Foire d'empoigne ou accord ? Suspense avant le G20 Finance

Le Canada soutient une proposition soumise par le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner suivant laquelle les pays du G20 doivent réduire les déséquilibres de leurs comptes courants en deçà d'un pourcentage particulier du PIB.

Les ministres des Finances du Groupe des Vingt (G20) comptent élaborer ce week-end un plan d'action pour résorber les déséquilibres mondiaux, a déclaré le ministre canadien Jim Flaherty vendredi. Les pays du G20 sont en phase quant à la direction que doivent prendre les changements qui s'imposent dans le domaine des changes, a encore dit le ministre canadien.

Jim Flaherty a par ailleurs apporté son soutien à une proposition soumise par le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner suivant laquelle les pays du G20 doivent réduire les déséquilibres de leurs comptes courants en déçà d'un pourcentage particulier du PIB. "Les pays émergents du G20 dont la monnaie est sensiblement sous-évaluée et disposant de réserves adéquates doivent laisser le taux de change s'ajuster totalement dans le temps, à des niveaux cohérents avec les fondamentaux économiques", explique Timothy Geithner, dans une lettre dont Reuters a pris connaissance.

Les responsables des Finances du G20 ont entamé vendredi deux jours de réunion, avant que le sommet plénier du G20 proprement dit ne se tienne les 11 et 12 novembre à Séoul. Les pays en développement et le Japon ne sont pas d'accord avec la proposition des Etats-Unis d'établir un seuil de 4% du PIB pour les excédents et déficits des comptes courants, proposition qui semble viser directement les excédents commerciaux chinois.


UNE CHANCE SUR DEUX D'ABOUTIR A UN TEXTE

La Chine, la Russie, l'Allemagne et l'Arabie saoudite ont tous des excédents commerciaux qui dépassent ce seuil théorique, tandis que les Etats-Unis ont un déficit de l'ordre de 3% du PIB. "La lettre du secrétaire Geithner est pertinente; elle donne une direction possible, qui a été évoquée par les participants sur place et aussi auparavant", estime le ministre canadien.

Jim Flaherty a également dit que la Chine avait fait part, lors de rencontres bilatérales, de sa volonté de progresser vers une plus grande souplesse des taux de change. "Personne ne veut d'une confrontation et personne ne veut s'en aller sans s'être mis d'accord sur un plan d'action", a-t-il affirmé.

Selon un responsable du G20 participant aux négociations, la probabilité qu'elles débouchent sur un accord fixant un objectif quantifié pour les excédents et déficits des comptes courants est de 50%. "D'après ce que je crois comprendre, ceux opposés à cette idée disent que les chances sont faibles mais pour autant que je sache, les discussions sont abordées avec grand sérieux et je peux dire que c'est 50/50", a déclaré ce responsable.

Pour le ministre des Finances japonais Yoshihiko Noda, la cause est entendue toutefois. "Nous devons en parler, mais des objectifs chiffrés, c'est irréaliste", a-t-il dit. D'autres responsables sont franchement pessimistes: au mieux, disent-ils, la réunion accouchera d'un communiqué recommandant d'éviter tout recours aux dévaluations compétitives.

"La mention qui dit d'éviter tout recours à une dévaluation compétitive, en tant qu'objectif pour les grandes puissances économiques, n'est pas nouvelle : elle est apparue dans une précédente réunion du G20 en Grande-Bretagne. Elle apparaîtra sans doute à nouveau dans le communiqué cette fois", a dit un négociateur du G20 à Reuters.

Les ministres des Finances des pays du G20 ne semblaient pas en mesure vendredi de parvenir à un accord susceptible de réduire les déséquilibres économiques et de repousser les perspectives de dévaluations monétaires.

"Je ne pense pas que le G20 discutera ou abordera les politiques monétaires pays par pays, y compris le yuan (chinois) ou le yen (japonais)", a dit le ministre japonais des Finances, Yoshihiko Noda, qui s'attend plutôt à des "discussions globales sur les moyens d'améliorer l'ordre monétaire international". "Nous devons partager l'idée, ainsi que nous l'a enseignée l'Histoire, qu'une course aux dévaluations monétaires est négative pour l'économie mondiale", a-t-il ajouté peu avant l'ouverture de la réunion des ministres du G20 Corée en du Sud.

Le ministre indien des Finances, Pranab Mukherjee, a jugé pour sa part qu'il était difficile de dire si un accord pourrait être trouvé sur la question des monnaies. "Je ne suis pas sûr que cette réunion pourra aboutir à un accord sur cette question. C'est difficile de le dire à ce stade, mais nous essayons encore de négocier", a-t-il dit.

Un grand nombre de pays émergents sont réticents à l'idée de laisser leurs devises s'apprécier de manière significative. Ils imputent aux Etats-Unis les désordres et erreurs de gestion financière qui ont provoqué la crise et les accusent de pratiquer eux-mêmes une dévaluation en inondant les marchés de liquidités.

Le G20, qui réunit pays développés et pays en voie de développement, a conquis sa légitimité et supplanté d'autres instances internationales plus restreintes, comme le G8 dont les pays émergents étaient tenus à l'écart, en coordonnant au plus fort de la crise les plans de relance de l'économie. Mais l'impression d'unité qui prévalait s'est progressivement effacée. Et le G20 ne semble pas en mesure de stopper la "guerre des monnaies".

A la veille de la réunion sud-coréenne, les Etats-Unis ont proposé parallèlement des objectifs chiffrés limitant les déséquilibres des comptes courants. Excédents ou déficits devraient s'inscrire dans un certain pourcentage du PIB. L'idée a été fermement rejetée tant par des pays émergents que par des pays développés. "Nous devons en parler, mais des objectifs chiffrés, c'est irréaliste", a dit le Japonais Noda.

"Une chose est claire, l'accord définitif sur ce cadre (de stabilité économique) ne viendra pas de cette réunion des ministres des Finances", a dit le Russe Andreï Bokarev, "sherpa" de la délégation russe. Un responsable évoquait pourtant à l'ouverture de la réunion ministérielle "50% de chances" d'y parvenir.

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