EADS, une création très politique

La création en l'an 2000 du groupe EADS a résulté d'un accord entre gouvernements français et allemand. Même si Lagardère a bien su tirer son épingle du jeu.

Une partie des problèmes actuels que connaissent EADS et sa filiale Airbus vient de la genèse même de la naissance du groupe européen d'aéronautique et d'armement, grand rival de Boeing. En l'an 2000, si EADS est porté sur les fonds baptismaux, c'est d'abord par décision politique. Le Premier ministre d'alors, Lionel Jospin, et son ministre de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, poussent le dossier avec le chancelier allemand de l'époque, le social-démocrate (SPD) Gerhard Schröder. Ils estiment que c'est une bonne solution pour sortir de la crise dans laquelle les partenaires d'Airbus se trouvent.

En effet, Aerospatiale-Matra (branche aéronautique et défense du groupe Lagardère), Dasa (Daimler Aerospace), British Aerospace et l'espagnol Casa sont à couteaux tirés. Au coeur de leurs dissensions: leurs projets de construire un très gros avion civil. Chacun a son idée. Beaucoup ont pris langue avec d'éventuels partenaires américains, à commencer par Boeing. Et certains parlent de lancer leur propre projet en dehors d'Airbus. Alors que le consortium aéronautique européen a besoin d'un modèle plus grand que ses nouveaux bi et quadriréacteurs A330 et A340 pour contrer le lucratif monopole du gros Boeing 747 jumbo-jet.

La tension est telle entre les quatre partenaires industriels européens qu'ils ne veulent plus se montrer leurs projets et leurs dessins respectifs de ce futur grand avion. C'en est trop pour les pouvoirs publics qui tapent du poing sur la table et obligent Français et Allemands à se rabibocher. Aiguillonnés, Aerospatiale-Matra et Dasa travaillent à une meilleure coopération. Rapidement, ils se demandent si ce n'est pas l'occasion de réactiver un vieux projet en lui donnant de l'ampleur: un mariage, ni plus ni moins.

Dès lors, les choses vont aller très vite - avec très peu de monde dans la confidence, notamment pas le chef de l'Etat français Jacques Chirac, ni le PDG d'Aerospatiale-Matra, Yves Michot - et déboucher sur un projet d'union auquel on adjoint les Espagnols. Dans cette affaire, un homme (et ses très proches lieutenants) a compris l'intérêt pour son groupe d'une telle opération: c'est Jean-Luc Lagardère qui va se trouver du coup co-actionnaire de la maison-mère d'Airbus. Et dans la foulée accepter le lancement du projet de très gros avion, au nom de code A3XX et qui deviendra l'A380.

Avec une telle genèse, la vie d'EADS (et d'Airbus) ne peut qu'être marquée par les intérêts et pressions politiques, en particulier français et allemands. Vouloir gérer le dossier sans en tenir compte comme vient de le faire Christian Streiff, le patron d'Airbus qui semble sur le départ, relève du passage en force ou de la maladresse.

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