Sarkozy, Juppé, Fillon... la guerre des trois aura-t-elle lieu ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1057  mots
A l'UMP, la guerre des trois aura-t-elle lieu entre Nicolas Sarkozy et les deux anciens premiers ministres François Fillon et Alain Juppé?
Maintenant élu à la présidence de l'UMP, Nicolas Sarkozy va chercher à installer son hégémonie sur la droite pour assommer la concurrence en cas de primaire à droite en 2016. François FIllon et Alain Juppé ont compris la manœuvre.

L'opération « reconquête » de Nicolas Sarkozy peut se comparer au lancement d'une fusée à trois étages. D'abord, retrouver la présidence de l'UMP, c'est le premier étage. Il peut être largué, car l'opération a réussi. L'ancien chef de l'Etat a retrouvé son poste à l'UMP, qu'il a déjà occupé en 2004. Mais, cette fois, c'est avec 64,5% des suffrages qu'il est arrivé en tête et non plus avec 85%... Et le satellite Le Maire a emmagasiné plus de 29% des voix. Prometteur. Il convient, maintenant, de bien manœuvrer le deuxième étage. Celui qui doit permettre à l'ancien maire de Neuilly-sur-Seine de passer le cap de la primaire à droite, prévue pour 2016. Restera alors, à propulser le dernier étage vers l'élection présidentielle de 2017. Mais, attention, dans l'univers sarkozyste, il y a beaucoup de planètes qui refusent d'entrer dans son système solaire, sans parler de météorites qui pourraient bien heurter la fusée... En clair: les affaires judiciaires.

"Tous en dessous de moi"

De fait, les astres Juppé et Fillon refusent, toujours et encore à ce stade, de se mettre sur l'orbite Sarkozy. Astucieusement, à peine élu, Nicolas Sarkozy a appelé au rassemblement de la famille UMP. Mais, au lieu de dire, en substance, « tous derrière moi », c'est plutôt « tous en dessous de moi ». En tout cas, c'est ce qui ressort de sa proposition d'instituer un « comité des anciens premiers ministres » appelé à "l'aider" à piloter l'UMP.

Si Edouard Balladur, Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin devraient intégrer cette instance, il en va différemment de François Fillon pour qui c'est d'ores et déjà « niet ». Quant à Alain Juppé, très sceptique, il attend une rencontre avec Nicolas Sarkozy cette semaine avant de se prononcer. Mais François Fillon et Alain Juppé ont assez d'heures de vol en politique pour savoir que ce comité peut constituer un piège pour eux. Alain Juppé a toujours répété qu'il ne calerait pas sa conduite « sur le tempo de Nicolas Sarkozy ». François Fillon, qui se livre actuellement à un tour de France, affiche également une grande volonté d'indépendance. C'est d'ailleurs lui qui est le plus avancé en matière de programme, notamment économique.


Un seul objectif: la primaire

Les deux anciens premiers ministres ne veulent absolument pas se trouver dans la position des  "dominés" face à un Nicolas Sarkozy "dominant", où alors ils perdent toutes leurs chances pour la primaire de 2016. Or, c'est ce rendez-vous qui est primordial pour les deux hommes... et surtout son organisation. Nicolas Sarkozy et son entourage ont beau chercher à rassurer en répétant que les primaires auront bien lieu, le doute subsiste quant à leur degré d'ouverture. Surtout quand Nicolas Sarkozy s'interroge sur le besoin d'y faire participer les sympathisants du Modem alors que son président, François Bayrou a appelé à voter François Hollande en 2012.

Potentiellement, la primaire à droite pourrait concerner environ 3 millions d'électeurs. Et plus le spectre est large, plus Alain Juppé sait qu'il a ses chances. A l'inverse, Nicolas Sarkozy profiterait davantage d'un collège électoral le plus resserré possible aux sympathisants de l'UMP, là où l'on trouve le plus de « sarkolâtres ».

L'organisation des primaires va donc être très importante. On sait que les votants devront normalement signer une sorte de « charte d'adhésion aux valeurs » défendues par la droite. Or, par exemple, si cette charte contient un engagement de revenir sur la loi Taubira sur le « mariage pour tous », un certain nombre d'électeurs ne se déplaceront pas pour voter... Pour le plus grand profit de Nicolas Sarkozy. C'est exactement la même chose si l'on demande aux votants de la primaire de pouvoir les inscrire sur une liste de « sympathisants actifs » - on ne peut pas les forcer à adhérer - , là aussi, il y aura alors de la perte en ligne. Ce sont toutes ces petites choses que les concurrents de Nicolas Sarkozy vont surveiller, non seulement François Fillon et Alain Juppé mais aussi Bruno Le Maire qui, fort de sa légitimité avec son score très honorable, compte peser. Le député de l'Eure, s'était engagé durant la campagne à respecter le principe de la « primaire ouverte ».

La primaire à droite: arme anti-FN

Cette primaire de 2016 est en effet incontournable. Elle constitue même le... vrai premier tour de la présidentielle de 2017. Sauf amélioration soudaine de la situation économique, on ne voit pas, à ce stade, comment le candidat issu du camp socialiste pourra franchir le premier tour. En revanche, le candidat adoubé par l'UMP, voire l'UDI, lui, a toute les chances de se retrouver au second tour face à ... Marine Le Pen (FN) et de l'emporter. Car, le « réflexe républicain » (apport des voix de gauche, en l'occurrence) devrait jouer en sa faveur. Même si ce « réflexe républicain » ne sera certainement pas aussi fort, loin de là, qu'en mai 2002 quand Jacques Chirac avait « écrasé » Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle avec plus de 80% des voix. En 2017, beaucoup de sympathisants de gauche devraient se réfugier dans l'abstention, surtout si c'est Nicolas Sarkozy qui porte les couleurs de l'UMP.

Nicolas Sarkozy sait cela. Il lui faut donc continuer à piloter sa fusée « reconquête » avec une certaine subtilité. Ce qui l'oblige à accepter de passer par les primaires, mais sans se mettre en danger. Refuser tout bonnement les primaires serait une erreur. Car, soit un candidat UDI sort du bois et le premier tour de la présidentielle devient alors très délicat pour Nicolas Sarkozy qui pourrait perdre quelques pourcentages de voix déterminants; soit c'est Alain Juppé lui-même qui se lance malgré tout, sans l'appui de l'UMP - dont le nom va d'ailleurs changer - mais avec celui des centristes. Un peu sur le modèle d'Edouard Balladur en 1995. Mais, là aussi, la présence de deux ténors de la droite au premier tour peut très mal se finir.

En tout cas, on le voit, l'UMP est actuellement nettement plus dans la stratégie politique que dans la phase d'élaboration d'un programme économique crédible. Ce temps devrait venir prochainement... On verra alors la réalité des différences avec la politique menée par le gouvernement socialiste actuel, tendance Manuel Valls. Ce sera un peu le jeu des 7 erreurs...