C'est un réseau tentaculaire que les autorités anti-corruption chinoises se félicitent d'avoir démantelé ce week-end. 90 milliards de yuans de biens confisqués aux associés et à des membres de la famille de Zhou Yongkang, soit 10,53 milliards d'euros, le montant bat des records. Celui des personnes incarcérées également : trois cents de ses proches ou de ses collaborateurs sont aujourd'hui en détention provisoire.
Une opération de nettoyage des élites
Par cette mise en examen, c'est un rival de poids que vient de neutraliser le président actuel Xi Jinping. Ce dernier a engagé depuis l'an dernier une opération de nettoyage des élites pour asseoir son pouvoir et son autorité. Cette lutte anti-corruption a déjà fait tomber des têtes. Après Bo Xilai, l'ancien chef du parti-communiste de la ville-province de Chongqing, condamné à la prison à vie pour corruption et abus de pouvoir en octobre 2013, celle de Zhou Yongkang semble être la prochaine sur sa liste.
Une source confie au journal Libération que Xi Jinping voulait "se débarrasser" de lui :
"Mais ce n'est pas si simple, car Zhou possède des dossiers sur de nombreuses familles de hauts dirigeants, et leur publication pourrait faire l'effet d'une bombe atomique"
Il n'empêche, le président chinois n'a pas hésité à donner son feu vert aux enquêteurs pour investiguer sur Zhou Yongkang depuis un an.
L'ancien chef de la police politique chinoise, qui se faisait appeler "Big Brother" se trouve aujourd'hui au cœur du plus grand scandale de corruption dans le pays depuis soixante ans, rapporte le South China Morning Post. Le quotidien chinois commente :
"Le montant des sommes impliquées et le nombre de personnes interpellées font de cette affaire l'une des plus importantes de la Chine moderne "
Les procureurs ont gelé les avoirs de plusieurs comptes bancaires d'une somme totale de 37 milliards de yuans (4,3 milliards d'euros) et saisi des obligations d'une valeur combinée de 51 milliards de yuans (6 milliards d'euros) après avoir fait une descente dans des propriétés à Pékin et Shanghai.
Les enquêteurs ont aussi confisqué près de 300 appartements et villas d'un montant de 1,5 milliards de yuans, des tableaux d'art contemporain et antique d'une valeur marchande de 1 milliard de yuan et plus de 60 véhicules.
Trois cents personnes en détention provisoire
Ce vaste coup de filet dans le réseau de Zhou Yongkang a abouti à l'incarcération de trois cents personnes, presque toutes fonctionnaires d'Etat ou de provinces. Une dizaine de ces officiels occupaient un rang très élevé, tel que vice-ministre délégué au sein du parti. Parmi eux, Jiang Jiemin, ex-PDG du géant chinois PetroChina et de China National Petroleum Corporation (CNPC), ainsi que l'ancien vice-ministre de la Sécurité Publique Li Dongsheng.
Plus de dix membres de la famille du septuagénaire ont également été placés en détention. Notamment son épouse Jia Xiaoye, ancienne journaliste de télévision, et son fils aîné Zhou Bin.
La majorité de ces trois cents suspects - dont certains ont mystérieusement "disparus" de la circulation depuis plus d'un an - n'ont pas été inculpés au tribunal, ni même incarcérés légalement. Ce qui fait dire au correspondant de Libération en Chine que ces arrestations se sont déroulées "en dehors du système judiciaire".
Une purge politique
Les motifs juridiques de ces arrestations ne sont pas encore véritablement établis ni justifiés, ce qui amplifie la théorie de la purge politique. Le South China Morning Post évoque un retour de bâton après le soutien affiché de Zhou à l'ancien chef du parti-communiste de la ville-province de Chongqing, Bo Xilai, condamné à la prison à vie pour corruption et abus de pouvoir.
Dès novembre dernier, le président Xi Jinping a cherché à se renseigner sur les accusations qui pesaient sur Zhou Yongkang. Les allégations évoquées aujourd'hui seraient celles de violation de la discipline du parti, le jargon officiel pour parler de corruption.Une source du South China Morning Post indique que l'ancien chef de la police politique s'est refusé à coopérer avec les enquêteurs, se disant victime d'une lutte de pouvoir politique. A 71 ans, Zhou Yongkang devient le politicien chinois le plus âgé à être la cible d'une enquête pour corruption depuis que le Parti Communiste a pris le pouvoir en 1949.