L'immobilier espagnol ne connaît pas de bulle

Contrairement aux inquiétantes évolutions des marchés britannique, français et américain, la flambée des prix de l'immobilier espagnol ne présente aucune caractéristique de bulle. Comme le démontre Luca Silipo, économiste chez Ixis, les facteurs démographiques, sociologiques et économiques soutiennent durablement la demande.

Au contraire de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, les inquiétudes au sujet d'une éventuelle bulle immobilière en Espagne semblent bien peu fondées. Tout porte à croire en effet que l'extraordinaire ascension des prix de l'immobilier espagnol depuis cinq ans, bien plus marquée encore qu'en Grande-Bretagne, en France et aux Etats-Unis, repose sur des bases solides et pérennes.

Certes, cette engouement pour l'immobilier est aussi le fait de facteurs conjoncturels, comme les taux d'intérêt historiquement bas et la concurrence dans le secteur bancaire, qui ont beaucoup favorisé l'accessibilité aux prêts ces dernières années. "Les crédits hypothécaires étant principalement à taux variables et basés sur des références de marché monétaire, l'assouplissement très rapide des conditions monétaires dans l'Union européenne s'est fait sentir plus rapidement qu'ailleurs", souligne Luca Silipo, économiste chez Ixis. Mais la remontée progressive des taux d'intérêt de la BCE n'aurait pas beaucoup d'impact sur les emprunts hypothécaires. "Une remontée des taux de la BCE de 50 points de base, qui reste notre scénario central pour 2006, aurait une contribution négative sur la croissance du PIB nominal de seulement 0,9%, par le biais de la consommation et de la construction", estime l'économiste. Sans compter que les taux d'intérêt réels resteront plus bas que dans le reste de la zone euro, en raison d'un taux d'inflation plus élevé.

Surtout, beaucoup de facteurs structurels solides soutiennent la demande. A commencer par le taux de croissance annuel du produit intérieur brut (PIB), un marché du travail très dynamique et la hausse des revenus qui ont largement tiré la demande de logements. A cette dynamique s'ajoutent des facteurs démographiques non négligeables. Depuis cinq ans, l'immigration massive en provenance d'Amérique Latine, et plus récemment des pays de l'Est, a joué un rôle majeur. De fait, si la législation espagnole sur l'immigration s'est durcie ces dix dernières années, les politiques d'immigration dans les autres pays, dans l'Union européenne, comme aux Etats-Unis, sont perçues comme plus restrictives encore. Ayant facilement obtenu un emploi, toute une première génération d'immigrés crée une demande de logement sans précédent.

Autre changement sociologique, les jeunes s'émancipent plus tôt qu'autrefois. L'Espagne faisait traditionnellement partie des pays où les enfants quittaient tardivement le foyer parental. Et l'émancipation des jeunes adultes, loin d'être découragée par la flambée des prix, alimente directement la demande d'achat de logement, au lieu de soutenir le marché locatif. Enfin, le taux de propriété reste le plus élevé d'Europe, à 82%, contre par exemple seulement 50% en Allemagne. Et malgré cet engouement, l'endettement des ménages n'a rien de préoccupant, puisque 80% d'entre eux ont aujourd'hui fini de payer leur prêt immobilier. "Un indicateur éloquent, l'indice d'accessibilité à la propriété, montre qu'un ménage moyen peut se permettre d'acheter une habitation d'environ 110m2 (avec des mensualités correspondant à 30% de son revenu pendant 20 à 25 ans)", note Luca Silipo.

Du côté des facteurs exogènes, le soleil de la péninsule ibérique attire de plus en plus les touristes européens désireux de s'offrir une résidence secondaire. "Plus généralement, la proportion de touristes séjournant en Espagne est passée de 15,5% en 2000 à 22,2% en 2004", relève l'économiste. D'après les chiffres publiés cette semaine par le gouvernement espagnol, de janvier à novembre les visites de touristes étrangers ont augmenté de 6,2% par rapport à l'an dernier. Il s'agit de "la plus forte hausse annuelle depuis 1999" en Espagne, deuxième destination touristique mondiale après la France. Et malgré cette demande croissante, les prix restent bien plus bas qu'en France ou en Italie en raison d'un effet de base défiant toute concurrence. Seule faiblesse sans doute, les taux d'inflation plus élevés en Espagne risquent de peser un peu sur cette compétitivité... Un détail dans cet environnement éminemment favorable.

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