Discrimination à l'embauche : les quinquas et les beurs premiers touchés

Une enquête effectuée via l'envoir de CV fictifs en réponse à des offres d'emplois réels démontrent l'ampleur de la discrimination lors des recrutements. L'âge des candidats se révèle le premier facteur de non embauche. Surtout chez les cadres.

Une aiguille qui plonge dans le rouge pour les plus 48 ans et les personnes d'origine maghrébine : c'est ce qui ressort du premier baromètre sur les discriminations à l'embauche, dont les résultats ont été publié mardi. L'enquête a été conduite par le sociologue Jean-François Amadieu, président de l'observatoire des discriminations, en partenariat avec la société de travail temporaire ADIA.

Depuis l'automne 2005, 6461 CV fictifs ont été envoyés en réponse à 1340 offres localisées sur tout le territoire. Celles-ci correspondaient à des centaines de professions, de tous secteurs- à l'exception de la fonction publique et des emplois agricoles. Pour chaque type de poste, les curriculums étaient équivalents, à l'exception d'une variable : l'origine, l'âge, le sexe, la présence d'un handicap, l'apparence disgracieuse. Le nombre de demande d'entretien a ensuite été comparé.

Premier pénalisé : le candidat âgé. A compétences égales, une personne de 48 ou 50 ans reçoit 3 fois moins de convocations qu'un homme de 33 ans. Une discrimination d'autant plus marquée chez les cadres, avec 7 fois moins de réponses positives. Dans le secteur tertiaire, ces difficultés sont encore plus aggravées. Autre enseignement : les sociétés de plus de 200 salariés éliminent plus facilement les CV des seniors. "Les entreprises du CAC 40 ne sont pas intéressés par les plus de 45 ans", remarque Jean-François Amadieu.

L'autre victime collatérale de cette enquête porte un nom maghrébin. Si le candidat de référence obtient 20 convocations à la suite de ses candidatures, le même CV au patronyme nord-africain en reçoit 7,2. Le tertiaire applique le tri le plus drastique (6,2 réponses), la construction semble un peu moins regardante (9,8 réponses). Là encore, la ségrégation la plus forte concerne les cadres : "Etre très diplômé n'est pas une protection" constate Jean-François Amadieu. En revanche, les entreprises de plus de 200 salariés écartent moins ces candidats que les petites sociétés. "Elles craignent une sanction de la Halde (1), et disposent des procédures plus automatisées pour trier les CV".

Le baromètre teste également les profils d'une femme de 32 ans avec 3 enfants, et d'une personne au visage disgracieux. Moins pénalisés que les catégories précédentes, ces CV reçoivent tout de même 1,5 fois moins de réponses positives que le candidat standard. Dans ces cas, les grosses structures se montrent plus égalitaires.

"Les petites entreprises craignent de ne pas pouvoir gérer les indisponibilités des femmes", estime Jean-François Amadieu. Quant aux personnes physiquement désavantagées, "elles bénéficient dans les grandes sociétés de modes de recrutement informatisés plus systématiques". Enfin, les handicapés sont particulièrement pénalisés lorsqu'ils postulent à des professions intermédiaires (5 fois moins de réponses). Mais ne subissent presque pas de ségrégation pour un emploi de cadre.

Cette enquête devrait être renouvelée tous les deux ans, et pourrait prendre en compte les parcours professionnels. Surtout, elle permettra de mesurer le chemin parcouru. Une première comparaison a ainsi pu être dressée avec un testing mené par la même équipe en 2004 sur des postes de commerciaux en Ile de France. Résultat : en deux ans, la discrimination à l'embauche pour ces mêmes fonctions a empiré.

Une exception : les handicapés, "notamment grâce à la loi du 11 février 2005 qui incite les entreprises à recourir à ce type de profils", explique Jean-François Amadieu. Pour le même nombre de candidatures, si la personne aux origines maghrébines avait décroché 19 convocations en 2004, elle en compte seulement 4 en 2006- soit 25 fois moins que le CV standard. Quant au candidat âgé, il pâtit également de cette détérioration. Il décroche deux fois moins d'entretiens de recrutement qu'il y a deux ans.

(1) La Haute Autorité de Lutte Contre les Discriminations sanctionne les entreprises qui appliquent des discriminations à l'embauche.

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