Bruxelles veut plafonner les émissions de carbone dans l'aviation

Si elles sont favorables au principe de participer à un échange de quotas d'émissions de carbone, les compagnies aériennes ne sont pas convaincues par le pré-projet européen. L'impact de ce dernier serait de 2,9 milliards d'euros en 2011 (selon l'Iata, l'association internationale du transport aérien).

Les compagnies aériennes sont inquiètes. La Commission européenne doit en effet proposer mercredi d'étendre à l'aviation du système d'échanges de quotas d'émissions de carbone. Très débattu au sein même de la Commission, qui a repoussé sa proposition à plusieurs reprises, ce mécanisme suscite des remous au sein des compagnies aériennes. Alors que les transporteurs sont d'accord sur le principe d'un un tel système, le texte est jugé plus contraignant que pour les autres secteurs.

Le principe est simple : les compagnies aériennes - qui n'ont pas d'énergie de substitution - pourront acheter des "droits à polluer", essentiellement aux autres industries qui auront réduit leurs émissions de gaz à effet de serre.
"Nous sommes pour un système d'échange de permis d'émission mais la Commission ne va pas dans la bonne direction", explique Brian Pearce, chef économiste de l'IATA, (association internationale du transport aérien), qui a eu connaissance du pré-projet. Sur la base d'un prix de 30 euros la tonne de carbone, l'Iata évalue à 2,9 milliards d'euros le coût supplémentaire pour les compagnies en 2011 et "bien plus dans les années après".

Dans l'une des dernières versions de sa proposition, dont La Tribune a eu connaissance, Bruxelles reconnaît que "les compagnies devraient répercuter, dans une large mesure ou même intégralement, les coûts de mise en oeuvre sur leurs clients". Résultat : le prix d'un billet aller-retour pourrait augmenter de 4,6 euros à 39,6 euros, selon la distance parcourue. Pourtant, la Commission assure que la mesure "n'aura qu'un effet limité sur la demande" Au lieu d'une croissance de 142% entre 2005 et 2020, le secteur devrait se "contenter" d'une hausse de 135%. La somme en jeu pour le secteur serait de toute façon sans commune mesure avec les 14 milliards d'euros que devraient absorber les compagnies européennes en cas d'application d'une taxe uniforme sur les émissions de CO2 (un chiffre révélé en mars 2005 lors d'un colloque sur l'environnement organisé par Iata). Car une taxe serait appliquée sur la totalité de la consommation de carburant alors que les achats de permis d'émission ne concernent que les dépassements de quotas.

Le système prévu par la Commission s'appliquerait aux compagnies en 2011 et 2012 par rapport aux émissions de CO2 produites en 2005. Résultat, le CO2 lié à la croissance du trafic entre 2005 et 2011 devra être acheté. Plus précisément, il s'agira d'un système à trois niveaux. Premier niveau : les compagnies se verront attribuer gratuitement en 2011 la quasi totalité (90%) des émissions enregistrées en 2005. Une portion (les 10% restant par exemple) seront à acheter aux enchères. Cette part mise aux enchères doit augmenter dans le temps - 20%, 30%, etc. Les chiffres précis étaient encore en discussion vendredi soir. Enfin, troisième niveau, le volume de carbone dépassant ces quotas arrêtés sur la valeur de 2005, devra être acheté dans le cadre du système d'échanges de quotas d'émissions. Les compagnies, notamment Air France veulent que la base de référence soit 2010. Mais Bruxelles espère que ce système incitera les compagnies à investir dans des technologies plus économes en kérosène et moins polluantes.

La proposition de directive devra encore être soumise aux Etats membres et au Parlement européen. Elle ne sera sans doute pas adoptée avant un an et demi ou deux ans. Le texte risque d'être confronté à un problème sérieux si son impact sur les pays tiers n'est pas réglé d'ici là. En effet, la Commission entend inclure tous les vols au départ et à l'arrivée d'un aéroport européen, quelque soit la nationalité de la compagnie aérienne. Un point qui risquerait de soulever des contentieux, notamment des Etats-Unis. La France espère notamment qu'une voie médiane soit proposée lors de la prochaine assemblée de l'OACI (organisation internationale de l'aviation civile) en septembre 2007 afin d'éviter un conflit avec les pays tiers de cette organisation. Saisis de ce problème, les services juridiques de la Commission européenne restent relativement prudents. Ils expliquent que rien dans les conventions internationales ou bilatérales "n'interdit expressément le concept d'échange d'émission pour l'aviation internationale".

Le secteur de l'aviation aime souligner qu'il ne pèse que 2,5% des émissions de CO2 générées par les activités humaines. Mais la Commission souligne que l'accroissement du trafic aérien a conduit, dans l'absolu, à un quasi doublement de ces pollutions entre 1990 et 2004. Bruxelles estime que si les émissions de l'aviation ne sont pas encadrées, un quart de l'effort fourni par l'Union européenne dans le cadre du protocole de Kyoto sera réduit à néant.

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