Silvio Berlusconi quitte le pouvoir sous les huées

Silvio Berlusconi a quitté samedi sous les huées du peuple romain la scène politique italienne qu'il a dominée pendant dix-sept ans en usant d'un indéniable sens tactique mâtiné de culot et de clinquant.
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Showman revendiqué, revendiquant des dons de charmeur qui ont longtemps assuré sa popularité dans la Péninsule, le magnat des médias est parti aigri et isolé par une porte dérobée du palais du Quirinal après avoir remis sa démission au président Giorgio Napolitano.

Dans une scène rappelant le sort de son prédécesseur socialiste Bettino Craxi quittant un hôtel romain en 1993, Silvio Berlusconi est descendu de son estrade sous les sifflets de plusieurs milliers de Romains criant "Bouffon", l'injure traditionnellement lancée par les Italiens aux hommes politiques tombés en disgrâce.

Abandonné ces derniers mois par le patronat, sur fond de crise budgétaire, et par l'Eglise catholique, choquée des scandales autour de sa vie privée, semant le trouble au sein même de sa formation, le Peuple de la liberté (PDL), le "Cavaliere" a été contraint à 75 ans d'abandonner la tête du gouvernement, bien qu'ayant maintes fois juré qu'il resterait en poste jusqu'à la fin normale de son mandat en 2013.

Son départ, accéléré par les pressions insistantes des marchés financiers, met fin à l'une des périodes les plus tumultueuses et riches en scandales de l'histoire récente de la Péninsule.

Sa démission mouvementée est le point final d'une carrière hors normes, remarquable au regard des critères italiens de longévité politique - il a été président du Conseil en 1994-95, 2001-2006 et 2008-2011 -, et souvent peu comprise en dehors des frontières.

UNE "BÊTE DE SCÈNE"

Souvent considéré à l'étranger avec amusement ou consternation en raison de son style clinquant et de ses mots d'esprit, de plus en plus d'un goût douteux, Berlusconi, en plus de son poids politique et financier, est resté longtemps une personnalité très populaire dans son pays.

S'il n'a jamais caché avoir le goût du pouvoir, il en a connu aussi les désagréments, qui peuvent aller, à l'en croire, jusqu'au sacrifice. "Je suis le Jésus-Christ de la politique", n'a-t-il pas craint de lancer un jour.

A part Napoléon, il ne voyait personne au-dessus de lui dans l'histoire politique de l'Europe. "Mais, de taille, je suis bien plus grand que lui", corrigeait-il aussitôt.

Critiqué pour son attirance envers les très jeunes femmes, il aurait même dit à l'une d'elles qu'il pouvait bien se consacrer au beau sexe car il était en réalité "président du Conseil à temps partiel"...

Mais au fil des ans, malgré moult lifting facial et implants capillaires, le sourire s'est crispé, l'allure est devenue moins conquérante, l'assurance a paru se gripper, la nervosité gagner cette "bête de scène" qui, bronzage insolent en toute saison, avait longtemps survolé les plateaux de télévision et dominé les estrades des réunions publiques.

Hâbleur, charmeur, mais d'un charme carnassier, ses frasques sexuelles ont fait, surtout ces derniers mois, la "une" des médias, qui ont étalé les récits de parties fines dans sa luxueuse propriété d'Arcore, près de Milan, ou dans ses résidences romaines. Quand la présence de mineures à ces soirées très spéciales a été évoquée, ces affaires ont pris un tour judiciaire.

"SUA EMITTENZA"

Reste que les Italiens ont longtemps été sensibles à son image de "self-made man" - une fortune amassée d'abord dans l'immobilier, puis la création d'un empire médiatique qui a alimenté les critiques de ses adversaires sur le respect de la liberté de la presse par "Sua Emittenza", l'un de ses surnoms.

Lorsqu'il avait fondé en 1994 son premier parti politique, Forza Italia, il avait rapidement comblé le vide laissé par l'implosion de la démocratie chrétienne, qui avait dominé l'Italie d'après-guerre mais n'avait pas survécu à l'opération "mains propres" contre la collusion entre la politique et la mafia.

Né à Milan le 29 septembre 1936, fils d'un employé de banque et d'une femme de ménage, Silvio Berlusconi est père de cinq enfants, qu'il a eus de deux femmes dont il a divorcé. Dès l'enfance, il a vendu de tout -ses devoirs aux cancres de l'école, des aspirateurs, des lotissements, des publicités, des livres, des magazines, des polices d'assurance et des stars du ballon rond en tant que président du Milan AC- dans ce dernier cas, un summum dans la péninsule, et quel tremplin...

Mais ce qu'il a d'abord su vendre, c'est lui-même, et son image même si gérer une entreprise et diriger un gouvernement, cela ne concordait pas toujours.

Le franc-parler qui peut faire mouche dans un conseil d'administration peut être catastrophique lors d'un conseil des ministres ou une réunion politique. Un bon mot, un trait d'esprit, devient vite une gaffe, un dérapage aux conséquences incalculables. De cela aussi, il paie aujourd'hui le prix.

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