Firefox 2.0 contre IE 7.0! Les traqueurs de bugs (ou bogues) sont passés à l'action pour déceler les failles d'un navigateur ou de l'autre, les bloggeurs se déchaînent, le site 01.Net organise jusqu'au 3 novembre un véritable combat, en huit rounds, pour tester les qualités de l'un et de l'autre en termes de vitesse, d'ergonomie, de sécurité... On se passionne pour l'issue d'une bataille, qui dès qu'elle met en scène le numéro un mondial du logiciel, Microsoft, prend immédiatement pour la communauté des internautes et technophiles l'allure d'un combat entre le Bien et le Mal.

L'histoire réunit tous les ingrédients d'une dramaturgie réussie. Après avoir tué le précurseur Netscape à la fin des années 90, Microsoft croyait avoir définitivement installé son hégémonie sur la navigation Internet. C'était compter sans la combativité et la générosité des anciens de Netscape, qui au travers d'une fondation à but non-lucratif, Mozilla, ont su faire émerger le navigateur Firefox et réussi en deux ans, à ravir 11,5% d'un marché dont Explorer contrôlait près de 97%.

Firefox a séduit plus de 70 millions d'utilisateurs dans le monde. Une ruche de développeurs bénévoles contre les bataillons du campus de Redmond...

Après cinq ans d'immobilisme, depuis la sortie de la version 6 d'Explorer, les bataillons se sont remis en marche. IE 7.0 a repris à son compte, voire amélioré, les principales avancées de Firefox en matière de navigation par onglets, sécurité...

De quoi rendre l'issue du match plus incertaine: Microsoft n'a-t-il pas gagné d'autres guerres - celle contre l'interface du système d'exploitation d'Apple, par exemple - sur des concurrents plus talentueux, en adaptant leurs innovations et en les déployant selon un modèle économique victorieux? Quatre jours après la sortie d'Internet Explorer, Microsoft a annoncé avoir enregistré 3 millions de téléchargements volontaires. En attendant la distribution automatique de la version 7, qui verra IE 6.0 disparaître en un temps record... Et Firefox reculer?

Sauf que cette fois, le modèle économique Microsoft ne peut faire la différence avec le système libre et collaboratif de Mozilla, qui joue hors de la cour de l'économie marchande, ne compte que 70 employés, rémunérés grâce à quelques partenariats et dons. Alors pour bien des bloggeurs, la cause est entendue. "Pour moi, écrit l'un d'eux, l'avantage est à Mozilla Firefox", non seulement pour ses extensions, mais simplement pour "le coté 'logiciel libre', donc indépendant du tentaculaire Microsoft".

"Quels que soient les comparatifs, il y a une chose essentielle, poursuit un autre. IE est attaquable par ses futures failles bien plus nombreuses que les rares failles publiées (et rapidement corrigées) de Firefox. Firefox évolue de façon continue, IE non. Enfin, c'est un open source, donc non propriétaire".

Auprès des jeunes et des entreprises américaines, la popularité de Firefox, mesurée par un cabinet comme JupiterResearch, ne cesse de progresser. Et de l'avis d'un analyste de Forrester Research, les internautes qui ont basculé sur Firefox ont peu de chances de faire marche arrière et de revenir à Explorer. Microsoft peut juste espérer ralentir les départs avec sa V7, mais pas anéantir son concurrent.

Consciente peut être qu'il ne s'agit pas cette fois d'une classique course de produits rivaux entre entreprises concurrentes, mais bien d'une bataille d'image et de valeurs, l'équipe d'Internet Explorer a adressé à Mozilla un gâteau de félicitations, avec l'inscription - en chocolat: "Congratulations on shipping. Love. The IE Team".

Le géant du logiciel nous avait habitué, dans ses guerres commerciales passées, à des armes plus meurtrières que la tarte à la crème. A moins qu'il ne conserve des munitions pour faire rebondir le drame.