L'opération "Il faut sauver le soldat Macron" est lancée

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1062  mots
Manuel Valls va personnellement présenter le contesté "projet de loi Macron" destiné à relancer la croissance
Pour protéger son ministre de l'Economie, c'est finalement le Premier ministre qui présentera, ce mercredi 10 décembre, le très contesté projet de loi "Macron" sur la croissance et l'activité. Un collectif de parlementaires socialistes, déçus par le texte, propose d'autres pistes pour réformer.

Il y a des signes qui ne trompent pas et qui montrent l'importance du moment. C'est le premier ministre lui-même qui présentera à la presse, demain mercredi 10 décembre à l'issue du conseil des ministres, le projet de loi « sur la croissance et l'activité ». Ce texte, jusqu'ici porté par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, est censé libérer l'économie française en s'attaquant à de nombreux blocages : réforme des professions réglementées pour faciliter l'installation et la concurrence ; extension des possibilités du travail dominical et en soirée ; réforme de la procédure prud'homale ; simplification administrative; etc.

Mais, à ce stade, certaines des dispositions envisagées étant jugées trop libérales par une bonne partie des parlementaires socialistes, François Hollande et Manuel Valls craignent de ne pas trouver une majorité pour voter ce texte qui commencera d'être examiné le 22 janvier par le Parlement.

Manuel Valls s'engage personnellement

C'est pour cette raison que le Premier ministre monte au front personnellement. Non seulement parce qu'il juge indispensable l'adoption du texte pour booster la croissance, mais aussi parce que la « loi Macron » constitue un signal adressé à la Commission européenne pour prouver la bonne foi de la France en matière de réformes. La France est en effet dans le collimateur de Bruxelles pour ne pas respecter ses engagements européens.

De fait, à ce stade, le projet de loi Macron ne « passe pas » au PS. Non seulement la gauche du parti est vent debout contre lui, mais aussi les « frondeurs », notamment ceux qui se rangent derrière Martine Aubry.

Mais, plus préoccupant pour François Hollande et son Premier ministre, voilà d'autres franges du PS qui contestent le contenu de la loi Macron, mais qui se positionnent différemment à l'intérieur du parti. Il en va ainsi du collectif "Cohérence socialiste", sensibilité du parti composée de parlementaires qui s'étaient pourtant rangés derrière François Hollande dès la primaire socialiste de 2011, mais devenus critiques devant l'évolution du quinquennat.

"Cohérence socialiste" estime très faible l'impact sur la croissance...

Ce collectif juge le projet de loi Macron "pas assez ambitieux", voire "mou du genou", selon les propres termes de Karine Berger, députée des Hautes-Alpes et chargée des dossiers économiques au PS.

Or, pour ce collectif, le projet Macron est le dernier texte du quinquennat « qui permet de vraiment faire quelque chose pour réformer ». Et de juger que, si "les dispositions du projet de loi vont dans le bons sens et ont un impact positif sur la croissance, il est cependant très faible".

Le collectif a fait fonctionner ses calculettes et donne quelques exemples. Ainsi, autoriser les autocars à desservir toutes les villes de France générerait seulement "un chiffre d'affaires équivalent à 6 heures de travail supplémentaires de la SNCF par an". De même, "autoriser le travail des commerces du quartier Haussmann (à Paris) tous les dimanches de l'année ne générerait qu'un chiffre d'affaires équivalent à celui du centre commercial d'Evry". Ou encore, faire baisser de 5% les tarifs des notaires en France, « représenterait l'équivalent de la construction de 8 petits immeubles de 25 logements en France par an ». Concernant plus spécifiquement le travail du dimanche, Karine Berger ne voit pas là « un élément incontournable pour réveiller la France ».

... et propose d'agir pour la protection et le développement des PME

Autre critique, formulée par Yann Galut, député du Cher : il dit "ne pas comprendre la cohérence" d'une loi fourre-tout qui, du coup, ne va pas au fond des choses ».

Ne souhaitant pas se limiter à la simple critique, Cohérence socialiste entend donc "aller plus loin" et émet des propositions en faveur des entreprises, et notamment des PME, destinées « à avoir un impact significatif sur la croissance ».

  • Atténuer l'approche trop financière de la stratégie d'entreprise

Ainsi, le collectif propose "l'interdiction de la présence de dirigeants de banques, d'assurances ou de conseils et d'audit au sein des conseils de surveillance ou d'administration des grands groupes, pour atténuer l'approche trop financière de la stratégie d'entreprise".

Il prône aussi la limitation "à un seul mandat dans les conseils de surveillance ou d'administration hors de son propre groupe", afin de "limiter la similarité des décisions et des stratégies, et les conflits d'intérêts".

  • Faciliter les exportations

Le collectif constate également que les entreprises françaises ne sont pas assez aidées pour faciliter leurs exportations. L'Allemagne mettrait ainsi "dix fois plus de moyens dans la prospective, via l'assurance prospection" que la France. Il s'agirait donc, dans un premier temps, de "tripler" l'accompagnement des entreprises sur la prospection et de davantage impliquer la BPI dans l'aide à l'exportation.

  • Multiplier les brevets et en baisser drastiquement le coût

Il conviendrait aussi de revoir "la protection de la propriété intellectuelle et protéger l'invention française" qui serait "pillée". Il faudrait donc multiplier le nombre des brevets déposés en France qui permettent de couvrir toute l'Europe, et ce, en abaissant le coût de ce dépôt de... 36.000 euros actuellement à 1.500 euros.

  • Contrôle stratégique du fondateur de PME rachetée par un grand groupe

Autre piste évoquée par le collectif : permettre, comme en Allemagne, au fondateur d'une PME rachetée par un grand groupe de conserver le contrôle de la stratégie pour éviter que les grands groupes "cherchent à mettre la main sur des recherches abouties". Il s'agit d'une mesure clé "pour faire passer les PME à la taille d'ETI, ce qui est le principal seuil en France qui bloque la croissance des entreprises".

Pas touche au droit du travail sans négociation

Enfin, le collectif rappelle que les projets d'Emmanuel Macron - pas encore dans le texte de loi à ce stade - de revoir le droit du travail, notamment en facilitant la signature d'accords de "maintien dans l'emploi" qui permettent de limiter les salaires et/ou d'augmenter la durée du travail, sont "irrecevables car ils doivent d'abord faire l'objet d'une négociation entre le patronat et les syndicats".

Et Yann Galut de prévenir : "Les parlementaires vont présenter énormément d'amendements sur toute une série de questions. Il va y avoir un débat massif et franc." Cela promet du sport d'ici à la fin janvier.