Corruption : le Danemark pays modèle, la Somalie pire élève

Par Giulietta Gamberini  |   |  865  mots
Pour mesurer ce phénomène illégal, et donc par nature dissimulé, Transparency International rassemble des avis d'experts dans le secteur public.
Le fléau concerne toutes les économies, souligne l'édition 2014 du classement de 175 pays publié annuellement par l'ONG Transparency International. Les places financières occidentales doivent notamment aider les pays émergents à ne pas régresser.

Abus de pouvoir, transactions secrètes, commissions occultes... de mauvaises pratiques qui affectent tous les pays, même si elles représentent un fléau beaucoup plus grave dans certains que dans d'autres. C'est le cri d'alarme lancé à l'occasion de la Journée internationale de la lutte contre la corruption par l'ONG Transparency international, qui a publié début décembre son 20e rapport annuel mesurant la perception de ce phénomène à travers le monde.

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Il en ressort qu'en 2014 comme en 2013, trois pays font figure de bons élèves parmi les 175 classés sur une échelle de 0 à 100 —du plus corrompu au plus vertueux— par l'ONG : le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Finlande.

La Somalie et la Corée du Nord se distinguent toujours pour être les cancres de la promotion, alors que le Soudan ravit en 2014 la place de troisième pays perçu comme le plus corrompu à l'Afghanistan. Quelques progrès sont soulignés par l'ONG, notamment du côté de de l'Afghanistan justement, mais aussi de la Côte d'Ivoire, de l'Égypte, de Saint Vincent-Grenadines, de la Jordanie, du Mali ou du Swaziland.

 Les Bric régressent

Transparency, qui pour mesurer ce phénomène illégal et donc par nature dissimulé rassemble des avis d'experts dans le secteur public*, a choisi cette de mettre l'accent sur les régressions remarquées dans les pays émergents. C'est le cas notamment pour la Chine qui, malgré la campagne lancée par le gouvernement du pays pour lutter contre la corruption chez les agents publics, recule de 20 positions par rapport à 2013, pour se retrouver à la 100e place.

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"La corruption et le blanchiment d'argent sont également problématiques dans les autres pays du groupe des Bric", note l'ONG, qui cite le Brésil (69e) et les soupçons pesant sur la corruption de son personnel politique par les compagnies pétrolières. L'Inde (85e) est également pointée du doigt par Transparency, qui y dénonce le recours à des comptes bancaires installés dans des paradis fiscaux comme l'Ile Maurice, tandis que la Russie figure 136e dans le classement.

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La corruption constitue également un grave problème dans d'autres économies émergentes, selon le rapport, qui relève ainsi que la Turquie (64e) et l'Angola (161e) "figurent parmi les pays enregistrant la plus forte régression (...) malgré une croissance économique moyenne de plus de 4% sur les quatre dernières années".

Un problème qui concerne toutes les économies

Le président de l'ONG, José Ugaz, met donc en garde :

"L'Indice de perceptions de la corruption 2014 montre que les abus de pouvoir des responsables politiques et des hauts fonctionnaires entravent la croissance économique."

"Les pays à croissance rapide dont les gouvernements refusent la transparence et tolèrent la corruption mettent en place une culture de l'impunité", insiste-t-il.

Il n'empêche que la corruption est un phénomène qui concerne "toutes les économies", souligne l'organisation : "plus des deux tiers" des pays étudiés atteignent un score inférieur à 50 et le résultat moyen n'est que de 43. L'organisation a d'ailleurs publié une carte de France (26e avec 69 points, en baisse de 2 points par rapport à 2013) de la corruption, pour montrer que ce problème concerne tout le monde. C'est pourquoi l'engagement dans la lutte contre la corruption doit être partagé, insiste Transparency :

"Les pays les moins bien classés de l'indice doivent adopter des mesures anti-corruption radicales tournées vers leur population. Les pays les mieux classés doivent faire en sorte de ne pas exporter des pratiques de corruption dans les pays les moins avancés."

Les places financières occidentales appelées à se mobiliser

L'ONG insiste notamment sur le  travail que doivent mener les multinationales du secteur bancaire ainsi que les grandes places financières d'Europe et des États-Unis pour éviter d'aider tacitement certaines élites des pays émergents à blanchir leur argent mal acquis. Robin Hodess, directeur de recherche chez Transparency, cité par l'AFP, souligne:

"Presque tous les scandales bancaires liés au blanchiment ne se produisent plus seulement dans de petites îles qui sont des paradis fiscaux mais concernent également des fonds douteux, corrompus qui atterrissent dans des lieux comme Londres, New York ou Francfort."

L'association prend notamment l'exemple du Danemark, qui a annoncé en novembre 2014 la création d'un registre comportant toutes les informations sur les bénéficiaires effectifs de toutes les entreprises enregistrées dans le pays. "Cette mesure, similaire à celles prévues en Ukraine et au Royaume-Uni, compliquera la tâche des individus corrompus qui souhaitent dissimuler leur identité derrière des sociétés écrans", se réjouit l'ONG, en appelant l'Union européenne, les États-Unis et les pays du G20 à suivre l'exemple.

*Les pays obtenant une note élevée disposent souvent d'une administration transparente permettant aux citoyens de demander des comptes à leurs responsables. À l'inverse, une mauvaise note dénote un recours systématique à des pots-de-vin, l'absence de sanctions en cas de corruption et une inéquation entre les activités de l'administration et les besoins de la population.