D'un défaut à l'autre, retour sur la crise argentine en 8 étapes

Par Alexandre Madelaine  |   |  887  mots
La justice américaine réclame que l'Argentine rembourse 1,3 milliards de dollars aux fonds vautours. (photo : Reuters)
L'Argentine retient son souffle à quelques heures d'un possible défaut de paiement. Retour sur une affaire qui prend racine en 2001.

Fin du suspens ce mercredi pour l'Argentine, menacée d'un défaut de paiement suite à la décision de justice la forçant à rembourser 1,3 milliard de dollars à deux fonds vautours qui ont refusé de se soumettre aux restructurations de 2005 et de 2010. Retour sur une affaire qui prend racine en 2001, lors du défaut de paiement du pays.

2001 : défaut de paiement

Le pays est affaibli par les mesures drastiques du FMI qui ont accompagné les divers plans d'aide des années 90. Il  est en pleine récession et se situe dans une spirale déflationniste. Même si sa dette n'est pas particulièrement importante (53,9% du PIB), les mauvaises perspectives de l'économie viennent limiter la confiance des investisseurs qui exigent des primes de risque toujours plus élevées. Les taux d'intérêt des obligations passent de 10% au début de l'année 2001 à plus de 30% à la fin de l'année.

Au mois d'août, le FMI accorde une avance de 8 milliards de dollars à l'Argentine. Malgré des mesures d'austérité (baisse de 13% du revenu des fonctionnaires), le déficit dérape et atteint 4% du PIB. Au mois de décembre, le FMI suspend son aide. Le pays est en défaut de paiement.

2003-2008 : reprise de la croissance 

Après une année 2002 marquée par la récession, le chômage (23%) et la pauvreté (57%), l'économie argentine se redresse. Le programme de contrôle des capitaux instauré en 2001 est supprimé et la croissance bondit à 9%.

Entre 2003 et 2008, la croissance atteint même en moyenne 8,5%. Elle s'explique par l'augmentation de la demande intérieure et la baisse de valeur du peso qui a augmenté les exportations, notamment de produits agricoles comme le soja. La banque centrale a même pu accroître ses réserves de change et a réussi à conserver une quasi-stabilité avec le dollar (3 pesos pour un dollar)

2005 : première restructuration de la dette

Après le défaut de paiement de 2001, l'État argentin souhaite restructurer sa dette auprès de ses créanciers. En 2005, 75% des investisseurs acceptent la restructuration avec une décote de 70%. 

2008 : achat d'obligations par des fonds spéculatifs

Dans le but de réaliser des plus-values, des fonds spéculatifs dont NML Capital et Aurelius Capital Management font l'acquisition d'une partie de la dette argentine sur le marché secondaire. Du fait de la restructuration, l'acquisition de ces titres ne leur coûte presque rien. NML Capital s'en sort par exemple pour 50 millions de dollars.

2010 : seconde restructuration de la dette 

Lors de cette nouvelle restructuration, 18% des investisseurs initiaux, qui n'avaient pas accepté la première décote de 2005 se prêtent au jeu. Désormais, 93% des investisseurs initiaux ont accepté l'effort demandé par l'Argentine en échange d'une promesse de remboursement.

Mais 7% des investisseurs n'ont toujours pas accepté les restructurations et souhaitent être remboursées en totalité, parmi lesquels NML Capital et Aurelius Capital Management.

Ces derniers vont mener une action en justice auprès de la justice américaine pour être remboursés en intégralité et avec intérêts. Les obligations concernées sont en effet soumises à la juridiction de l'État de New York.

Août 2013 : la justice américaine donne raison aux fonds vautours

La Cour d'appel de New York condamne l'Argentine à rembourser 1,3 milliards de dollars aux deux principaux fonds spéculatifs qui ont refusé les deux étapes de restructuration. Ains, désormais, NML Capital doit recevoir 800 millions de dollars de l'État argentin, au lieu des 50 millions de dollars que lui ont coûté les titres de dette argentine.

Été 2014 : un dilemme pour l'Argentine

Fin juin 2014, la Cour suprême des États-Unis rejette le dernier recours de l'Argentine. Le pays doit payer. Mais elle s'y refuse. Le problème, c'est qu'elle doit faire face à un versement à ses créanciers restructurés de 500 millions de dollars avant le 31 août. Le versement a été effectué, mais le juge new yorkais Thomas Griesa en charge de faire exécuter le remboursement aux fonds vautour bloque la somme tant que le remboursement n'a pas eu lieu.

Autre problème : si l'Argentine rembourse les fonds vautours, elle s'expose ensuite à rembourser les autres investisseurs qui n'ont pas accepté la restructuration. La facture s'élèverait alors à plus de 10 milliards de dollars.

>>Lire : L'Argentine ne souhaite pas rembourser les fonds vautours

Et demain ?

Un effet boule de neige est à craindre. Car les détenteurs d'obligations qui ont accepté la restructuration peuvent faire valoir, avant la fin de l'année, la clause RUFO (Rights Upon Future Offers), contenue dans les accords de restructuration, qui empêche un créancier d'être privilégié par rapport à un autre. 

A cause de cette clause, l'Argentine pourrait être contrainte d'améliorer son offre pour tous ses créanciers qui ont vu leur créance restructurée. Dans ces conditions, la facture pourrait s'élever à 100 milliards de dollars. Cela ne serait pas soutenable pour l'Argentine dont les réserves ne dépassent pas les 30 milliards de dollars, et ne cessent de fondre depuis le début de l'année, alors que le pays se trouve à nouveau en pleine crise monétaire. Mais les dernières informations en provenance de New York, où Buenos Aires négocie actuellement avec les fonds vautours sous l'oeil du médiateur Daniel Pollack, font croire à un accord avant ce soir.