Quand on écrit l'Histoire, on décrit souvent les prémices, les signes avant-coureurs d'un bouleversement. Et puis soudain, tout s'accélère, c'est la rupture, rien ne sera plus jamais comme avant. 2005 pourrait rester dans les annales comme l'année où la France a changé de majorité, où elle est entrée dans la "France de l'après 50%" selon l'expression de l'institut Médiamétie dans son bilan "L'année Internet".

Accès à Internet, équipement des foyers en ordinateurs, nombre de cyberacheteurs ont tous franchi la barre des 50% fin 2005. Passant de 23,7 millions à 26,1 millions entre les quatrièmes trimestres de 2004 et de 2005, la population internaute est devenue majoritaire chez les plus de 11 ans (50,5%). Plus d'un internaute sur deux (51,2%) a fait des achats en ligne à Noël contre 44,8% un an plus tôt. Et la France tend vers les 100% de haut débit (2x50%): 8 foyers sur 10 connectés à Internet surfent en haut débit, soit 7,4 millions de foyers et une croissance de 81 % des abonnés haut débit en un an.

Ainsi, cinq ans après la bulle et les rêves les plus fous autour des changements que le réseau des réseaux allaient entraîner dans la vie des gens, cette révolution s'est effectivement concrétisée dans les derniers mois de l'année; sa marche s'accélère.

Et ça change quoi? A priori, presque rien; acheter en ligne ou acheter sur un catalogue de vente par correspondance, c'est toujours un achat qu'on reçoit par la Poste. S'informer sur un écran ou sur un journal papier, c'est toujours se tenir au courant du cours du monde extérieur.

Et pourtant, cela commence à changer presque tout. La façon de vivre ensemble, de communiquer, d'apprendre... Pour Médiamétrie, 2005 est l'année du Web 2.0. Celle où on ne se contente plus de dupliquer sur le réseau le monde "traditionnel", mais où de nouveaux usages s'imposent. Avec ce nouveau web "collaboratif, communicant, collectif, relationnel", de plus en plus d'internautes se parlent par messagerie instantanée. Ils ont été 11,3 millions d'utilisateurs en décembre contre 9,1 millions au début de l'année 2005 (+ 23%).

L'intelligence se partage et devient collective; Wikipedia, l'encyclopédie libre constamment enrichie par les internautes eux-mêmes, a connu la plus forte hausse de fréquentation du Web en 2005 en France: +256%. Le modèle Wikipedia fait des émules; on appelle cela des "wikis". Et un internaute sur 10 a créé son blog tandis que près de 3 sur 10 (7,4 millions d'internautes contre 5,4 millions au deuxième trimestre de 2005) consultent des blogs chaque mois. Par ailleurs, la téléphonie sur IP enregistre un boom: l'audience de Skype a été multipliée par 2,5 depuis un an, avec 1,2 million d'utilisateurs.

Sur le Web 2.0, surfe une "Netgénération" beaucoup plus accro que ses aînés à toutes ces nouvelles pratiques. Chez les 13-24 ans, il y a belle lurette que l'on a franchi le seuil de 50% d'internautes: 9 jeunes sur 10 se sont connectés à Internet au cours du dernier mois. La majorité des adolescents internautes de 14-17 ans privilégient les messageries instantanées (56%) - pour garder le contact avec leurs amis - à une rencontre en face à face (51%)! La téléphonie sur IP leur est familière: un utilisateur sur quatre de Skype a moins de 25 ans. Les jeunes font des rencontres via Internet, y entretiennent leur réseau social, y recherchent de l'information avant de faire des achats en ligne ou dans des magasins. Il y prennent aussi la parole et ont envahi la blogosphère: 8 blogueurs sur 10 ont moins de 24 ans; plus d'un sur trois moins de 15 ans.

Les acteurs économiques qui ont su émerger de la première phase d'implantation du Web, celle où l'on a cru que contrôler un portail serait la grand affaire, devront sans doute réinventer des modèles adaptés à ce Web 2.0 et à cette nouvelle génération pour qui les échanges sur les réseaux numériques sont moins virtuels que la "vraie" vie.