans ce contexte, on comprend mieux les appels à l'aide de Manuel Valls à la Banque centrale européenne (BCE) et à nos partenaires européens engagés comme la France sur le chemin du redressement de leurs finances publiques.