Potion magique... ou amère ?

La première capitalisation boursière de la zone euro, le numéro deux mondial de la pharmacie, la quatrième force commerciale aux Etats-Unis, etc...: les raisons de s'enthousiasmer pour la combinaison de Sanofi-Synthélabo et d'Aventis ne manquent pas. D'où, malgré les démentis de la semaine dernière, la conviction sur les marchés que l'opération allait bien se faire, comme cela se confirme ce matin. En une semaine Aventis a gagné plus de 7%, tandis que Sanofi pâtissait de son statut de prédateur et perdait près de 7% au cours de la seule séance de vendredi. Le petit assiégeant le plus gros, cela s'est déjà vu. Mais pourquoi ce sentiment d'urgence et l'absence de vraies négociations entre les deux acteurs, se sont demandés de nombreux observateurs? Plusieurs analystes s'interrogent sur les risques encourus par le brevet du Plavix, l'antithrombotique de Sanofi, qui pourrait tomber dans le domaine public cet automne : et si l'heure était beaucoup plus grave que le marché ne l'anticipe? Et si Sanofi percevait une menace bien plus lourde que son cours ne l'intègre? En cas de perte du brevet du Plavix et en l'absence de nouveau médicament star dans l'immédiat, cela pourrait signifier trois années consécutives sans croissance : inacceptable pour L'Oréal, dont la participation de 19,5% dans Sanofi représente un quart de son bénéfice et a toujours présenté une croissance plus forte que les profits du coeur de métier du groupe de cosmétique. Ce rachat serait donc une opportunité unique : parce que le marché ne mesure pas l'intégralité du risque Plavix et que la valorisation de Sanofi - sa capitalisation étant quasi équivalente à celle d'Aventis pour un chiffre d'affaires deux fois moins important - serait artificiellement élevée? A moins que, autre thèse qui circule sur le marché, Sanofi ne craigne de se faire avaler tout cru par un gros prédateur du secteur, Novartis, GlaxoSmithKline ou AstraZeneca, dès que la sortie de Total de son capital le laissera à la merci d'une OPA... Ou qu'il ne cherche à freiner une OPA des mêmes prédateurs sur Aventis, qui le laisserait définitivement seul sur le carreau. Misère, les deux beaux labos français (même si Aventis se revendique franco-allemand) risqueraient donc de passer sous pavillon étranger! Subir un nouvel épisode aussi douloureux pour l'ego du capitalisme national que l'absorption de Pechiney par le canadien Alcan, qui s'apprête à retirer le groupe français de la cote? Ah non! L'hôte de Bercy, Francis Mer, n'a d'ailleurs pas caché son approbation à l'égard d'un éventuel rapprochement entre les deux groupes pharmaceutiques. Créer un grand champion français, fort bien, mais pour quel bénéfice si la casse sociale est plus douloureuse dès lors que la chasse aux doublons s'opère sur le même territoire? Un coût social qu'il faudra déduire du montant des synergies évoquées...
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