"Ne comptez pas sur Obama pour reléguer ses projets au placard"

Spécialiste des affaires sociales à l'Economic Policy Institute, centre de recherche proche des milieux syndicaux, Jared Bernstein est l'un des conseillers de Barack Obama. Selon lui, la gravité de la crise encouragera le candidat démocrate, s'il est élu, à maintenir ses initiatives destinées à soutenir la classe moyenne. Le candidat vient de proposer des mesures de relance de 60 milliards de dollars. Jared Bernstein engage aussi le Congrès à adopter le deuxième plan de relance fiscal sur lequel planchent les démocrates à la Chambre des représentants.

La Tribune : Barack Obama peut-il changer l'Amérique ?

Jared Bernstein : Yes he can! Et l'Amérique a désespérément besoin de changement. Les motivations de Barack Obama sont directement liées à ce qui s'est passé au cours des huit dernières années. Les Etats-Unis ont emprunté un mauvais chemin que ce soit en matière d'économie ou de politique étrangère. Pour lui, le «changement» consiste à consolider notre économie, notamment en refondant un système fiscal régressif et en accordant plus d'importance aux besoins de la classe moyenne. Il s'agit aussi de rééquilibrer notre politique étrangère en rétablissant des liens solides avec nos alliés. Au cours des deux mandats de George W. Bush, les Etats-Unis ont vécu pour l'essentiel une période de croissance économique et pourtant, la classe moyenne n'en a tiré aucun bénéfice.

Vous êtes conseiller «informel» d'Obama. En quoi consiste cette fonction ?

Cela signifie que je suis conseiller économique de sa campagne à titre bénévole. Mon rôle n'est pas de défendre le candidat dans les médias mais de le conseiller sur les questions économiques et sociales, que ce soit en traitant directement avec lui, ou en travaillant avec l'équipe qui élabore son programme.

Quel climat économique anticipez-vous pour le prochain président ?

La crise est si profonde qu'il va falloir beaucoup de temps pour que l'économie américaine se redresse vigoureusement. Il faudra tout d'abord que le marché immobilier touche le fond et, à mon sens, cela n'arrivera pas avant la fin 2009 ou le début 2010. La banque Goldman Sachs a récemment établi des projections selon lesquelles l'économie américaine entrera en récession au quatrième trimestre de 2008 puis se redressera à partir du deuxième semestre de 2009, le taux de chômage s'inscrirait alors à 8% à la fin de l'année prochaine. Je trouve ces projections plausibles mais optimistes car je crains que la récession soit suivie d'une période assez longue de stagnation. C'est pourquoi avant même que le prochain président n'occupe ses fonctions à la fin janvier 2009, le Congrès et l'administration actuels devraient agir en adoptant un deuxième plan de relance fiscal de l'ordre de 150 à 300 milliards de dollars, représentant 1% à 2% du produit intérieur brut des Etats-Unis. Le plan de sauvetage du système financier doit déboucher les artères du crédit pour empêcher que la situation empire. Mais il faut aussi réanimer au plus vite le pouls de l'économie et permettre aux américains de respirer à nouveau.

Dans un contexte fiscal si délicat, Obama pourra-t-il tenir ses promesses de campagne ?

Je le crois, mais peut-être pas aussi vite que nous l'aimerions. Ne comptez pas sur lui pour reléguer ses projets au placard, bien au contraire. Car avec la crise, le malaise de la classe moyenne, la nécessité de réformer notre système de santé ainsi que notre façon de produire et de consommer de l'énergie vont s'amplifier. La loi de sauvetage du système financier coûtera certes 700 milliards de dollars mais il ne faut pas oublier qu'elle autorise le gouvernement à surtaxer les établissements financiers au cas il accuserait des pertes sur les créances qu'il leur aura rachetées. Barack Obama veut aussi achever la guerre en Irak, supprimer des subventions dont bénéficient certaines entreprises comme les producteurs de pétrole et les assureurs santé travaillant avec le programme Medicare. Cela lui donnera plus d'aisance budgétaire. De toute façon, compte tenu du contexte économique, le président qui prendra ses fonctions en janvier n'aura pas pour priorité de rééquilibrer le budget fédéral ! 

Barack Obama peut-il réellement réformer le système d'assurance santé et créer 5 millions d'emplois dans les énergies vertes ?

En matière de santé, si les démocrates gardent la majorité au Sénat, cela peut aller assez vite et les premières réformes pourraient démarrer dès l'an prochain. Les propositions de John McCain, qui visent à accorder un crédit d'impôt et à taxer l'assurance santé fournie par les employeurs, seraient bien plus radicales et difficiles à appliquer, et ne passeraient de toute façon pas le cap du Congrès où il est peu probable qu'il dispose d'une majorité. Avec le programme d'Obama, les gens satisfaits de leur couverture santé pourront la conserver. Pour les 140 millions d'Américains qui sont déjà couverts par leur entreprise, les changements seront donc limités. Les employeurs auront l'obligation de fournir une assurance à leurs employés ou de financer un fonds fédéral destiné à couvrir les ménages démunis. Les gens qui ne sont pas couverts pourront sélectionner une couverture privée dans une «bourse aux assurances» supervisée par le gouvernement. Seuls les enfants devront être obligatoirement couverts. En ce qui concerne les emplois verts, il est raisonnable de croire que les 50 milliards de dollars que Barack Obama entend investir dans les énergies alternatives en dix ans produiront des emplois, même s'il est difficile d'évaluer s'il s'agira de trois, quatre ou cinq millions d'emplois. Il est tout de même incroyable que les Etats-Unis soient contraints d'importer leur éoliennes du Danemark alors que notre secteur manufacturier est pour le moins sous-employé.

Barack Obama est-il protectionniste ?

Pas du tout, il se décrit lui-même comme un partisan du libre-échange. Il ne faut pas confondre les politiciens qui ont conscience des avantages mais aussi des effets indus de la mondialisation et ceux qui veulent l'arrêter. Barack Obama veut que les travailleurs aient le droit de se syndiquer aux Etats-Unis et à l'étranger, et que nos partenaires commerciaux respectent des règles environnementales. Au fond, il s'agit de développer le commerce, mais en s'assurant que ses bénéfices soient partagés plus équitablement.

Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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On a voté en France Sarko qui distillait l?amalgame de séparation de la population française sur des thèmes raciste anti-étrangé (noirs ,immigré, banlieue, violence, emploi, arabe...)Alors que les Etats Unis chose impensable, présente un noir au post...

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