Face à la grève dans les chemins de fer outre-Rhin, les voyageurs entre compréhension et exaspération

Le trafic ferroviaire est perturbé ce vendredi en Allemagne où les conducteurs de train de la Deutsche Bahn (DB) se sont mis en grève à l'appel d'un du syndicat GDL, qui réclame 31% d'augmentation des salaires. Il menace de poursuivre le mouvement la semaine prochaine si DB n'accepte pas de revenir négocier.

"Les trains roulent à nouveau normalement ?" : Il est 11 heures 10 ce matin dans le hall de la gare centrale de Berlin, et une voyageuse du troisième âge s'inquiète de l'état du trafic auprès d'un jeune apprenti en uniforme de la Deutsche Bahn. La grève nationale lancée par le syndicat des conducteurs de trains GDL a pris fin à 11 heures, en ayant débuté à 8 heures. Mais le tableau d'affichage électronique égrène la liste des trains annulés : l' "Intercity" (l'équivalent du Corail) de 11 h 13 pour Sarrebruck ne partira pas, pas plus que les trains reliant des villes plus proches, Francfort sur Oder et Nauen. Seuls les trains à grande vitesse (ICE) pour Cologne Munich sont prévus pour partir à l'heure.

Alors que le mot d'ordre de grève syndical avait été donné dès lundi dernier, Deutsche Bahn a voulu tout faire pour que cette journée de veille de week-end, synonyme de grande activité dans les gares, ne tourne pas au chaos. Sans attendre une décision de justice tombée dans la nuit de jeudi à vendredi, interdisant à sa demande la grève pour les liaisons grande distance (voyageurs et frêt), la compagnie allemande a mis en place un "plan d'urgence" conduisant à supprimer des milliers de trains sur toute la journée. Avec pour effet de ralentir le trafic au-delà de ce que le syndicat GDL avait planifié !

Christian a pu tout de même venir de Münster (Ruhr) tant bien que mal. Son train de 5 heures 30 n'a pas démarré : "deux minutes avant le départ, on nous a annoncé que le train ne partait pas". Finalement parvenu via une correspondance à Berlin avec 1 heure 30 de retard, il ne juge pas la situation "dramatique". Et soutient l'action des grévistes. "Je trouve très problématique que l'on veuille empêcher le droit de grève par une action devant la justice. En France, les conducteurs de locomotives gagnent bien mieux, donc je comprend les revendications des agents allemands".

Le syndicat GDL réclame une hausse jusqu'à 31% des salaires et une convention collective séparée pour les conducteurs. Un conducteur gagne en moyenne entre 1500 et 1600 euros net. "Je gagne plus, car mon contrat comporte certaines primes personnalisées", reconnaît toutefois un gréviste habillé de son plastron portant l'insigne GDL. "Tu n'as pas le droit de parler de ce que tu gagnes", l'interrompt vite son collègue. Ils sont en ce milieu de matinée une poignée de syndicalistes à être cantonnés devant l'entrée du gigantesque édifice en verre. Le service d'ordre de Deutsche Bahn leur a poliment mais fermement demandé dès 8 h 30 de quitter l'enceinte de la gare. La mine réjouie, tirant sur un cigarillo, un haut responsable du syndicat estime que "la grève est un succès. A peine 10% des trains en trafic urbain ont roulé et tout le trafic a été perturbé dès 3 heures 30, soit bien avant que ne débute notre mouvement".

Quel résultat en escompte-t-il ? "On attend que la Bahn, après avoir mesuré l'impact de la grève, se dise prête à retourner à la table des négociations avec une offre. Sa dernière proposition d'une prétendue hausse de 10% en travaillant plus, ce n'est pas une augmentation mais le paiement d'heures supplémentaires !". GDL décidera au cours de la semaine à venir de poursuivre les grèves si Deutsche Bahn persiste dans son refus de négocier, prévient-il. Déjà le combat va se poursuivre devant la justice pour obtenir la levée de l'interdiction de grève sur les grandes lignes.

S'ils semblent dans l'ensemble prendre leur mal en patience, les voyageurs croisés dans les allées de l'immense gare centrale ont une opinion différenciée sur la grève. Venu de Brême, cet agent artistique souligne que "Monsieur Mehdorn (président du directoire de Deutsche Bahn, ndlr) a augmenté aussi son salaire de 31% , alors ce que demandent à leur tour les conducteurs de trains est justifié, car ils gagnent extrêmement moins et font en outre des services de nuit". Dans la longue file d'attente devant les guichets de vente de billets, un étudiant espère obtenir un train le ramenant à Faltenberg, dans le Brandebourg. Il est encore énervé du coup de stress dans la matinée : "à cause de la grève, j'ai failli rater un examen important pour mes études. Ben, avec ça ma compréhension pour ce mouvement est limitée".

A côté, un retraité et petit actionnaire de DaimlerChrysler, venu pour l'assemblée générale du groupe la veille, renchérit : "je n'ai pas de tolérance pour un groupe d'employés agissant de manière non solidaire. S'il demande 30% de plus et qu'on leur offre 10% il faut l'accepter. Sinon on provoque la rancoeur des 250.000 autres salariés du groupe. Je comprendrai alors que ces derniers soient mécontents qu'un petit groupe puisse imposer sa loi". Mais pour Kathrin, enseignante en anglais, tout cela est un peu la faute de Deusche Bahn. Son souci est de ramener un groupe de vingt élèves à Francfort. La liaison via les trains "IC" est annulée, et il n'y a plus de place dans les ICE. "La grève c'est déjà ok, mais elle est mal gérée. Je n'ai pas pu m'informer auprès des services de Deutsche Bahn avant 2h30 cette nuit, et maintenant je suis coincée, c'est énervant".

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