"La BCE mène une politique suicidaire"

latribune.fr - L'envolée de l'euro se poursuit et des voix s'élèvent pour réclamer une action de la Banque centrale européenne. Qu'en pensez-vous?Véronique Riche-Flores - En théorie, la question des taux de change n'est pas de la responsabilité de la Banque centrale européenne, donc elle peut rester stoïque. Mais la réalité est toute autre : le discours comme les décisions de politique monétaire ont évidemment des effets sur les parités. Par ailleurs, l'arrivée de Jean-Claude Trichet, partisan de l'euro fort, à la tête de la BCE, a facilité l'appréciation de la monnaie européenne.De quelle manière?Par ses propos essentiellement car sa communication rend plus aisée la flambée de l'euro. D'une part, il claironne sur des perspectives de croissance optimistes dans la zone euro, donnant l'impression de ne pas se préoccuper du risque que constitue la hausse de la monnaie unique. Ensuite, quand il évoque l'euro fort, c'est clairement pour lui un atout sur le long terme pour l'Europe. Enfin, il n'hésite pas à agiter la menace d'un relèvement des taux d'intérêt, ce qui évidemment nourrit encore la hausse. Tout ce discours conduit à ce qu'il n'y ait aucune incertitude : la BCE ne bougera pas et un boulevard est ouvert à une poursuite de l'appréciation de l'euro. Mais faut-il vraiment que la BCE agisse?Oui, car la politique menée actuellement est suicidaire. A l'exception de la zone euro, toutes les économies dans le monde ont compris que leur intérêt est d'avoir une monnaie faible. Les conditions internationales sont très difficiles, extrêmement compétitives et avec un euro fort, on ajoute un complément de difficulté. C'est très pénalisant pour les entreprises européennes et en dernier ressort pour l'emploi. Certains au sein de la BCE semblent être conscients de ces problèmes et on commence à percevoir des dissensions au sein de l'institution, il faudrait que ces voix discordantes fassent entendre raison à Jean-Claude Trichet.Comment pourrait se matérialiser ce changement d'attitude de la BCE?Je ne suis pas sûre que la BCE puisse mener une politique aussi agressive que la banque du Japon sur le marché des changes. Néanmoins, si cette action pouvait être concertée avec la BOJ, elle pourrait avoir des effets positifs. Mais plus simplement, pour envoyer un message efficace aux marchés, il suffirait de modifier la hiérarchie des propos. La BCE pourrait ainsi agiter la hausse de l'euro comme un risque conjoncturel, elle pourrait aussi évoquer une possible baisse des taux d'intérêt... Ceci pourrait permettre que l'ajustement à la baisse ne se fasse pas principalement aux dépens de la monnaie européenne.Ceci étant, même avec un éventuel changement de ton de la BCE, vous estimez que la baisse du dollar va se prolonger l'an prochain, entraînant mécaniquement une hausse de l'euro...Effectivement, notre scénario pour 2004 est bâti à partir de l'hypothèse selon laquelle les pressions à la baisse sur le billet vert vont s'accentuer et ce vis à vis de toutes les autres monnaies. Nous parions sur un euro à 1,25 dollar en septembre prochain. Mais la hausse pourrait être encore plus forte si l'ajustement ne se fait que contre la monnaie européenne.
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