Michel Barnier : "Américains et Européens vont intensifier leur coopération sur les objectifs du G20"

Le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier, a effectué une visite de trois jours aux Etats-Unis. Il s'est entretenu avec le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, avec les responsables des agences de régulations (SEC, CTFC) et les patrons de grandes banques (Goldman Sachs, JPMorgan Chase..). A cette occasion, il a scellé un pacte avec le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner.

La Tribune : Quel est le résultat de votre rencontre avec Timothy Geithner?

Michel Barnier : Nous sommes tombés d'accord sur le fait qu'il faut un parallélisme, entre Europe et Etats-Unis, dans la mise en œuvre des mesures bancaires, soit les exigences de capitalisation supplémentaire pour les activités de marché. Il y avait du côté américain des délais sur l'application de ces mesures. Or mon souhait, c'était qu'il y ait convergence dans la mise en œuvre de part et d'autre de l'Atlantique. C'est ce dont nous sommes convenus, faire les choses ensemble en 2011 dans le cadre de Bâle II. Il ne s'agit pas pour les Européens et les Américains de prendre les mêmes mesures et d'avoir exactement les mêmes outils mais d'atteindre des objectifs identiques dans un calendrier parallèle.

Les Américains sont donc disposés à appliquer en 2011 les règles prudentielles pour les banques prévues par Bâle II ?

C'est ce qui m'a été dit. En tout cas sur cette partie là de Bâle II. Nous avons également décidé de travailler en commun et d'échanger nos projets sur la régulation des dérivés. Compte tenu des volumes de transaction en cause, échappant à toute forme de transparence ou de contrôle, c'est un sujet majeur. Il y a aussi un travail sur les normes comptables, sur les agences de notation... En somme, nous sommes convenus d'intensifier notre coopération sur l'ensemble des objectifs du G20.

Quels furent les principaux sujets de votre entretien avec Ben Bernanke?

Nous avons beaucoup parlé de la dimension de l'accord européen intervenu dimanche en faveur de la zone euro. Il y avait une préoccupation très forte des Etats-Unis au sujet de ce qui s'est passé. Je crois que les autorités politiques américaines, les superviseurs et les marchés ont réagi positivement à la force de la réponse européenne. Je lui ai expliqué que derrière les chiffres, les lignes de crédit mis en œuvre et les mécanismes de solidarité, un vrai progrès est né de cette crise: l'avènement d'une véritable gouvernance économique européenne décidée par les chefs d'Etat et de gouvernement. Je ne peux pas commenter l'appréciation de Ben Bernanke mais je pense qu'aux Etats-Unis où il y avait une inquiétude, ce plan de solidarité et de responsabilité dans la zone euro a été globalement bien reçu.

Tim Geithner vous a-t-il fait part de ses préoccupations sur la directive AIFM, relative à l'investissement alternatif en Europe?

Il m'a confirmé ses préoccupations. J'ai compris que c'était important pour lui et je lui ai simplement dit que j'avais affaire en Europe à un débat souverain et démocratique entre le parlement et le Conseil des ministres. Je souhaite que le réforme sur la régulation des hedge funds et du capital investissement soit conclue avant l'été et ne crée pas de barrières ni de discriminations envers les Etats-Unis. Il a compris que j'étais sincère et déterminé à travailler à un accord qui ne soit pas discriminatoire et permette la réciprocité.

Que vous inspire l'abandon par le Sénat américain de la création d'un fonds de résolution pour les banques?

C'est une décision souveraine du Congrès américain. Nous, Européens, avons une autre approche. J'ai beaucoup échangé aux Etats-Unis sur cette boîte à outil de résolution et de prévoyance des futures crises à laquelle nous travaillons. L'idée d'un fonds de résolution que j'ai présentée voilà trois semaines à Madrid a été globalement bien reçue et figure d'ailleurs dans les propositions du Fonds monétaire international (FMI). Il s'agit bien d'un fonds de prévoyance des crises à venir et non d'un fonds de réparation des crises passées. Les deux idées qui sous-tendent cette proposition : d'abord, prévenir coûte moins cher que réparer. Voilà pourquoi il faut se doter des moyens de prévenir, juridiques et financiers. Deuxièmement, les contribuables ne doivent plus être en première ligne. Les Américains sont en train de prendre une autre route qui consistera, en cas de besoin, à utiliser le crédit du Trésor, quitte à se faire rembourser ensuite, et non l'argent mis de côté par les institutions financières.

Voilà deux semaines, à New York, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, a remis en cause l'idée d'une taxe bancaire. Qu'en pensez-vous?

Quand j'ai présenté ma proposition de boîte à outil de réforme globale à Madrid, les ministres ont réagi plus positivement et j'ai effectivement entendu les réserves d'un certain nombre de banquiers centraux. Mais j'observe que les chefs d'Etat et de gouvernement m'ont demandé, ainsi qu'à José Manuel Barroso, de travailler à cette question et que le FMI a repris cette idée.

A Wall Street, vous avez rencontré les patrons de grandes banques (Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Citigroup). Quel fut l'objet de vos conversations?

J'ai voulu qu'ils m'expliquent leurs préoccupations et je tenais à leur exposer la détermination de l'Union européenne à parvenir à une régulation efficace et intelligente. Mes interlocuteurs ont bien compris qu'il y avait des leçons à tirer et qu'un renforcement de la régulation était nécessaire. Leur préoccupation principale est l'effet cumulatif des mesures de part et d'autre de l'Atlantique et dans le temps, notamment en ce qui concerne l'application de Bâle. Ils craignent d'être pénalisés en termes de volumes de capitalisation et dans leurs activités traditionnelles, c'est-à-dire d'être obligés de mettre de l'argent en provision qui ne serait plus disponible pour l'économie. Je comprends leurs arguments, mais je leur ai répondu qu'il était impossible de ne rien faire. Pour les dérivés, j'ai entendu des remarques que l'on m'avait déjà faites en Europe, relatives à l'emploi de certains de ces produits par des industriels, comme les sociétés aéronautiques. Or j'ai déjà dit que je ferai des traitements différentiés pour certaines industries dont l'aéronautique qui utilisent des produits de couverture.

Quel progrès peut-on attendre du G20 de Toronto ?

Il y sera question des propositions du FMI, notamment en ce qui concerne la prévoyance des futures crises et les fonds de résolution. Les chefs d'Etat qui participent au G20 vont confirmer, comme l'ont récemment affirmé Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et José Manuel Barroso, qu'il ne faut pas seulement mettre les réformes en chantier mais les livrer. En 2010 et 2011, il est temps d'agir!

 Propos recueillis par Eric Chalmet, à New York.


 

Commentaires 4
à écrit le 18/05/2010 à 9:42
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seul une monnaie unique mondiale un marche unique equitable et un politique de developpement reels et durables envers les pays pauvres pouraient sauver le monde de cette crise

à écrit le 15/05/2010 à 6:56
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Suite : d'ailleurs la plupart de ces "Messieurs" sont rarement interrogés dans leur bureau bruxellois. ils sont tout l'année en promenade dans le monde. Comme Trichet (heureusement remplacé à l'automne) une fois en Australie, l'autre en Amérique... A...

à écrit le 15/05/2010 à 6:54
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Cet individu est le portrait type du politicard faisant la navette entres fonctions nationales et européennes. Tout ce que la population rejette massivement. Ce sont des personnages comme lui (et tant d'autres)qui ont mené l'Europe où elle en est.

à écrit le 14/05/2010 à 21:28
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Nous sommes dans une démocratie. Chaque citoyen est sensé avoir la même importance. Les politiques n'ont pas à demander leur avis aux banques et aux banquiers. Ils ne comptent pas plus que le reste de la population et n'ont donc pas leur mot à dire, ...

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