Matisse - Rouault, l'art en amitié

Le Musée d'art moderne de la ville de Paris confronte les oeuvres d'Henri Matisse à celles de Georges Rouault. Un face à face inédit qui révèle les similitudes et les différences entre l'oeuvre de chacun.

Henri Matisse (1869-1954) et Georges Rouault (1871-1958) n'ont jamais été les meilleurs amis du monde. Cela ne les a pas empêchés d'éprouver l'un pour l'autre "une vive sympathie d'art", notamment partagée à travers une correspondance échangée tout au long de leur vie.

Redécouverte récemment, ces lettres ont inspiré à Jacqueline Munck une belle exposition au Musée d'art moderne de la ville de Paris. L'occasion d'un face à face inédit entre une cinquantaine d'oeuvres de Matisse provenant de collections publiques, et de 150 tableaux, gouaches, gravures, céramiques et livres signés Rouault. Issus des réserves du musée, la plupart n'ont encore jamais été montrés, révélant ainsi un Rouault peu connu, beaucoup moins religieux, sombre et triste qu'à l'accoutumée, parfois même proche de Matisse comme le montre cette élégante exposition.

Car non contente d'éclairer l'oeuvre de chacun, cette confrontation souligne les points communs entre les deux artistes, met en exergue leurs différences et révèle l'influence de Gustave Moreau sur leur art.

C'est dans la classe de ce dernier, aux Beaux-arts à Paris, que Rouault et Matisse se sont rencontrés. Nous sommes au milieu des années 1890. Poussé par l'enseignement libéral de Moreau, les deux apprentis vont au Louvre, sortent dans la rue, empruntent au "Patron", comme ils l'appellent, ses couleurs sombres mais néanmoins vibrantes. A l'instar de celles utilisées par Matisse pour cet autoportrait de jeunesse.

Très vite, les deux amis s'approprient le thème -très académique- du modèle dans l'atelier. Pour mieux lui tordre le cou. "Influencé par Gustave Moreau qui les pousse à désobéir, les deux peintres se fichent de la réalité du modèle. Au point de disloquer le corps de ce dernier dans leurs gouaches ou dans leurs dessins", confie Jacqueline Munck. "On retrouve chez l'un comme chez l'autre la même difformité, le même chromatisme". En témoignent ce "Nu dans l'atelier" (1899) de Matisse, et ce "Nu de dos" (1906) de Rouault, si semblables qu'il est difficile d'en distinguer l'auteur.

Il faut attendre quelques années de plus pour que chacun trouve sa "personnalité plastique". Rouault, expressionniste avant l'heure, privilégie les couleurs sombres, accentue la violence du trait, porté par un sens aigu de la caricature, étranger à Matisse.

Tout au long de leur carrière, les deux hommes vont néanmoins régulièrement traiter les mêmes sujets. Celui des saltimbanques inspire à Matisse "Jazz", cette série de papiers découpés éclatants de couleurs. Rouault, lui, préfère s'engouffrer dans les coulisses du cirque. Chacun s'empare ensuite des poèmes de Baudelaire, "Les fleurs du mal". Matisse en tire des dessins aériens, tandis que Rouault flirte avec Goya pour illustrer ces vers. Deux approches aussi différentes que singulières.


"Rouault-Matisse, correspondances". Jusqu'au 11 février. Tél: 01 53 67 40 00.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.