Compétences territoriales : les régions de plus en plus gourmandes

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  927  mots
Alain Rousset, président (PS) de l'Association des Régions de France, prône le transfert des compétences de l'Etat aux régions pour tout ce qui concerne l'emploi.
Le projet de loi sur les nouvelles compétences des collectivités territoriales arrive le 13 janvier devant le Sénat. Les régions veulent obtenir un maximum de compétences, notamment celle de la politique de l'emploi jusqu'ici dévolue à l’État.

Passée la trêve des confiseurs, l'épineux dossier de la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales : région, métropole, département, bloc communal va de nouveau faire débat avec le retour devant le Sénat, à compter du 13 janvier, du projet de loi sur« la nouvelle organisation de la République" (NOTR). Et les discussions risquent d'être animées tant, à tous les niveaux, chacun veut défendre son territoire, obtenir davantage et grignoter chez le voisin.


A ce petit jeu, ce sont les régions qui se montrent les plus gourmandes revendiquant le plus de responsabilités. Et ce d'autant plus que depuis qu'elles sont réduites au nombre de 13, elles se rêvent en sorte de « supers petits Etats » aux compétences extrêmement larges. Pour preuve la petite passe d'armes qui s'est produite fin décembre entre l'Association des régions de France (ARF) et l'Etat à propos du pilotage de la politique de l'emploi.

Les régions revendiquent le pilotage de la politique de l'emploi

Dans un entretien accordé fin décembre à l'agence de presse AEF, le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale André Vallini avait jugé qu' « il y aurait une vraie cohérence à donner aux régions tout ce qui concerne l'emploi ». Or, justement, un tel transfert de compétences était revendiqué par Alain Rousset le président (PS) de la Région Aquitaine et président de l'ARF et par la (nouvelle) majorité sénatoriale. De fait, pour Philippe Bas, Sénateur UMP de la Manche et président de la commission des lois du Sénat : « on ne comprendrait pas qu'on accroisse les attributions des régions sans qu'elles n'aient aucune responsabilité nouvelle dans la lutte contre le chômage et la reconversion des bassins d'emploi en difficulté ».André Vallini avait même évoqué, « à titre expérimental, pour les régions volontaires, des mises à dispositions de personnels de Pôle emploi".

Le tollé a été général, non seulement à Pôle emploi mais aussi au sein des organisations syndicales qui craignent une segmentation de la politique de l'emploi en autant de régions et l'absence de coordination nationale.

Aussi, lors d'un déplacement à Evry, le premier ministre Manuel Valls a été obligé de recadrer le débat en déclarant qu'il convenait de « veiller à ne pas déstabiliser un système qu'il faut d'abord faire mieux fonctionner au plus près du terrain », jugeant qu'il n'y avait « pas besoin de transfert de compétence » en matière d'emploi. A Dijon, lors d'un autre déplacement, Manuel Valls a encore été plus précis :« l'emploi doit rester de la prérogative de l'Etat, nous en parlons souvent avec le ministre du Travail ».

A grand dam du gouvernement, il y aura donc des amendements sénatoriaux pour tenter de donner davantage de compétences aux régions en matière de politique de l'emploi.


A qui les collèges et les transports?

En revanche, a priori, les régions vont disposer de nouvelles compétences jusqu'ici réservées aux départements. Il en va ainsi notamment des collèges et des politiques de mobilité (transports interurbains et scolaires, routes).
Concrètement, les régions pourront adopter des « schémas prescriptifs » qui garantiront la cohérence des actions menées par les différents niveaux de collectivités pour le développement économique et l'aménagement du territoire. Les ressources, notamment fiscales, des régions devront être adaptées à leurs nouvelles compétences. Leurs modalités seront prévues par une future loi de finances sans doute celle de 2016). A cet égard, Alain Rousset, président socialiste de la région Aquitaine et président de l'ARF, plaide pour que le financement des régions soit assis « sur l'impôt économique local ». Concrètement, il demande que soit réallouée aux régions une part plus importante de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, l'une des taxes issues de l'ancienne taxe professionnelle). Actuellement, 26,5% du produit de la CVAE va au « bloc communal » ; 48,5% aux départements et 25% aux régions. L'ARF souhaite que la part de la CVAE allouée aux régions grimpe à 70%. Le Premier ministre, Manuel Valls, lors de son intervention le 10 octobre devant le congrès de l'ARF à Toulouse a semblé favorable à cette revendication.


Mais attention, rien n'est définitivement acquis car le Sénat fait de la résistance. Déjà en commission des lois, il a apporté des modifications aux texte gouvernemental, anticipant le maintien finalement possible d'une partie des 101 départements au-delà de 2020. Le Sénat souhaite ainsi que la gestion des collèges restent aux départements, tout en donnant la possibilité de les transférer aux métropoles quand il en existe une. De même, en matière de tourisme, la commission a aussi supprimé la primauté de la région affirmée par le projet de loi. Idem pour la voirie et les transports scolaires qui resteraient, là aussi, dans l'escarcelle des conseils départementaux. Toutefois, à compter du 1er janvier 2017, à défaut de convention spécifique, la compétence "relative à la voirie départementale serait transférée de plein droit aux métropoles ».
Bien entendu, l'Association des régions de France a fait part de sa désapprobation et réclame un retour dans le giron des nouvelles régions de toutes ces compétences dans un souci de "cohérence".

La bataille est loin d'être terminée. Rendez-vous au Sénat à compter du 13 janvier.