La responsabilité d'E.ON dans la balance

Des entreprises s'interrogent sur la possibilité d'obtenir réparation du numéro un allemand de l'électricité après la panne géante qui a touché l'Europe, le 4 novembre. La voie paraît étroite sur le plan juridique.

Alors que l'Union pour la coordination de transport de l'électricité vient de rendre un rapport sur les causes de la panne géante d'électricité du 4 novembre en Europe, le numéro un allemand de l'électricité, E.ON, fait de plus en plus figure de responsable. Les gestionnaires de réseaux européens et les industriels électro-intensifs s'apprêteraient à lui réclamer des indemnités.

En Allemagne, BASF, qui a dû brûler à perte de grandes quantités de matières premières sur un de ses sites pour faire face à l'incident, a par ailleurs annoncé qu'il étudiait la possibilité d'attaquer en justice le gestionnaire de réseau allemand. En France, certains opérateurs économiques et des collectivités locales s'interrogent sur l'intérêt de suivre cette voie, mais le contexte juridique semble plus qu'incertain.

Attaquer EDF, qui est le fournisseur d'électricité des entreprises françaises et leur est donc liée contractuellement, constituerait a priori une cible plus facile. Mais cette voie semble exclue. Pour Michel Guénaire, avocat associé chez Gide, pas de doute : "la responsabilité d'un black out est le fait du gestionnaire de réseau qui a la charge de pondérer l'offre et la demande d'électricité, sous réserve de dispositions particulières entre le fournisseur et son client et du contrat d'accès au réseau". EDF semble d'autant plus à l'abri que de toute façon, "les contrats de fourniture d'électricité contiennent le plus souvent des clauses limitatives de responsabilité, légales dès lors que le client est un professionnel", précise Pierre-Alain Jeanneney, avocat associé au cabinet Veil Jourde.

Reste donc E.ON. Première difficulté: faut-il saisir les tribunaux allemands ou français? "Attaquer E.ON devant les tribunaux français semble possible en vertu du règlement communautaire du 22 décembre 2000, selon lequel en matière délictuelle, une personne basée dans un état membre peut être attaquée devant les tribunaux d'un autre état membre où le fait dommageable s'est produit", précise Laurent Ayache, avocat chez Veil Jourde.

Deuxième problème: une faute, un préjudice et un lien de causalité direct doivent être prouvés à l'encontre du groupe allemand pour engager sa responsabilité. Or l'existence d'un lien de causalité direct est sujette à caution: "les préjudices éventuellement subis en France ne semblent pas directement liés à ce qui s'est passé en Allemagne mais à la décision prise après par le gestionnaire de réseau français (RTE) d'interrompre la fourniture d'électricité de certains consommateurs sur une base égalitaire, pour éviter un effondrement total du système", juge Arnaud Cabanes, avocat associé chez Baker & MacKenzie. Il faudrait donc prouver que c'est la décision de RTE qui n'était pas la bonne, ce qui semble improbable. Ou que RTE n'a pas choisi les consommateurs auxquels il a du couper le courant sur une base égalitaire...

La voie semble donc plus qu'étroite. Mais ce type d'incident aura au moins un avantage, note Arnaud Cabanes: "relancer la nécessaire réflexion sur la nécessité de remplacer à terme les régulateurs nationaux par un régulateur européen". Une solution que l'Allemagne notamment rejette toujours avec force.

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