Soldes d'été dans les introductions

Pour un redémarrage, les spécialistes espéraient certainement mieux. Car force est de constater qu'après deux ans de calme plat, le marché des introductions en Bourse est reparti poussivement sur l'ensemble des places européennes. Le président d'Euronext, Jean-François Théodore, s'est d'ailleurs dit "relativement désappointé" dans un entretien au Monde daté du mercredi 23 juin.Preuve supplémentaire de la frilosité des investisseurs, certains groupes ont tout simplement décidé d'arrêter in extremis leur processus d'introduction en Bourse. Comme l'avaient déjà fait les Allemands X-Fab et Siltronic en mars, la société française de biotechnologies IDM a ainsi annoncé tout récemment qu'elle préférait décaler son entrée sur le marché en évoquant pudiquement "une tendance baissière importante des valeurs de biotechnologie du Nasdaq". Pourtant, la taille de l'opération envisagée était modeste : 92 millions d'euros.Mais ce manque d'appétit du marché n'a pas dissuadé tout le monde. Loin de là. Plusieurs candidats ont souhaité aller jusqu'au bout, au risque de tenter un véritable passage en force. Le fabricant de cartes à puce Axalto (et ancienne filiale de Schlumberger) avait déjà donné le ton en mai. Pour son introduction à Paris, la demande de titres a à peine dépassé l'offre et, malgré un prix fixé en bas de fourchette (14,80 euros), la première cotation a connu des ratés.Reste que Schlumberger peut se targuer d'avoir peu ou prou empoché le montant qu'il souhaitait (environ 510 millions d'euros). Ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Car les introductions récentes et à venir prennent curieusement des airs de soldes d'été. Si le fabricant de distributeurs de billets Wincor Nixdorf s'est contenté de revoir à la baisse le nombre de titres proposés (de 9,55 à 8 millions, soit 328 millions d'euros levés au lieu de 475 millions espérés), d'autres ont été contraints d'accorder des rabais de dernière minute.Des ambitions plus modestesC'est ainsi que Snecma a proposé une fourchette indicative de prix comprise entre 15,45 et 17,20 euros par action, alors que les chiffres qui avaient circulé auparavant faisaient plutôt état d'une fourchette de 15 à 20 euros. Conséquence : avec un prix d'introduction fixé à 15,60 euros, l'Etat a empoché 1,45 milliard d'euros et non de 1,6 à 2 milliards comme il l'espérait initialement.Mêmes mésaventures outre-Rhin. Après avoir résisté à la pression du marché pendant plusieurs semaines, Deutsche Post s'est également résigné à revoir à la baisse ses ambitions pour l'introduction de sa filiale Postbank. Le prix a été diminué de 10% (avec une fourchette de 28 à 32 euros), tandis que le nombre de titres émis a été réduit d'un tiers. Et, avec un prix fixé en bas de fourchette (28,50 euros), ce n'est que grâce à un montage complexe (associant à l'introduction un emprunt convertible en actions Postbank) que Deutsche Post aura pu récupérer un produit de 2,6 milliards d'euros, proche de son objectif premier, qui était d'encaisser 3 milliards d'euros. Au-delà de considérations particulières (un prix jugé élevé pour Axalto ou une conjoncture aéronautique défavorable à Snecma), les investisseurs paraissent donc réticents à revenir vers le marché primaire. Une prudence qui est certainement à rapprocher du parcours chaotique des Bourses depuis le début de l'année et d'un contexte géopolitique tendu et pour le moins imprévisible. Qui plus est, face au pari que représente une introduction en Bourse, les investisseurs semblent exiger des rabais plus importants que par le passé. Bref, "l'argent est là, mais les investisseurs font attention. Ils l'ont prouvé avec Axalto. Ils ne sont pas prêts à mettre n'importe quel prix sur une société", expliquait récemment à latribune.fr François-Xavier Gilliot, responsable de la syndication actions chez CDC-Ixis Capital Markets.Des motivations variéesCertains paraissent en tout cas avoir compris le message. BioMérieux, qui va faire son entrée en Bourse le 7 juillet prochain à la faveur du désengagement de Wendel Investissement, a fait part d'une fourchette de prix le valorisant de 1,04 à 1,21 milliard d'euros, alors que les estimations des banques parlaient de valeur intrinsèque comprise entre 1,3 et 1,5 milliard. Même chose pour les Pages Jaunes. La fourchette fournie pour l'introduction prévue le 8 juillet valorise le groupe de 3,62 à 4,17 milliards d'euros, alors que les estimations préalables de certains analystes montaient à 5 milliards. Toutefois, offrir une prime, même importante, ne garantit en rien un succès futur. Pour preuve : l'action Snecma a terminé inchangée sa première séance de cotation et gagnait moins de 1% sur la séance suivante.Dans ces conditions, même si certains comme Iliad ou Telecinco ont réussi leur pari, on peut légitimement se demander quelles sont les motivations des prétendants à la Bourse. Car malgré les déboires de leurs prédécesseurs, les candidats restent nombreux. On attend la présentation du projet d'ECA, groupe de robotique de déminage sous-marin. Et en marge des Pages Jaunes, et de nouvelles opérations attendues en fin d'année avec Neuf Telecom et Picard Surgelés, le spécialiste des sports de glisse Oxbow a annoncé son arrivée sur le marché parisien pour le 7 juillet.Ce dernier évoque principalement des besoins de financement rapides. Il explique qu'il veut développer son réseau et que la Bourse va accroître son image face à une concurrence déjà cotée. Pour d'autres, comme bioMérieux et les Pages Jaunes, le but est de permettre à l'actionnaire de référence de monnayer tout ou partie de son investissement. France Télécom cède ainsi une part des Pages Jaunes pour couvrir son rachat de Wanadoo. Autre motivation possible : comme le rappelle, Eric Galiègue, stratégiste chez Valquant cité par l'AFP, "certains dossiers traînaient depuis longtemps". On se souvient en effet que l'introduction de Snecma, prévue en 2001, avait dû être reportée à cause des attentats du 11 septembre. Enfin, le deuxième trimestre est indéniablement favorable aux introductions, les gérants disposant de liquidités après le paiement des dividendes.Mais la véritable raison de cet empressement à venir en Bourse pourrait bien être plus inquiétante. Selon différents intervenants, les entreprises, sous la pression des banques, se hâteraient d'entrer sur le marché par crainte d'une nouvelle dégradation du climat. "Qui sait dans quel état sera le marché à la rentrée ? Entre les incertitudes liées au terrorisme et les cours du pétrole, les sociétés ont l'impression d'avoir une petite fenêtre de tir, pas excellente, mais correcte. Car si elles repoussent leur introduction, allez savoir quand elles pourront revenir", a expliqué à l'AFP un directeur de recherche. Si le marché des introductions frémit, la confiance est en tout cas loin d'être de retour.
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