Ouverture du débat parlementaire sur la télévision du futur

Le Sénat ouvre ce lundi le feu de l'examen du projet de loi sur la modernisation de la diffusion audiovisuelle en France. La Chambre des députés suivra en janvier. Télé haute définition, télévision sur mobile, basculement de l'analogique au numérique : autant de sujets cruciaux qui cachent d'importants enjeux commerciaux.

Le Sénat examine à partir de ce lundi et jusqu'au 22 novembre, l'examen du projet de loi relatif "à la modernisation de la diffusion audiovisuelle" et à la télévision du futur. L'urgence étant déclarée, l'Assemblée l'examinera en janvier. S'il est adopté, la France sera dotée début 2007 d'un cadre juridique qui organisera le passage à la diffusion 100 % numérique de la télévision fin 2011, et permettra le lancement de la télévision en haute définition et de la télévision mobile personnelle. A priori consensuel, le projet comporte certaines dispositions qui font déjà l'objet de polémiques.

L'extinction de l'analogique :

Dans toute l'Europe, la diffusion hertzienne de la télévision analogique doit s'éteindre en 2015 et chaque pays doit organiser ce basculement. En France, le projet de loi s'inscrit dans la continuité du lancement de la télévision numérique terrestre, intervenu en mars 2005. Il organise l'arrêt de l'analogique à compter du 31 mars 2008. Cette extinction doit intervenir zone par zone, selon un schéma national établi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) au plus tard en juillet 2007. Le basculement devra s'achever en métropole le 30 novembre 2011.

L'objectif est qu'à cette date l'ensemble de la population puisse avoir accès à la télévision numérique. L'obligation d'une grande campagne d'information sur la fin de l'analogique a été introduite dans le projet par un amendement déposé au Sénat. Un mécanisme de soutien financier aux personnes "les plus démunies" à travers un fonds d'aide, devra leur permettre de s'équiper d'un adaptateur numérique ou d'un nouveau téléviseur.

Le projet vise aussi à assurer l'extension de la couverture des chaînes de la TNT. Il donne donc pouvoir au CSA, dans les zones où les fréquences hertziennes sont rares, aux frontières notamment, de basculer de façon anticipée au numérique certains émetteurs.

Sur le reste du territoire, il prévoit des mécanismes pour inciter les chaînes de la TNT à étendre leur couverture. Celles-ci se sont engagées à couvrir 85 % de la population, à partir de 115 sites d'émission. Les chaînes créées en 2005 pour la TNT pourront voir leur autorisation d'émettre prolonger jusqu'en 2025, au lieu de 2015, si elles prennent des engagements supplémentaires.

Les chaînes analogiques, TF1, M6 et Canal Plus, verront leurs autorisation prolonger jusqu'en 2022, à condition qu'elles acceptent de s'associer à un Groupement d'intérêt public sur le projet de basculement, et qu'elles se rendent disponibles sur un satellite, accessible sans abonnement, qui permettra de couvrir 100 % du territoire. En échange d'un arrêt anticipé de leur signal analogique, elles auront droit à une chaîne numérique supplémentaire.

La Commission des Affaires économiques du Sénat, saisie pour avis, propose d'imposer par la loi un taux de couverture plus élevé (95 %) de la population, aux chaînes de la TNT et de compléter cette couverture par la garantie d'un accès à l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT sur un seul satellite pour éviter aux foyers non couverts par l'hertzien de terre de devoir s'équiper de deux paraboles.

L'octroi du canal supplémentaire à TF1, M6 et Canal Plus, à partir de décembre 2011, est justifié par le gouvernement comme une contrepartie à l'arrêt anticipé de l'autorisation analogique qui leur avait été accordée et par l'importance de leur contribution à la production audiovisuelle, supérieure à celles des nouvelles chaînes de la TNT. C'est la disposition la plus contestée du projet par la gauche et les groupes ayant fait leur entrée dans le paysage audiovisuel hertzien avec la TNT (AB, Bolloré, BFM,...). Ils estiment qu'elle renforcera le poids de TF1 et M6 sur le marché publicitaire, les privant du même coup des ressources nécessaires à leur développement.

Un autre débat à venir portera sur la répartition du "dividende numérique", c'est-à-dire les capacités en fréquences dégagées par l'arrêt des chaînes analogiques. Le projet prévoit que toute fréquence libérée sera réaffectée par le Premier ministre. Le secteur audiovisuel voudrait se voir attribuer la plus large part de ce dividende, ce que lui contestent les acteurs des télécommunications. La Commission des affaires économiques du Sénat propose de fixer par la loi les grands objectifs que devra remplir la réaffectation du dividende numérique: améliorer la couverture du territoire, favoriser la diversification des offres de services et optimiser la gestion, par l'Etat, du domaine public hertzien. Elle demande également de donner voix au Parlement sur le processus de réaffectation du dividende via une commission essentiellement composée de parlementaires.

La télévision haute définition et la télévision mobile personnelle :

Le projet de loi donne au CSA, dès son adoption en 2007, le pouvoir d'attribuer, chaîne par chaîne, et sur appel d'offres, les canaux réservés à la télévision haute définition et à la télévision mobile personnelle (TMP). Dans un premier temps, compte tenu des disponibilités de fréquences, il devrait s'agir de 3 chaînes haute définition, puis de 5, et de 15 à 20 chaînes mobiles. Le projet de loi gouvernemental demande au CSA de donner une priorité aux chaînes gratuites de la TNT et de se fonder sur des critères d'engagement de couverture pour l'attribution de ces canaux. Il prévoit une majoration de la taxe de 5,5 % sur leurs recettes acquittée en soutien à la production audiovisuelle : + 0,2 % pour l''attribution d'un canal HD et + 0,1 % d'un canal mobile, afin que ces développements profitent à la création.

Les rapporteurs du projet au Sénat ont proposé de supprimer cette priorité aux chaînes gratuites de la TNT pour la télévision mobile. Les chaînes indépendantes, non reprises sur la TN, contestent aussi cette priorité et réclament une égalité de traitement dans l'accès à la HD ou la TMP.

La Commission des affaires économiques propose également de renforcer le rôle des opérateurs de téléphonie mobile dans le choix des opérateurs diffusant les services de télévision mobile personnelle. Sonargument est double : les opérateurs mobiles, qui subventionnent les téléphones mobiles, seront des acteurs clés de la réussite de la TMP ; et ils contribueront au financement du réseau hertzien de diffusion de la TMP.

Ce point devrait également être l'objet de débats. Les chaînes gratuites de la TNT estiment que la TMP ne sera pas nécessairement reçue sur un téléphone mobile, mais sur toute une gamme de petites récepteurs nomades, qui seront à la télévision ce que le transistor a été à la radio. Dès lors, le téléspectateur devra pouvoir retrouver, en situation de mobilité, les mêmes chaînes que sur son téléviseur de salon.

Les chaînes gratuites de la TNT, au nombre de 18 aujourd'hui, constitueraient ainsi une sorte de "service universel de la télévision". Dans le même ordre d'idée, la plupart d'entre elles voudraient également être distribuées sur tous les réseaux -câble, satellite - dans un seul bloc, numéroté selon la même suite que sur le réseau hertzien.

Aujourd'hui, NRJ 12 par exemple est classée sur le satellite au numéro 112, parmi les dernières des chaînes musicales, alors qu'elle se revendique comme une chaîne semi-généraliste. Le gouvernement avait promis de faire droit à cette demande par amendement. Une façon aussi de compenser le canal "bonus" promis à TF1, M6 et Canal Plus, que les nouveaux entrants ne veulent pas accepter. Aucun amendement dans ce sens n'a encore été déposé.
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