Airbus : l'Etat est prêt à participer à une augmentation de capital d'EADS, selon Villepin

Le Premier ministre évoque ce lundi la possibilité pour l'Etat de participer à une augmentation de capital d'EADS, maison-mère d'Airbus. Nicolas Sarkozy et François Bayrou, qui se sont rendus à Toulouse, critiquent l'idée d'une entrée des régions françaises dans le capital d'Airbus, défendue par Ségolène Royal.

L'Etat est prêt "avec les autres actionnaires" à participer à une augmentation du capital d'EADS, maison-mère d'Airbus, a déclaré lundi à Paris Dominique de Villepin, à l'issue d'une réunion interministérielle. Le Premier ministre a également déclaré qu'à son avis, "il ne devrait pas y avoir de distribution de dividendes cette année".

De son côté, le ministre de l'Economie, Thierry Breton, a précisé que l'Etat souscrirait à une éventuelle augmentation de capital si l'entreprise le proposait. Pour le ministre, il est important aussi de discuter sereinement d'une "ligne managériale unique" à terme, au sein d'EADS, avec un président et un directeur général au lieu des deux coprésidents et deux codirecteurs généraux actuellement en place.

Le dossier s'est invité en tout cas dans la campagne présidentielle: Nicolas Sarkozy, avant de se rendre à Toulouse, a évoqué une éventuelle recapitalisation du groupe aéronautique par l'Etat pour sortir de cette crise, qu'il a qualifiée de "grave". En revanche, il a critiqué la proposition de Ségolène Royal de faire entrer des régions françaises dans le capital.

"Envisager la participation des régions, cela crée un faux espoir. Les régions pourraient investir quelques dizaines ou centaines de millions d'euros alors qu'il faut plusieurs milliards pour recapitaliser" Airbus, a affirmé aussi le porte-parole de l'UMP Luc Chatel.

Même son de cloche chez François Bayrou qui juge cette proposition "totalement irréaliste". Le candidat centriste s'est rendu lui aussi à Toulouse.

Les membres de l'intersyndicale d'Airbus se sont déclarés rassurés lundi après leurs rencontres avec François Bayrou et Nicolas Sarkozy. Chacune des cinq centrales de l'Intersyndicale Airbus (CGT, FO, CGC, CFDT, CFDT) était représentée à ces deux rencontres. "Tous deux ont été concrets et tous deux nous ont apporté leur soutien ferme. C'est l'essentiel", a ainsi déclaré Xavier Pétrachi, pour la CGT.

Sur place, Nicolas Sarkozy s'est déclaré favorable à un nouveau pacte d'actionnaires pour Airbus où l'Etat serait mieux représenté. "Le rôle de l'Etat est essentiel. Si j'étais président de la république et qu'Airbus avait besoin d'une augmentation de capital, je serais prêt à le faire car c'est un enjeu industriel important", a déclaré le candidat UMP. "Je ne vois pas comment l'Etat peut se désintéresser d'une entreprise dont il est l'actionnaire". "Aujourd'hui l'urgence est de voir quels partenaires financiers (peuvent être trouvés) pour renforcer le tour de table financier puis de trouver un partenaire industriel", a-t-il poursuivi en refusant l'idée de l'arrêt du plan Power 8.

Dimanche soir sur RTL, Thierry Breton avait jugé "indispensable" le plan de restructuration de l'avionneur européen pour en faire le "leader mondial à l'horizon 2012". Il a affirmé que les 10.000 suppressions d'emplois prévues se feraient "progressivement et sans licenciement". Selon lui, "Airbus doit faire ce que Boeing a fait il y a quatre ans".

Le ministre de l'Emploi, Jean-Louis Borloo, quant à lui, a jugé nécessaire dimanche de "sortir du pacte de gouvernance" d'Airbus. "Est-il sérieux de continuer d'avoir (dans le capital d'EADS) des Etats actionnaires, minoritaires mais importants, et une gouvernance déléguée à des industriels qui au fond ne font pas du développement de cette activité leur vraie stratégie économique?", s'est interrogé le ministre sur la chaîne de télévision France 5.

Pour sa part, la chancelière allemande Angela Merkel s'est déclarée opposée à l'ouverture à des partenaires russes du pacte d'actionnaires d'EADS, grâce auquel Allemands et Français se partagent la gestion du groupe aéronautique européen, dans une interview parue lundi dans la Süddeutsche Zeitung. "Pour le moment, nous ne devrions pas accepter d'autres actionnaires au sein du pacte d'actionnaires d'EADS (...) Mais je suis en faveur d'une coopération industrielle plus étroite dans la construction d'avion, comme EADS a déjà commencé à le faire", a-t-elle ajouté.

De leur côté, les actionnaires individuels d'EADS "soutiennent totalement" les propos de Louis Gallois, co-président français du groupe, qui s'est plaint de l'ingérence des gouvernements dans la vie de l'entreprise, a indiqué samedi l'Association des petits porteurs actifs (Appac). "Les actionnaires sauront prendre leurs responsabilités lors de la prochaine assemblée générale, et participeront à toute augmentation de capital nécessaire à l'avenir de cette grande société", a par ailleurs assuré le président de l'Appac, Didier Cornardeau, dans un communiqué.

"Les politiques, par leurs interventions à grands spectacles, outrepassent leurs droits et portent gravement préjudice à la société, aux actionnaires et aux salariés", a poursuivi le président de l'Appac. Or, "le droit des actionnaires individuels, institutionnels, ou salariés interdit à quiconque d'intervenir dans la gestion de toute société dont la responsabilité est du ressort du président et du Conseil d'administration", a-t-il fait valoir.

Didier Cornardeau a en particulier dénoncé les déclarations de la candidate à l'élection présidentielle Ségolène Royal, qui a fustigé samedi "l'aquoibonisme", ou idéologie du renoncement, dans le dossier Airbus. De son côté, Ségolène Royal demandera mardi à Berlin que les Etats européens assument leur responsabilité dans le dossier Airbus et aident à stabiliser le capital de l'avionneur, a déclaré dimanche François Hollande.

Le Premier secrétaire du PS a estimé sur Canal + que les électeurs auraient le choix le 22 avril entre une politique de désengagement de l'Etat incarnée, selon lui, par le candidat UMP Nicolas Sarkozy ou au contraire une politique volontariste. Pour François Hollande, le plan "que propose M. Sarkozy, c'est un désengagement de l'Etat et l'arrivée d'un partenaire privé."

Ségolène Royal, pour qui l'Etat "peut et doit intervenir", a affirmé son intention de décréter un moratoire sur le plan de restructuration "Power 8" en cas de victoire à la présidentielle et d'intervenir pour recapitaliser l'entreprise. Elle a également proposé que les huit régions françaises concernées par l'aéronautique puissent "entrer au capital d'Airbus comme le font les Länder allemands".

Dans un entretien au Financial Times de samedi, Louis Gallois s'est plaint des ingérences des gouvernements lors de la mise au point du plan de restructuration "Power 8" de l'avionneur européen, les qualifiant de "poison" pour la compagnie. Dans un autre entretien accordé au Süddeutsche Zeitung, Louis Gallois et le coprésident allemand, Thomas Enders, ont tous deux critiqué le principe de la coprésidence franco-allemande du groupe.

"Il ne faut pas mélanger management et politique", a renchéri de son côté Fabrice Brégier, directeur général délégué d'Airbus, dans un entretien à La Dépêche du Midi, tout en souhaitant "le soutien des autorités locales et de l'Etat".

Le plan de restructuration de la société, annoncé mercredi, prévoit notamment la suppression de 10.000 emplois au cours des quatre prochaines années afin de réaliser 5 milliards d'euros d'économie d'ici 2010. Après des débrayages ponctuels cette semaine, les syndicats français d'Airbus appellent à une demi-journée de grève mardi et à des manifestations autour des sites de l'avionneur, notamment à Toulouse, Nantes et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), ainsi qu'à Méaulte (Somme).

La crise d'Airbus pèse en tout cas sur le titre EADS qui, en clôture lundi à Paris, perdait 2,58%, à 23,02 euros.


Le Pen se moque du "ballet des candidats" auprès d'Airbus
Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national à la présidentielle, a ironisé ce lundi sur "le ballet des candidats" à l'Elysée auprès des salariés d'Airbus, en affirmant qu'il revenait aux "professionnels de régler" les difficultés de l'avionneur européen. "Je constate que toutes les occasions sont bonnes pour témoigner de la compassion des candidats (...), que ce soit un accident de la route, un incendie d'hôpital, une entreprise qui va mal", a-t-il poursuivi sur France-Inter. Selon lui, "tous les problèmes ne sont pas de la compétence des politiques". "Laissons les gens d'Airbus essayer de trouver la solution industrielle et commerciale nécessaire". Le président du FN a estimé que "pour l'instant", l'Etat ne peut rien faire. Il a rappelé que "l'Etat a des représentants au conseil d'administration plus compétents que les candidats à la présidence de la république". Le candidat du FN a jugé que les difficultés d'Airbus étaient "prévisibles". "La production d'Airbus en Europe relevait d'un schéma ubuesque (...) Le seul fait qu'il y ait des coprésidents me paraît déjà une condamnation et une démarche rédhibitoire".

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